J'ai le souvenir plutôt embarrassant d'une journée d'action promotionnelle pour notre huile d'olive dans le cadre d'une campagne d'envergure à laquelle avaient été associés nombre de professionnels du secteur et à laquelle avaient été invités nombre de spécialistes des quatre continents (n'y manquait que l'Australie, pourtant consommateur potentiel de taille.) L'un des temps forts de cette journée devait être un déjeuner dans la campagne tunisoise à l'invitation d'un industriel qui faisait aux convives les honneurs de son exploitation, réputée pour la qualité et de ses olives et de son huile d'olive. Un déjeuner sur l'herbe, sous les oliviers ? Non point ; mais sous une tente qui n'a rien de bédouin, autour de tables rondes revêtues de belles nappes blanches, servi par un personnel stylé portant gants (même si, ce jour-là, il faisait une chaleur torride). Et au menu ? La sempiternelle salade tunisienne, des crevettes (oui !) et une viande braisée. Tout cela était bien incongru mais, n'est-ce pas, c'est l'intention qui compte et nul ne remet en question le sens de l'hospitalité de l'hôte. Mais alors, où est le hic ? Alors que nous nous trouvions dans une plantation d'oliviers, à moins d'un jet de pierre d'une huilerie, sur la table il n'y avait ni olives (plutôt si, mais une seule variété) ni huile(s) d'olive !... Souvenir, certes, désagréable mais déjà lointain, presqu'oublié tant il est vrai qu'après cette «édition zéro» (prenez-le dans le sens d'«essai») les mêmes organisateurs ont réussi de très brillantes prestations, tant en Tunisie qu'à l'étranger. Soit dit en passant, c'est à la faveur de ces campagnes que l'on a découvert que la Tunisie fabriquait de l'huile d'olive bio un peu comme M. Jourdain faisait de la prose. En effet, l'immense majorité de nos olivaies, dont la plupart sont de taille réduite, et, pour nombre d'entre elles, situées dans des terrains escarpés, sont travaillées artisanalement, c'est-à-dire labourées à la manière traditionnelle pour être débarrassées des mauvaises herbes et ne reçoivent aucun traitement chimique. Du reste, les prospecteurs étrangers ne s'y trompaient pas qui venaient de France, d'Allemagne ou d'Italie pour acheter des récoltes entières sur pied et en rapatrier en vrac le précieux jus qui était ensuite embouteillé chez eux sous le label biologique et sous leur propre étiquette sans que nulle part il soit fait mention de l'origine! Une place au soleil à préserver Et quand on sait combien coûte cette huile dans les pays non producteurs, on devine la marge fabuleuse des intermédiaires et le manque à gagner pour les producteurs. Sans parler de l'image de marque. Ainsi, il ne suffit pas de savoir produire la qualité, il faut également savoir l'emballer et la promouvoir. Je disais plus haut que des progrès considérables ont été faits dans ce sens depuis ce déjeuner surréaliste. Plus gros producteur mondial d'huile d'olive biologique — même si elle l'a ignoré pendant longtemps —, la Tunisie en est devenue depuis peu le plus gros exportateur aussi. Mais voilà : autant une place au soleil se gagne — et pas facilement —, autant s'y maintenir est affaire de vigilance de tous les instants. Qu'est-ce à dire ? Qu'il n'y a jamais de position définitivement acquise et qu'il faut être constamment sur la brèche, c'est-à-dire rigoureux, innovant et créatif. La conquête des marchés passe assurément par des campagnes promotionnelles d'envergure. Mais il est également de petites actions vraiment pas onéreuses qui peuvent rapporter gros. Nous sommes tous les ans visités par des millions de touristes. Ce sont autant de cibles de choix parce qu'à portée de la main et dont l'approche peut pratiquement être individuelle pour les gagner à la cause de notre huile d'olive. Trois fois par jour, ils sont pour ainsi dire à notre table adeptes. Tout cela — c'est évident — ne saurait se faire spontanément. Mais l'adage voulant que qui peut le plus peut le moins, les groupements professionnels du secteur pourraient agir auprès de leurs homologues de l'hôtellerie et de la restauration afin que sur chaque table, les fioles d'huile d'olive soient incontournables. Outre le produit lui-même, les fioles pourraient promouvoir des marques si des producteurs consentent à effectuer l'investissement dans leur image de marque.