Taïeb Baccouche annonce le rétablissement des relations diplomatiques avec la Syrie. Béji Caïd Essebsi assure ne pas être au courant de la décision. Entretemps, Touhami Abdouli est obligé de rectifier le tir Vendredi 3 avril, Habib Essid, chef du gouvernement, a dressé devant les députés les principaux défis qui attendent la Tunisie. Et ces priorités s'appellent la sécurité, l'éradication du terrorisme, la préservation du pouvoir d'achat du citoyen, la reprise de la machine économique et le retour de la diplomatie tunisienne sur la scène régionale et internationale. Ce retour tant attendu a été lancé par la participation de Béji Caïd Essebsi, président de la République, au sommet arabe tenu fin mars dernier à Charm Echeikh, en Egypte. Le chef de l'Etat y a tenu un discours dans lequel la Tunisie a réaffirmés son attachement aux solutions pacifiques des crises au Yémen, en Syrie et en Libye et son refus catégorique de toute intervention militaire étrangère dans la région arabe. Et Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, de prendre la relève et d'assurer devant les diplomates accrédités à Tunis que la Tunisie a décidé de rétablir ses relations diplomatiques avec la Syrie, rompues à l'époque du président intérimaire Moncef Marzouki. Baccouche a notamment indiqué : «La Tunisie est disposée à accueillir à tout moment le retour de l'ambassadeur syrien dans la capitale». Seulement, le ministre des Affaires étrangères ne s'est pas limité à la question syrienne ou au conflit armé en Libye. Il a glissé une phrase dans ses réponses aux journalistes stigmatisant «les facilités accordées par la Turquie aux jihadistes terroristes tunisiens désirant gagner la Syrie pour rejoindre les groupes terroristes essaimant dans ce pays frère et combattant le régime de Bachar Al-Assad». Comme prévu, les Turcs n'ont pas apprécié la déclaration de Taïeb Baccouche et l'ont fait savoir à l'ambassadeur tunisien à Ankara, invité à expliquer les déclarations de son ministre. Finalement, la Turquie a semble-t-il accepté l'argumentation du diplomate tunisien et a annoncé, hier, comprendre «le contexte de la déclaration de Taïeb Baccouche sur le transit des Tunisiens via son territoire». Et Touhami Abdouli, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, de préciser à l'agence TAP que «le dossier est ainsi clos». Voilà un malentendu dissipé ou une crise étouffée à la source. Malheureusement, Taïeb Baccouche ne voit pas «ses malheurs» finir puisque Béji Caïd Essebsi, président de la République, a fait exploser, vendredi soir, une véritable bombe en révélant à la chaîne France 24 : «Je n'ai pas été informé de la décision de rétablir par la Tunisie ses relations diplomatiques avec la Syrie». Qui croire maintenant, le ministre des Affaires étrangères ou le président de la République auquel la Constitution accorde la mission de définir la politique étrangère du pays et de veiller, à travers le ministère des AE, à l'application des orientations convenues ? Est-il acceptable ou concevable que le ministre des Affaires étrangères prenne une décision aussi importante et l'annonce devant le corps diplomatique exerçant en Tunisie sans en avoir discuté auparavant avec le chef de l'Etat et reçu son aval ? Il faut coacher nos responsables Chaouki Gueddas, constitutionnaliste, militant de la société civile et ancien membre de la commission de Taoufik Bouderbala sur les abus commis au cours de la révolution, approche la question à sa façon : «Il faut que nos responsables soient coachés par des spécialistes en communication qui leur apprennent comment dialoguer avec les journalistes pour éviter de commettre des erreurs qu'il est difficile de réparer. A l'étranger, tous les mots sont pesés et les ministres disent exactement ce qu'ils ont à dire et ne sont jamais acculés par les journalistes à révéler des secrets ou des informations pas encore prêts à être dévoilés. La raison est toute simple : ils obéissent à leurs coachs parce qu'ils ont confiance en eux». Pour revenir à la déclaration de Taïeb Baccouche qui annonce que l'ambassadeur syrien peut revenir chez nous à la date qu'il veut, Chaouki Gueddas s'interroge : «Qui va le recevoir et accepter ses lettres de créance ? Selon la Constitution, c'est Béji Caïd Essebsi qui doit le recevoir. Et s'il nest pas au courant du retour de l'ambassadeur syrien, l'on se demande comment les choses vont se passer. Il est malheureux que la cacophonie dénoncée à l'époque de la Troïka se poursuive encore et que Touhami Abdouli, secrétaire d'Etat aux AE se trouve obligé d'expliquer les déclaration de son ministre».