Les victimes de la torture, de la répression et de la dictature sont désormais édifiées sur les conditions à remplir pour soumettre leurs dossiers à l'Instance vérité et dignité à partir du lundi 15 décembre. Les bureaux régionaux de l'Instance seront opérationnels au plus tard le 28 février 2015. Les victimes résidant à l'étranger peuvent envoyer leurs requêtes par e-mail Maintenant que l'Instance vérité et dignité a démarré officiellement ses activités, l'on se demande, du côté des victimes qui ont trop attendu pour déposer leurs dossiers, comment la soumission des requêtes va se dérouler, quels documents doit-on produire pour que les requêtes soient acceptées et comment seront traitées les plaintes. Idem pour les victimes résidant à l'étranger et pour celles qui dépasseront le délai du 14 décembre 2015, dernier délai de soumission des dossiers. Autant de questions que La Presse a posées à une source proche de l'Instance dans le but d'éclairer davantage les victimes sur les procédures à suivre, d'autant plus que lors de la conférence de presse tenue mercredi 10 décembre, l'on s'est contenté de préciser que l'Instance éditera dans les prochains jours un guide dans lequel seront indiquées les conditions à remplir par les intéressés pour soumettre leurs requêtes à l'Instance auprès de son siège central à Montplaisir, dans la capitale, à partir du lundi 15 décembre ou auprès de ses bureaux régionaux en cours d'installation. Un délai supplémentaire de six mois D'emblée, notre source se veut rassurante quant au délai d'une année de soumission des dossiers (15 décembre 2014-14 décembre 2015) paraissant assez court : «Ce délai peut être prolongé de six mois au cas où certaines victimes n'arriveraient pas à déposer leurs dossiers d'ici le 14 décembre 2015. Quant à celles qui n'ont pas les moyens de se déplacer à l'heure actuelle à la capitale et dans l'attente de l'installation des bureaux régionaux qui s'étalera du 1er janvier au 28 février 2015, ils peuvent envoyer leurs requêtes via e-mail sur le site de l'Instance ou par voie postale. Ceux résidant à l'étranger peuvent le faire également via internet. Quant aux requêtes, elles doivent contenir les documents suivants : d'abord, une copie de la carte d'identité du requérant, une plainte relatant les violations dont le requérant a fait l'objet, et enfin tout document prouvant que le requérant a subi une violation quelconque de ses droits (une copie du jugement prononcé à son encontre, un certificat médical prouvant un préjudice ou une incapacité physique et des attestations montrant qu'il a été injustement privé de ses biens pour des raisons politiques). Les affaires de droit commun sont écartées de la constitution du dossier», souligne-t-elle. On apprend également que cinq bureaux seront installés au siège de l'Instance, à raison de deux agents par bureau, pour réceptionner les dossiers et délivrer à chaque requérant un document numéroté prouvant qu'il a déposé son dossier. Le document porte aussi la date de dépôt du dossier qui sera prise en considération lors du traitement des requêtes — puisque la priorité sera donnée aux dossiers soumis avant les autres. Prochainement, un appel à candidatures A la question de savoir quel sort sera réservé aux victimes mortes, la même source fait remarquer : «Ce sont les ayants droit (veuve, veuf, enfant ou père et mère) qui ont le droit de déposer les requêtes en question. Quant aux régions s'estimant privées systématiquement de leur droit au développement, ce sont leurs habitants qui peuvent soumettre à l'Instance une requête commune. Volet traitement des requêtes, l'Instance convoquera les victimes ou ira à leur rencontre si elles ne peuvent pas se déplacer pour tenir avec elles des séances d'écoute individuelles ou collectives. Il y aura également des séances d'écoute des personnes accusées d'avoir commis les violations que les victimes leur reprochent et des séances de confrontation entre les deux parties». pour les bureaux régionaux Et comme les candidatures aux bureaux régionaux ont été très limitées jusqu'à présent, le conseil de la direction de l'Instance a décidé de lancer, la semaine prochaine, un nouvel appel à candidatures avec les mêmes conditions dont en premier lieu une ancienneté administrative de quatre années au moins, condition à laquelle s'opposent plusieurs associations de la société d'observation du processus de la justice transitionnelle. «Cette condition prive plusieurs jeunes, notamment les diplômés de l'enseignement supérieur, de pouvoir être recrutés par l'Instance», confie à La Presse le Dr Kamel Gharbi, président du Réseau tunisien pour la justice transitionnelle. A la rescousse des victimes Il ajoute : «Demain (aujourd'hui samedi), le réseau aura une rencontre avec le conseil de direction de l'Instance pour discuter de la possibilité de réviser les conditions de recrutement des membres des bureaux régionaux et de l'organisation de sessions de formation au profit des jeunes qui ne disposent pas d'ancienneté administrative». L'apport des associations de la société civile suivant le processus de la justice transitionnelle a été déterminant lors de la création de l'Instance vérité et dignité. Il se poursuivra, de plus belle, maintenant qu'elle est devenue opérationnelle. «Notre rôle, souligne le Dr Kamel Gharbi, consiste à aider les victimes à constituer leurs dossiers et à les soumettre à l'Instance avant que les délais n'expirent. Nous nous emploierons à observer l'action de l'Instance pour savoir si elle agit dans le respect de la loi portant sa création et nous exprimerons nos observations et nos propositions à chaque étape de l'intervention de l'Instance». Reste à savoir si ces associations sont outillées financièrement pour pouvoir assumer la mission qui leur sera confiée. En plus clair, où puiseront-elles les crédits qui leur permettront de soutenir les milliers des victimes qui auront besoin de leurs services, plus particulièrement au niveau de l'assistance juridique ? «Le Pnud a accordé à l'Instance, au ministère de la Justice et aux associations de la société civile la somme de 5 millions de dollars dans le cadre du projet «Soutien à l'opérationnalisation de la justice transitionnelle en Tunisie». Un appel à projets (de 10 à 100 mille dinars pour une durée de trois mois à un an) a été lancé à l'intention des associations intéressées. Nous avons déposé nos projets le 7 décembre auprès du bureau du Pnud à Tunis. Il devrait nous répondre d'ici la fin du mois», indique le Dr Kamel Gharbi.