La Haica a relevé 28 manquements professionnels lors de la couverture médiatique de l'attentat survenu au Bardo, mais elle n'a pas manqué de saluer l'effort consenti pour informer le public et éviter certains écarts relevés auparavant par l'instance lors de précédents attentats survenus dans le pays. La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle ne s'est pas contentée de publier un communiqué relevant les écarts en matière de couverture audiovisuelle publique et privée de l'attaque terroriste, survenue le 18 mars dernier, au musée du Bardo. L'instance constitutionnelle a invité les médias à une séance de débat autour justement des défaillances professionnelles constatées lors de la couverture. Objectif : débattre pour apprendre de nos erreurs et arriver progressivement à trouver un langage commun, dont la finalité est d'assurer une couverture en respectant les principes, l'éthique et les règles du professionnalisme. Car, s'il est vrai que la Haica est une instance de régulation, il n'en demeure pas moins qu'elle tient à travailler en étroite collaboration et en partenariat avec les médias. Une expérience, qui a été, généralement, couronnée de succès lors des élections législatives et présidentielle. Une expérience au cours de laquelle l'autorité de régulation a tenté de coordonner avec les différents médias, afin de minimiser les écarts professionnels lors de la couverture des élections. Contexte nouveau L'expérience est aujourd'hui renouvelée dans le cadre de la couverture des attentats terroristes. En effet, après la publication de son communiqué faisant état de manquements professionnels au niveau de la couverture, la Haica s'est livrée à un débat constructif avec les journalistes, rédacteurs en chef, animateurs qui demeurent tous ou presque convaincus que ce n'est qu'à travers des débats sur l'évaluation du travail journalistique audiovisuel qu'on peut avancer dans le respect des règles déontologiques, le contexte étant nouveau pour les médias nationaux. Cela dit, Riadh Ferjani, membre de la Haica, a salué l'effort des médias, en dépit des manquements professionnels observés dans la couverture de l'attentat du Bardo. Nous avons constaté, a-t-il souligné, une évolution positive dans la couverture des évènements terroristes, depuis ceux du mont Chaâmbi, survenus au cours du mois de Ramadan dernier. En effet, la Haica a affirmé que certains manquements évoqués à l'époque ont été évités. Les écarts et manquements professionnels relevés lors de la couverture de l'attentat du Bardo sont en grande partie liés à d'autres moyens et principalement à la communication du gouvernement qui n'a pas été à la hauteur requise, selon la Haica. En effet, les informations étaient contradictoires, émanant de sources différentes et sans aucune coordination gouvernementale. Aussi, pour une fois, les médias ne sont pas aux premiers bancs des accusés. Cependant, la Haica a relevé 28 manquements et écarts professionnels en référence aux trois grands principes de Johannesburg, dans la couverture des actes terroristes. Des principes relatifs essentiellement à la sécurité des personnes (forces de l'ordre, citoyens, journalistes, otages...), la liberté de la presse, le droit d'accès à l'information et le respect des droits des téléspectateurs. Manque de retenue L'opération de monitoring a concerné l'ensemble des télévisions, 10 radios, pendant une semaine, s'étalant du 18 au 24 mars. Et il ne s'agit pas d'une évaluation quantitative, a précisé Riadh Ferjani, mais plutôt qualitative, de la couverture. La Haica ne s'est pas contentée de classer les manquements. Bien au contraire, elle a diffusé des extraits de chaque type d'écart professionnel relevé. Des écarts qui ont concerné, entre autres, le non-respect de la sécurité des personnes. En effet, certains médias ont failli compromettre la sécurité des personnes et le bon déroulement de l'opération sécuritaire lors de la retransmission en direct des évènements. La Haica a, en outre, dénoncé la diffusion de témoignages à chaud de personnes encore sous l'effet du choc lors d'un incident qui, selon l'instance, requiert du professionnalisme et de la retenue pour éviter les discours haineux et violents. Autres manquements, le non-respect des droits des téléspectateurs. En effet, certains médias n'ont pas signalé la violence du contenu non adapté aux enfants, ni aux téléspectateurs vulnérables. La Haica a aussi relevé une prise de position par certains journalistes qui se sont illustrés par leur ton coléreux et par leur manque de retenue, ce qui les fait tomber dans un discours violent et haineux mettant en question les principes des droits de l'Homme. Dans ce contexte, la Haica a rappelé que le fait que la liberté d'expression et de la presse constitue une des constantes dans la lutte contre le terrorisme et que ce fléau prolifère davantage en l'absence des libertés et lorsqu'il y a un déficit en matière de respect des droits de l'Homme. Autres manquements relevés, certains médias ont tenté de légitimer les actes terroristes, ce qui constitue un écart professionnel grave. Le débat avec les représentants des médias présents était, pour le moins qu'on puisse dire, constructif. Equation difficile A ce titre, le Président du Syndicat national des journalistes tunisiens, Neji Bghouri, a précisé que l'accès à l'information et la couverture des évènements terroristes sans que cela ne profite aux terroristes, et dans le respect des droits de l'Homme, est une équation difficile. Il est impératif, a-t-il précisé, de veiller au respect des droits de l'Homme car la grande crainte est de revenir à un système d'oppression des libertés sous couvert de la lutte contre le terrorisme. Un avis partagé par Om Zied, qui a exprimé sa crainte du retour au « tout sécuritaire ». Les représentants de la société civile associés au débat ont tous exprimé leur crainte quant au projet de loi contre le terrorisme et le blanchiment d'argent. Un projet qui risque fort de compromettre la liberté de la presse. En effet, centaines dispositions du projet de loi sont en contradiction avec les dispositions des décrets-lois 115 et 116. L'instance a déploré l'absence d'une politique de communication gouvernementale claire, assurant que la liberté d'expression et de presse constitue l'une des bases de la lutte contre le terrorisme. Elle a, par ailleurs, appelé les parties concernées à faciliter l'accès des journalistes aux données et exhorté les différents ministères, dont la présidence du gouvernement, à se doter d'un système de communication permettant aux médias audiovisuels de s'acquitter de leur mission d'information. Et il va sans dire que les médias sont appelés à respecter les règles d'éthique professionnelle dans la couverture des évènements terroristes. Il ne s'agit là que de la première rencontre entre les médias, la société civile et la Haica. D'autres suivront, nous assure le président de la Haica, afin de finir par trouver des solutions adéquates pour une meilleure couverture professionnelle.