La campagne électorale en vue du second tour de l'élection présidentielle a démarré mardi 9 décembre. Ennahdha a reporté à samedi prochain le choix du candidat qu'elle va appeler son électorat à soutenir, «en attendant les tractations de la semaine en cours». Et si Marzouki renversait tous les calculs du parti de Montplaisir et lui ravissait le statut de chef de l'opposition? Maintenant que l'Assemblée des représentants du peuple est édifiée sur son président et ses deux vice-présidents, que la commission parlementaire des finances est présidée par un député de l'opposition (Slim Besbès), que l'Union patriotique libre a pris sa décision de soutenir Essebsi lors du second tour de la présidentielle, que le Front populaire a pris aussi la décision de «contrer Marzouki» et qu'Ennahdha a réuni samedi et dimanche derniers son Conseil de la choura pour prendre «la décision qui tient compte des intérêts de la Tunisie» (comme ne cessent de le répéter ses leaders), la question que tout le monde se pose est bien la suivante : comment les Tunisiens vont-ils choisir leur futur président, le 21 décembre prochain ? A la lumière des événements qui se sont succédé depuis le 23 novembre dernier, jour du premier tour de l'élection présidentielle, comment l'opinion publique va-t-elle se comporter à l'égard des deux prétendants au Palais de Carthage, Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouki ? En plus clair, l'écart de six points dont se prévaut Essebsi va-t-il s'accentuer, rétrécir ou sauter carrément pour que Marzouki se classe à la première place ? Dans l'objectif d'éclairer la lanterne de ses lecteurs et face au flot des analyses relayées par les médias et les réseaux sociaux, La Presse a soumis toutes ces interrogations à un spécialiste de la communication politique qui a voulu garder l'anonymat pour ne pas influencer les électeurs, mais dont les projections antérieures se sont révélées jusqu'ici très proches des verdicts qu'ont livrés les urnes le 26 octobre et le 23 novembre 2014. Les erreurs sont partagées et calculées Pour notre spécialiste, «l'écart de six points en faveur de Béji Caïd Essebsi est difficile à rattraper en un mois. Généralement, les choses ne changent pas du tout au tout aussi rapidement. Avant le 23 novembre dernier, l'écart était de 10 points en faveur du président de Nida Tounès. Quand il s'est resserré, il est tombé à six points, l'opinion publique bouge lentement et au gré des faits de la campagne». Les erreurs commises par les uns et les autres peuvent-elles tout chambarder ? «Pour moi, précise notre source, elles sont partagées et savamment calculées, mais elles n'auront pas de grandes conséquences sur les résultats du second tour. Quant au partage du butin au sein du Parlement, je pense que les électeurs n'y voient pas une opération de quotas. C'est une pratique qui reflète la réalité du paysage politique national né des élections du 26 octobre 2014 puisque les partis classés aux premiers rangs ont récolté les trois premiers postes au parlement. C'est une opération cohérente et logique même s'il a fallu du temps pour y arriver». Côté formation du gouvernement, «le partage se fera autrement puisqu'Ennahdha n'y sera pas dans la mesure où ce parti a déjà affiché son statut de parti opposant mais coopératif en accédant à la présidence de la commission parlementaire des finances, en la personne du député Slim Besbès, comme le prévoit, d'ailleurs, la loi». Et le Front populaire qui fait tout pour faire perdurer le suspense en reportant au lundi 8 décembre les consignes de vote qu'il va adresser à son électorat. Et l'on attend toujours sa décision. Déjà, des frictions sont apparues au sein du Front puisque le Parti démocratique unifié a déjà annoncé son appui à Essebsi sans attendre la décision de ses partenaires. «Pour moi, les choses sont claires. De par les formations qui le constituent, le Front est configuré pour s'opposer. Il faudrait oublier qu'il peut être un partenaire du pouvoir. Sa place est dans l'opposition que l'on souhaite intelligente. Peut-être que le Front populaire va augurer la naissance d'une gauche tunisienne qui reprendrait la place qui lui revient de droit sur l'échiquier politique national. Car, il ne faut pas oublier la gifle que la gauche a reçue le 26 octobre dernier et c'est au Front de réhabiliter cette gauche auprès des Tunisiens», souligne encore notre spécialiste. Reste le cas d'Ennahdha qui risque de tout perdre au cas où son Conseil de la choura ne réussirait pas à arrondir les angles et à chasser «l'implosion du parti qui sonne sérieusement à Montplaisir». «Ennahdha se trouve, en effet, face à un double défi. D'abord, un défi interne. Il se résume en l'interrogation suivante : à quel point ceux qui ne veulent plus de Marzouki pourraient convaincre les autres ?». Le deuxième défi est externe. Les bases du parti sont séduites par la radicalisation de Marzouki au point de s'aligner derrière lui, même contre la volonté de leurs leaders, comme elles l'ont déjà fait le 26 octobre. A ce moment-là, c'est l'implosion au sein d'Ennahdha et c'est Marzouki qui pourrait être le catalyseur de la déconfiture du parti islamiste et s'imposerait comme le chef de l'opposition. Et peu importe le score qu'il pourrait réaliser le 21 décembre prochain. Les nahdhaouis sont prévenus et ils jouent réellement l'avenir de leur parti», conclut-il. Le Conseil de la choura d'Ennahdha a décidé dimanche soir de reporter à samedi 13 décembre la position que les nahdhaouis devraient observer le 21 décembre, jour du second tour de l'élection présidentielle. «Une nouvelle réunion du conseil se tiendra samedi prochain après le parachèvement des concertations avec les membres d'Ennahdha et avec les autres partis politique», a notamment souligné Fethi Ayadi, président du conseil.