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L'histoire passionnante du droit à l'image et de son conflit avec le droit à l'information
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 01 - 2015


Par Chedly Bel Hadj NACEUR
Depuis quelques années, nous sommes non seulement entrés dans une société de l'information mais surtout dans une société de l'image. L'information n'est plus simplement commentée, comme c'était le cas il y a peu de temps avec la presse traditionnelle. Grâce aux photos, elle est aujourd'hui illustrée et avec les journaux télévisés, elle est même vécue en direct. « Au poids des mots a succédé le choc des photos», a noté l'éminent professeur Charles Debbasch, dans son ouvrage sur le droit de la communication et des médias.
On assiste à une telle expansion de la photographie qu'on parle de véritable ère de l'image et même du règne de l'image. Certains n'hésitent pas à qualifier cette situation d'"overdose" de l'image, surtout depuis l'avènement de l'outil informatique et du succès d'Internet. Tout ou presque est touché par la photo et l'image, devenues objet de commerce très lucratif. On parle d'image sonore, à côté de celle visuelle, de droit de l'image, de droit sur l'image, en plus du droit à l'image..
Ce droit possède beaucoup de relations avec les éléments liés à l'intimité du corps humain (la santé, la nudité, la sexualité, la maternité,) avec les différents éléments liés à la vie privée des personnes (la vie familiale, les vacances, les loisirs) avec la vie sentimentale et amoureuse, avec les vies professionnelle, religieuse, sportive, financière) ainsi qu'avec des éléments liés à l'exploitation commerciale (publicité illicite, photos volées), à l'information (messages illustrés indécents, information historique, le cas spécial de "la vie privée des morts" et la caricature et la vidéo surveillance qui sont en même temps une limite et une exception au droit à l'image), à l'évolution des mass média (la caméra cachée, la reproduction des traits physiques, les sosies, Internet, téléphones portables...) et à de nouveaux droits comme le droit à l'oubli, la présomption d'innocence) etc.
L'image étant un élément constitutif de la vie privée permettant l'identification de la personne, c'est-à-dire une donnée personnelle comme la voix, le nom et les empreintes physiologiques : empreintes digitales ADN, et autres nouveaux moyens d'identification de la personne comme le réseau veineux, la rétine des yeux, le contour de la main, la forme du visage et de captation de l'image comme les puces "Rrid" (radio frequency identification) les "traffipax" ou les antennes relais (GPS ou Géographie par satellite), elle est largement exposée à des transgressions et des abus.
Ces atteintes au droit à l'image prennent la forme de violation, intrusion, ou trouble apportés à la vie privée ou intime des personnes que ce soit avec ou sans leur autorisation au point que celle-ci est devenue un livre ouvert et se trouve menacée à divers titres en particulier depuis l'expansion des nouvelles technologies de l'information. Ces atteintes sont le plus souvent commises au nom du droit à l'information, droit reconnu et consacré bien avant le droit à l'image par la diffusion, la publication, l'usage illégal ou la divulgation abusive ou illicite d'une image en tant que donnée personnelle ou de données normatives sur fichier auxquels les personnages publics et les célébrités, plus que les inconnus, sont exposés.
C'est de ce droit sur la protection sur lequel j'ai préparé un mastère (le premier en la matière en Tunisie), qui a pris récemment de l'importance dans la vie privée mais aussi publique des personnes dans notre pays, avec la perspective de recevoir plus de considération et de protection suite à la promesse de l'avènement d'une société et d'un régime plus respectueux des droits personnels et civiques alors qu'il est plus ancien dans les pays développés où les procès pour atteinte au droit à l'image à travers l'atteinte au respect de la vie privée et autres droits de la personne (l'intégrité morale, le secret médical ou professionnel, la présomption d'innocence, le droit à l'oubli etc.) sont devenus courants et parfois retentissants alors qu'ils sont encore épisodiques en Tunisie depuis une cinquantaine d'années que j'ai choisi de parler aujourd'hui.
I. Présentation du droit
à l'image
On appelle "droit à l'image" le droit de toute personne physique à disposer de son image, quelle que soit la nature du support de publication ou de diffusion de l'image. Cette définition est donnée par la loi. Elle ne diffère pas beaucoup de celle des tribunaux, qui estiment que « toute personne a sur son image et sur l'utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s'opposer à sa diffusion sans son autorisation ».
L'évidence du droit à l'image n'est pas une réalité historique. Il n'avait pas une existence autonome. Il a toujours été associé à la vie privée dont il est un élément constitutif. Ce sont les juges qui ont été amenés à le créer afin de protéger l'individu face à un environnement médiatique de plus en plus sophistiqué et susceptible de donner à son image un rayonnement décuplé.
L'intérêt montré par les juristes et les tribunaux à ce phénomène né avant même l'invention de l'appareil photographique a accompagné son éclosion jusqu'à sa consécration qui n'a pas été du tout facile comme le montre le long chemin de son histoire et de son évolution.
En vérité, le droit à l'image a connu sa première controverse dès son appellation sous ce nom. Faute d'existence juridique indépendante comme déjà dit, certains auteurs dont les auteurs R. Lindon, J.P. Ancel et D. Bécourt lui ont contesté sa qualification de droit et lui préféraient d'autres attributs (propriété, exclusivité, droits d'auteur...)
Questions posées
par le droit à l'image
Ce droit est une notion intellectuelle apparue au 19ème siècle, "siècle des lumières", notion qu'il faut distinguer du «droit marchand sur l'image» vers lequel il glisse aujourd'hui et qui devient de plus en plus un droit de propriété et de profits.
Beaucoup de questions se posent quand on cherche à définir la notion ou à cerner la nature et le régime juridiques ou encore l'autonomie du droit à l'image par rapport au droit au respect de la vie privée et son positionnement vis-à-vis du droit à la liberté d'expression et au droit à la communication plus communément appelé ‘'droit à l'information''. D'autres questions, moins juridiques mais non moins délicates et réelles restent posées: Qui peut-on photographier? Où peut-on prendre des photos? Faut-il toujours demander l'autorisation de la personne concernée? Le droit à l'image est-il protégé de la même manière selon qu'il s'agisse d'une personne inconnue, mineure ou d'une personnalité connue ou puissante? Comment protéger notre vie privée et notre intimité des atteintes portées tant par des photographes trop curieux ou trop attirés par le gain facile que par les nouveaux multimédia dont "Internet" (international network) premier réseau planétaire interconnecté surnommé "réseau des réseaux", "la Toile" ou "l'araignée", le web ou le "net" est le plus puissant et le plus connu?
Risques, dangers et atteintes encourus par le droit à l'image
Avec l'accumulation et le stockage des informations d'ordre personnel et intime comme les photographies, l'adresse du domicile ou autres données sensibles tels que des renseignements sur la vie professionnelle ou le patrimoine, déposées par les internautes dans des serveurs très puissants comme Google, yahoo, being, voilà et d'innombrables sites, forums, réseaux sociaux (« facebook », « my space », « twitter ». « Dailymotion », « you tube » et plus récemment ‘'instagram''et hashtag et sites de rencontre, on constate une formidable mise en relation des individus. On n'a plus besoin de parcourir des milliers de km pour faire connaissance, échanger des idées, des photos, des informations ou des fichiers, demander un avis chercher un soutien, une info, visiter, virtuellement bien entendu; n'importe quel lieu ou acheter quelque chose. Mais cette grande exposition des données personnelles donne lieu à un risque, celui d'être la victime d'une "cybercriminalité" grandissante.
En outre, la puissance de pénétration que constituent ces relais tend à influer sur les comportements et les manières de consommer au point que certains se demandent si elle ne va pas surpasser le quatrième pouvoir, en l'occurrence le pouvoir de la presse et des médias traditionnels, pour devenir le cinquième pouvoir.
Certes, beaucoup d'Etats, dont la Tunisie, ont pris conscience des risques qu'encourent les citoyens devant l'invasion et les intrusions dans leur vie privée par les multimédias surtout par internet et ses réseaux incontrôlables mais la lutte est inégale, car les serveurs des principaux réseaux sont soumis à la législation de leur lieu d'origine. Or les Etats-Unis, principal pays hôte de ces réseaux, sont beaucoup moins sourcilleux pour ne pas dire irrespectueux de la protection de la vie privée.
Que reste-t-il de notre intimité? Comment se défendre et se protéger contre les abus, les atteintes et les intrusions dans notre vie privée ? Comment les gérants des "moteurs de recherches" doivent-ils traiter, analyser, digérer le volume des photographies et des informations sans porter atteinte à la vie privée des gens? Ce sont des questions d'ordre juridique, déontologique et éthique qui se posent.
Tous ces excès et ces questions ainsi que les risques que nous courons peuvent interpeller et méritent qu'on réfléchisse sur les perspectives d'avenir mais aussi sur les possibilités de mieux protéger notre vie privée et celle de nos enfants ou ce qu'il en reste
Pour comprendre la nature juridique, les spécificités et l'évolution du droit à l'image d'une part, en cerner les contours et les limites d'autre part, nous avons eu recours à une bibliographie, surtout française, qui pourrait nous permettre d'essayer de répondre aux questions soulevées par ce droit depuis son apparition jusqu'à aujourd'hui.
A côté du droit français, nous avons visité le droit à l'image dans les principaux pays occidentaux, et bien entendu le droit tunisien qui en est encore à ses premiers balbutiements. Considérant le rôle prépondérant qu'elle a joué dans l'émergence et la consécration du droit à l'image, nous avons consulté la jurisprudence, essentiellement française, très riche, mais aussi tunisienne avec ses rares décisions publiées.
Fondements et nature juridiques du droit à l'image
Historiquement, avant d'être confronté à ces problèmes d'actualité liés au conflit du droit à l'image avec le droit à l'information, c'est surtout la nature de ce droit, eu égard au caractère très large de la notion, qui a fait l'objet de débats et de controverses.
Avant de voir brièvement cette question qui ne concerne pas directement notre sujet, signalons que les fondements du droit à l'image sont au nombre de deux: l'atteinte à la vie privée pour interdire la fixation de l'image des personnes (face ‘'passive ou défensive'' du droit à l'image) et l'atteinte au droit de la personnalité pour interdire l'exploitation de l'image de tiers à des fins commerciales ou dans un but non justifié ou en vertu du droit à l'information (face ‘'active" du droit à l'image). Ces deux notions se rapprochent de la conception américaine résumée dans le droit à la tranquillité (proche du ‘'right of privacy'') d'un côté et le droit à la personnalité réservant à chacun le droit d'exploiter sa propre image (‘'right to publicity'') de l'autre côté.
Si en droit tunisien, le débat relatif aux sources du droit à l'image demeure inexistant parce que la matière est récente et que les jugements y afférents sont encore épisodiques, le droit français, lui, fut longtemps traversé par divers courants et justifications depuis la fin du 19ème siècle.
Le droit à l'image est-il un droit patrimonial ou extrapatrimonial ?
Il est important de répondre à cette question pour comprendre l'évolution extraordinaire, la position et le statut actuels du droit à l'image des personnes.
Si l'image évoque avant tout les traits d'une personne, elle peut aussi concerner une œuvre d'art ou un bien quelconque. A priori, elle n'a pas de valeur pécuniaire et ne peut faire l'objet de commercialisation mais les exceptions sont devenues tellement nombreuses qu'il est logique de se poser des questions sur la nature juridique de ce droit assez récent. Le professeur Catala s'interroge s'il faut enrichir certains éléments extrapatrimoniaux et proposer la requalification en biens de la personnalité d'une partie des attributs de celle-ci ou s'il faut opérer un renversement total de la définition du patrimoine qui verrait celui-ci devenir le contenant de nouveaux éléments juridiques?
Mais il y a eu une évolution dans la conception de la composition du patrimoine estime le Pr Marie Serna ("L'image des personnes physiques et des biens". Economica 1997) dont l'avis est plus tranché. Elle ajoute qu'on assiste depuis les temps modernes à une modification de la composition du patrimoine qui se trouve être liée au changement de la considération du corps humain.
Ces deux évolutions ont entraîné une nécessaire modification de la qualification juridique de l'image des personnes physiques. Elle pense que l'image peut devenir, à l'instar de la voix et du nom, une source de revenus pour son propriétaire.
La jurisprudence et la doctrine ont donc évolué pour considérer le droit à l'image en termes de droit subjectif et de nombreux auteurs le voient comme un droit de la personnalité pouvant faire l'objet de sanctions tant civiles que pénales dans certains cas d'atteintes à la vie privée: à l'honneur ou à la réputation (calomnie, diffamation, outrage aux bonnes mœurs, etc.).
Pour d'autres, il n'y a que des intérêts légitimes protégés par des actions en justice. M. Serna ajoute qu'on ne peut ignorer que «le droit à l'intégrité morale, souche des droits de la personnalité, connaît le phénomène de patrimonialisation qui ne cesse de progresser» dans la société actuelle dite moderne, avec la prolifération des procès et des allocations de dommages et intérêts. D'autres droits nouveaux se sont ouverts à tous les degrés de la patrimonialité à l'instar du droit à et sur l'image dont le commerce est manifeste et quotidien et qui s'inscrit dans les conditions exigées pour la qualification de la patrimonialité. Pour elle, la pleine patrimonialité implique trois caractères :
1. La vénalité: que le droit à l'image puisse être évalué en argent à l'exemple des "stars".
2. La cessibilité : ce qui peut être cédé entre vifs (ex: le droit exclusif pour un sponsor d'utiliser l'image d'un sportif pour la promotion de divers produits et l'engagement à poser pour des photographes).
3. La transmissibilité, c'est ce qui peut être transmis à cause de mort.
Lorsqu'un droit est à la fois vénal, cessible et transmissible, il est complètement patrimonial : ainsi devrait-il en être du droit de propriété et du droit à et sur l'image. Or, une reconnaissance du droit à l'image comme un droit patrimonial butait pour beaucoup sur le refus relevant de l'éthique, d'une profanation de l'individu.
Pour mieux saisir les sources, la justification et la nature juridique du droit à l'image des personnes qui ont appelé l'attention de plusieurs auteurs et valu diverses théories, je vous recommande l'ouvrage du Pr Marie Serna, "L'image des personnes physiques et des biens". Economica 1997 qui fait un tour presque complet de la question.
Nous verrons dans de prochains articles d'autres aspects du droit à l'image (manifestations du droit à l'image, sa liaison avec la vie privée et publique des personnes, législations et jurisprudences en droit comparé et en Tunisie, protection, etc.) ses multiples extensions, ses limites et, évidemment, son conflit avec le droit à l'information.


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