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Créer un centre de lutte contre les trafics illicites avec un mode d'action transversal
Pierre Delval, président de l'Organisation Mondiale de lutte contre les trafics illicites (Waito)
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000

Il est expert international en matière de lutte contre les trafics illicites et travaille pour le compte de plusieurs organisations mondiales, notamment l'Ocde, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale des douanes et autres. Président de l'Organisation mondiale de lutte contre les trafics illicites (Waito) et criminologue, Pierre Delval soutient l'idée de la création en Tunisie d'un centre de lutte contre les trafics illicites des marchandises, préconisant une cohésion des efforts des secteurs public et privé, qui est sur le point d'être décidée. L'expert international souhaite que la Tunisie soit choisie par l'Ocde comme un pays pilote en matière de lutte contre le trafic illicite pour l'année 2016. Il en soutient la candidature. Optimiste quant à l'évolution des choses en Tunisie, Pierre Delval nous dévoile ici les grands axes du travail dudit centre.
Actuellement, vous êtes sur des projets bien précis, qui sont vos partenaires sur ces projets ?
En fait le projet sur lequel nous travaillons depuis un certain nombre de mois, et qui est le résultat d'un long travail préparatoire depuis 2011, est le fait de créer en Tunisie un centre de lutte contre les trafics illicites. C'est à la demande de la direction générale de la douane qui voudrait mettre en place un projet de ce type mais qui doit gérer d'autres priorités, ce qui ne permet pas de mettre en place ce projet immédiatement. Mais c'est aussi un projet d'un intérêt pour la société civile et plus particulièrement pour les organisations patronales qui voient dans une approche comme celle-là le moyen de pouvoir lutter plus efficacement, plus concrètement contre les trafics illicites.
Aujourd'hui, on ne peut pas, compte tenu de la situation de la Tunisie, associer la sphère publique et la sphère privée. Travailler uniquement avec la sphère publique sur ce sujet serait une erreur majeure et donc il convient d'avoir une action commune et collégiale entre le public et le privé. Le privé est bien évidement au premier plan, je pense à ceux qui représentent l'économie du pays: le commerce, les petits artisans.
L'Utica travaille sur ce sujet de manière active depuis 2012 et elle a intérêt à travailler avec des organisations comme la notre parce que, justement, dans cette démarche, il ne faut pas rester au stade théorique comme c'est le cas jusque-là. C'est vrai qu'il y a de bonnes idées qui en ressortent mais ça reste extrême théorique.
Pour nous, ce qui importe et ce que l'on souhaite mettre en œuvre avec les deux sphères publique et privée en Tunisie c'est la mise en place de solutions pragmatiques, concrètes qui permettent d'avoir des résultats immédiats. Cela est notre priorité de réaliser un programme qui soit réaliste et qui donne des résultats immédiats. L'idée est donc de créer une plateforme, un centre qui soit totalement dédié à lutter contre le trafic illicite.
Si vous nous éclairez davantage sur le domaine d'action de ce centre...
Quand on parle de trafic illicite de marchandises, on parle de contrefaçon dans le sens atteinte contre la propriété intellectuelle. On parle de contrebande, de non-conformité des produits que ce soit d'ordre technique ou secrétaire. On parle, aussi, de marché gris, ce qui est l'importation de marchandises qui répondent à tous les critères réglementaires et normatifs mais qui, quelque part, contourne toutes les obligations fiscales. Tous ces trafics illicites de marchandises ont des impacts qui sont connus, fiscaux et économiques en matière de concurrence déloyale, et un impact en termes de sécurité de santé publique. Ces trois facteurs associés sont les ingrédients de l'instabilité de tout pays. Si le pays compte sur des rentrées fiscales importantes par les flux de marchandises et que ces rentrées ne se font pas, ça crée évidemment une instabilité économique. Mais à cela, et c'est toute la particularité de la Tunisie, s'ajoute le fait que la Tunisie est dans un étau entre ses deux zones frontalières principales avec l'Algérie et la Libye. L'Algérie n'est pas un pays en guerre, mais il y a des trafics bien connus qui alimentent le marché tunisien. Et de l'autre côté vous avez la Libye, qui, elle, est en situation de conflits armés, où se développent plusieurs fléaux d'organisations criminelles et de terrorisme. Les trafics illicites qu'on constate en Tunisie ont un lien direct avec le financement de ces organismes terroristes, qui sont eux-mêmes très liés et associés aux organisations criminelles installées durablement aux frontières et à l'intérieur même de la Tunisie.
Cette corrélation entre les trafics illicites et les organisations de crimes organisés et terroristes n'est pas toujours évidente pour certains politiques. Qu'en pensez-vous et quel est concrètement le plan d'action de ce centre?
La Tunisie parle beaucoup de démocratie et on sait que l'Etat tunisien doit comprendre que le rejet des valeurs de la démocratie est le seul point commun de ses ennemis et cela est très important. Donc et très clairement, s'il n'y a pas une prise de conscience de la part de l'Etat tunisien de cette relation entre terrorisme et organisations criminelles sur le thème des trafics illicites des marchandises, ça veut dire qu'il ne sera pas à même d'établir la démocratie dans le pays.
Pour ce qui est des actions de ce centre, d'abord il ne peut y avoir de lutte contre les trafics illicites que s'il y a une cohésion entre la société civile et les pouvoirs publics. Il ne peut y avoir une véritable action construite autour de cette cohésion que si et seulement si se crée une structure dédiée, permettant à la fois de coordonner les actions et à la fois de les mettre à la pratique. Notre organisation, Waito, dans l'histoire, n'est que le ciment pour permettre à l'ensemble des briques de pouvoir s'assembler et permettre la construction de cette structure.
La première chose est qu'il est fondamental que cette structure permette de travailler d'une manière transversale ; qu'elle puisse à la fois toucher aux problèmes de la santé, de la sécurité, aux problèmes économiques, de développement de la société, de respect des droits démocratiques, etc. Il y a une nécessite de pouvoir faire travailler tous les ministères concernés, plus la société civile avec les représentants de l'industrie et du commerce, qui sont les organismes patronaux, en l'occurrence l'Utica. Ça c'est le premier objectif sur lequel on est en négociation aussi bien avec les pouvoirs publics qu'avec les organismes du privé représentés par les organisations patronales.
Le deuxième point est quelles sont les actions qui vont nourrir ce centre? Premièrement, il faut savoir que le 17 juin dernier, il y a eu un séminaire de travail interministériel organisé par la direction générale des douanes. En fait, avec Waito, la direction générale des douanes a réuni les ministères concernés par ce problème et ensemble nous avons exposé les différents points relatifs aux problèmes rencontrés en Tunisie. Pour ma part, j'ai présenté très clairement les répercussions qu'il peut y avoir entre le crime organisé à l'international et le crime organisé en Tunisie; les flux, les problématiques, les dangers, les menaces subsahariennes, etc. Et à partir de là, il a été fixé un certain nombre de points qui ont été écrits dans un livre blanc, sorti le 18 juin dernier. Ce livre blanc permet de focaliser un nombre d'actions à court terme à mettre en œuvre, qui sont les actions que nous souhaitons mettre en œuvre dans le cadre du centre en question. Il y a neuf axes d'action. D'abord, il faut confirmer la notion de sécurité nationale contre les organisations criminelles. Ça peut vous sembler étonnant.. Sur ce premier point, il faut avoir pour objectif d'identifier la réalité contemporaine du phénomène criminel parce qu'aujourd'hui, on en parle énormément mais généralement on en parle mal. C'est que le sujet en tant que tel est mal compris ou en tout cas mal identifié. Le premier élément fondamental c'est de pouvoir, à partir de là, identifier cette identité du phénomène criminel en matière de trafics illicites de marchandises dans l'espace national, intra-territorial, et en zones transfrontalières, tout en sachant précisément quels sont les flux, d'où ils viennent, par quelles voies ils sont acheminés, et vers où et qui.
Il n'y a pas une vision commune en cela, quel est l'impact pour cette incompréhension? Et sachant que parfois, il y a des cadres et du personnel qui sont impliqués dans ce genre de fléaux, comment allez-vous faire pour avoir l'efficacité requise?
Quels sont les réseaux? Quels sont les importateurs et par qui ça passe? Qui sont les coordinateurs? Qui sont les barons des mafias locales qui permettent justement de réaliser ce genre de trafic et combien ça rapporte précisément, parce qu'aujourd'hui, on donne des chiffres qui sont faux... Il me semble, très clairement, qu'il faut mener des actions et des enquêtes extrêmement précises avec un personnel extrêmement spécialisé pour pouvoir le faire.
Absolument, ce ne seront pas du tout des Tunisiens. Ce seront des spécialistes internationaux qui seront amenés sur le terrain, sur zones, pour identifier et mener ces actions de manière à ce que l'on sache précisément qui est impliqué dans cette organisation. On aura toutes les données nécessaires pour pouvoir agir correctement. Ça c'est le premier point. Toujours dans cette confirmation de la notion de sécurité nationale, il faut absolument mettre en perspective mondialisée le phénomène criminel rencontré en Tunisie. Cet élément est fondamental pour anticiper les menaces parce que si vous n'anticipez pas, vous aurez toujours deux guerres de retard, donc pour en arriver là, il convient de mettre en perspective ces phénomènes criminels et démontrer leur convergence entre les réseaux internationaux et les réseaux régionaux et finalement nationaux. Si nous arrivons à faire ce lien entre ces réseaux, on sera capable de pouvoir mener les actions en amont pour déterminer précisément quelles pourront être les parades à réaliser pour éviter ce genre de situations. Troisième élément, qui ne peut se faire qu'avec des spécialistes internationaux sur le sujet, d'où la raison de Waito. Parce qu'en fait Waito est dotée d'une équipe de 170 experts répartis au niveau mondial et qui, eux, ont leurs propres informations et qui peuvent recouper avec les informations tunisiennes. Ce sont des experts dans les domaines qui nous concernent, c'est à dire la contrefaçon, la contrebande et les produits non conformes.
Ensuite vient la phase d'établissement d'une approche géopolitique et globale pour ces études criminelles afin de savoir exactement comment positionner les dangers et les menaces au niveau géographique. Il convient aussi d'étudier ce phénomène criminel dans un esprit d'anticipation, ce que nous appelons dans notre jargon «le descellement précoce». On va savoir précisément comment fonctionnent les tendances. Est-ce que, par exemple, ce sont des tendances de marché. Par exemple, est-ce qu'on aura besoin davantage d'un certain type d'antibiotiques ou autres produits pendant une certaine période de l'année. Est-ce que les organisations criminelles sont à l'écoute de ces marchés et est-ce qu'elles iront spécialement commander ces produits de contrefaçon ou de contrebande pour les acheminer en Tunisie.
Puis, il va falloir cibler les risques peu visibles de dangerosité et qui peuvent être des dangers majeurs; par exemple, le fait de créer une banque et que cette banque est basée sur des fonds dont on ne connaît pas les origines. Là, c'est intéressant justement de déterminer pourquoi cette banque a voulu se créer en Tunisie en ce moment précis, d'où viennent les fonds et qu'est-ce que la banque compte faire. Là ce sont des choses qui peuvent sembler banales au premier abord; création d'une banque, mais qui, si on s'y intéresse de plus près, permettent peut-être de déterminer qu'il y a une source d'information majeure en matière de préparation du terrain pour le crime organisé sur les flux financiers. Et qui peuvent renvoyer vers des partenaires, etc.
Le plus dur c'est cette étape de faire le diagnostic, d'analyser et de déterminer qui va faire quoi, surtout si on parle du court terme... Quel est l'apport de Waito dans ce travail?
C'est bien la raison pour laquelle nous sommes ici et tout le travail de Waito, avec cette expérience-là au niveau international, est de coordonner et de savoir qui peut agir, comment, de quelle manière et sous quelle forme. Waito sait comment organiser des structures telles ce centre que l'on veut mettre en place. Ça c'est notre grande spécialité.
Ensuite, toujours dans ce registre de la notion de sécurité nationale, il y a la collecte de toutes les informations. Et sur ce plan, il y a un vrai problème en Tunisie c'est qu'il n'y a pas de bases de données. Ce qu'il convient de faire c'est de mettre en place une base de données qui permet de collecter toutes les données afin de pouvoir recouper toutes les informations concernant les flux de marchandises et de pouvoir ainsi déterminer celles recoupées et qui permettent d'anticiper les menaces. Ça va englober les secteurs de la santé, de l'industrie mécanique, du bâtiment, du textile, de la maroquinerie, etc. Bref, tous les secteurs. D'où l'intérêt de travailler avec tous les intervenants et notamment les organisations patronales du secteur privé. Car en fait il y a derrière eux les fédérations interprofessionnelles et chacune dispose des informations que l'on peut recouper avec les informations des douanes, de l'intérieur, de la défense, etc. Ainsi on pourra collecter et recouper toutes les informations au sein du centre et avoir une base de données qui soit exploitable. Ça c'est tout le travail de fond, résultant des démarches que je viens de citer, qui va nous permettre d'avoir une analyse beaucoup plus précise de la situation sur la sécurité nationale dans sa lutte contre les organisations de trafics illicites.
Qui va gérer ces bases de données et qui va gérer ce centre et ses actions?
C'est le centre lui-même, d'où l'importance sphère publique-sphère privée. Ce centre-là sera un état-major, si on peut dire, qui va justement coordonner l'ensemble des actions à partir des données qu'on va collecter. C'est pour ça qu'on préconise une démarche collégiale entre l'ensemble des différents acteurs concernés par le sujet.
Un dernier point très important dans ce registre de sécurité nationale, c'est le fait de créer au sein même de la Tunisie une formation académique auprès des deux sphères publique et privée sur toutes ces notions criminologiques afin de maîtriser les différentes facettes des trafics illicites, chose qui n'existe pas encore. Où va-t-on l'enseigner? L'idéal, et on est en train d'étudier ça, serait qu'une université de droit le fasse. Il convient d'avoir un espace genre forum académique suffisamment large pour intégrer cette formation là de manière à ce que l'ensemble des parties puisse avoir le droit d'y participer. C'est ce que nous avons fait en France, par exemple, pour associer l'ensemble des parties dans cette formation, et ce, à l'université de Paris 2 Panthéon Assas qui a inscrit cette formation spéciale sur «les menaces criminelles contemporaines» au sein de son université pour former des spécialistes. Il y a des spécialités après, car il y a des infractions criminelles associées au trafic illicite de marchandises dont le blanchiment d'argent, la corruption, le trafic d'influence, etc.
Le deuxième objectif est un peu plus précis, qui est attaché à ce que j'appelle service d'intelligence, ou service des renseignements, pour avoir en détail les actions menées par certains réseaux criminels afin de mener des actions plus ciblées et oblitérer ou stopper ces réseaux. Mais cela implique de l'investigation des services de sécurité. Ça sera donc une cellule de sécurité qui sera totalement intégrée au sein même de ce centre pour pouvoir coordonner les actions de démantèlement de ces réseaux. Entre autres, elle va enquêter dans plusieurs domaines dont la corruption dans l'administration et notamment auprès des cadres qui ne veulent pas jouer le jeu.
Le troisième axe, qui est majeur dans ce programme, est le développement économique des zones frontalières. L'objectif, qui n'est pas impossible, est de faire en sorte que les populations locales ne soient plus sous l'emprise des réseaux criminels pour faciliter la circulation des marchandises illicitement.
On a bien compris aujourd'hui que pour une personne vivant dans les régions frontalières, le gap entre ce qu'elle peut gagner de son labeur et celui grâce au réseau criminel est énorme. Donc, il est important de rétablir l'ordre au sein même de ces populations pour qu'elles retrouvent un équilibre normal dans leur vie.
Je pense que mener des actions militaires dans les zones frontalières est une erreur s'il n'y a pas au préalable la mise en place d'une démarche de développement économique. Qu'il y ait, en marge de cette politique de développement régional, une sécurisation secrétaire de la zone, me semble normal. Mais qu'on lance une politique répressive alors qu'on n'a pas mis en place les mécanismes nécessaires pour que les gens puissent avoir la possibilité de travailler normalement, ça c'est quelque chose qui ne peut pas marcher et ne marchera pas. Aujourd'hui, les pouvoirs publics tunisiens veulent démontrer par la force qu'ils sont capables d'imposer l'Etat de droit dans les zones frontalières. Ça ne peut pas se faire. C'est un effet de manche.
Sur ce point, le centre va procéder à une étude exhaustive sur les forces et les faiblesses économiques des régions. On va y impliquer les fédérations, les unions régionales et syndicales pour travailler sur l'identification des opportunités de développement économique dans ces zones. On va ensuite intégrer des solutions économiques fiables sur l'implantation possible d'activités artisanales, industrielles, commerciales et agricoles, et on n'écarte pas la possibilité de zones franches. Mais à partir de ce moment, ces zones franches doivent être contrôlées et jouer la transparence. Il est hors de question qu'elles deviennent des zones de non-droit, comme on le voit souvent à l'international.
On n'est pas contre une politique de promotion des micro-entreprises ainsi qu'une politique d'accompagnement fiscal et d'aides nationales et internationales au développement. Le centre va coordonner l'ensemble de ces actions pour réfléchir à partir des études qui seront réalisées pour trouver les investisseurs et les organisations internationales qui vont permettre de financer ces zones, tout en justifiant que l'objectif à court terme de la réalisation de ces investissements c'est d'abord redonner à la société tunisienne des zones frontalières la capacité de retrouver leur équilibre.
La réalisation d'une telle étude, qui est l'un des points les plus importants, prendra une année. Avec le ministère du Commerce et de l'Artisanat, on va créer un comité chargé de travailler sur un programme contrôlé d'investissement international dans ces régions pour s'assurer que l'investissement ait des résultats. Aussi, il va falloir sensibiliser et accompagner la population.
C'est à ce stade que le centre va contribuer avec les forces publiques à un vaste programme de démantèlement des réseaux mafieux.
La partie développement économique va se faire de 2016 à 2020. Les premiers résultats de ce plan de développement économique, pour être lucide, n'arriveront pas avant 2018-2019. C'est que sur le terrain, il va falloir du temps pour la mise en place de tous ces éléments. Et un dernier point pour cet axe, c'est de créer deux comités de coordination bilatéraux sur ce sujet de développement des zones frontalières avec les pendants libyen et algérien. C'est un outil très intéressant qui va faire profiter les deux pays du voisinage. C'est un travail gagnant-gagnant.
Pour les zones de tensions, notamment en Libye, quel impact sur la réussite d'un tel programme?
Il faut savoir que la Libye est une zone de passage obligatoire pour les trafics illicites de marchandises entre la zone subsaharienne et la Tunisie. La Tunisie devient quelque part l'autoroute de circulation des marchandises entre la zone subsaharienne et l'Europe, donc toute cette zone, parce qu'à terme le centre va s'intéresser beaucoup à toute cette région car cette zone subsaharienne est la zone d'alimentation en marchandises illicites. Aussi, un travail de fond devra être fait au niveau de ces zones et déjà Waito est en discussions avancées avec les pays voisins de la Libye pour voir de quelle manière on peut coordonner des actions entre cette région subsaharienne, du Sahel et la Libye. Ça fait déjà un an que nous préparons l'installation d'un centre similaire en Libye pour toute la zone subsaharienne. Mais étape par étape.
Pour revenir sur le plan d'action, on va s'attaquer par la suite à un autre sujet extrêmement important qui est celui des nouvelles menaces de contrefaçon et de non-conformité criminelle. Avec une politique préventive et répressive, cette réforme sur le fond des dispositifs répressifs en Tunisie notamment au niveau pénal en travaillant sur les différents textes juridique inefficaces. Le problème est que les textes de loi existants autour des trafics illicites de marchandises n'ont pas de correspondance les uns avec les autres. L'objectif c'est de pouvoir utiliser dans le code pénal tout ce qui peut sembler opportun afin que ça ne soit pas réduit à une simple expression lors d'une condamnation judiciaire. Il faut faire le lien entre les différentes facettes de ces crimes. Il y a déjà des choses existantes qui sont bien mais mal exploitées. C'est plus un travail sur l'exploitation du code pénal que de réforme de ce dernier.
Le cinquième axe, lui, concerne la garantie de la qualité et la sécurité des consommateurs, ainsi que la valorisation des produits tunisiens tout en dissuadant toutes les fuites fiscales en matière de marchandises commercialisées dans le pays. Il va falloir travailler sur des outils de prévention et de dissuasion qui ont essentiellement de traçabilité et d'authentification qui vont faciliter le travail des autorités de contrôle, notamment en matière de conformité fiscale et de sécurité de santé et autres. Quant au sixième axe, il s'agit de mettre en place des programmes nationaux d'éducation, à tous les niveaux, et de sensibilisation concernant toutes les infractions sus-mentionnées pour que les jeunes développent un comportement sain et conscient quant à ces problématiques tout en diversifiant les outils de sensibilisation.
Et puis, un dernier point, c'est de pouvoir cette fois-ci établir de manière très concrète une relation de partenariat fort entre une organisation internationale et la Tunisie. En matière économique, l'organisation la mieux adaptée pour pouvoir travailler de concert avec la Tunisie c'est l'Ocde qui a créé une task force (Tfcit), dont je fais partie, dédiée à la lutte contre le trafic illicite des marchandises. Chaque année, cette task force cherche un pays pour travailler avec lui sur les sujets locaux et les Etats membres et les Etats partenaires de l'Ocde sont prêts à contribuer sous différentes formes techniques, financières et autres, à le faire sortir de la situation qu'il connaît en matière de trafic illicite. En 2014, l'Ocde a choisi comme pays pilote le Mexique, en 2015 ce sera l'Afrique du Sud, et en 2016 je souhaite que ce sera la Tunisie pour qu'elle devienne un pays phare, de référence vis-à-vis de l'Ocde.
C'est un programme ambitieux dont nous sommes en négociation avec les deux sphères publique et privée en Tunisie et nous voulons absolument faire de la Tunisie un centre d'excellence. Nous ferons tout ce qu'il faudra pour qu'on arrive à des résultats concrets et la création de ce centre dans les meilleurs délais. L'idéal est de le prévoir pour le début de l'année 2015.
La Tunisie est un pays à part, c'est pourquoi j'en suis tombé amoureux. Elle dispose de plusieurs atouts dont la longue et chargée histoire qui la différencie des autres pays du Maghreb, l'éducation, et sa capacité de se régénérer.


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