De l'animation, de la danse, du théâtre et des débats jusqu'à des heures tardives, un plein de culture dans une ville où d'habitude il ne se passe rien. Les préparatifs pour l'ouverture officielle du festival ont démarré depuis la veille du samedi 18 avril. Le centre des arts dramatiques et scéniques de Médenine, son personnel, ses équipes et les acteurs ont veillé jusqu'à une heure tardive pour être au top le jour «J» et célébrer la dix-neuvième édition du festival de théâtre expérimental. Répétitions, installation du décor et matériel sonore... Tout était prêt, les organisateurs n'ont épargné aucun effort pour réussir l'ouverture ! C'est pendant l'après-midi du samedi, que la ville de Médenine a vibré au rythme du théâtre expérimental dans sa dix-neuvième édition. Animation citoyenne et gratuite Les majorettes de la ville de Ksar-Helal, jeunes filles mignonnes en uniforme, ont parcouru, munies de leurs instruments de musique, les ruelles et sentiers de la ville pour s'arrêter devant le centre des arts dramatiques et scéniques de la ville. Enfants, jeunes, hommes et femmes les suivaient des yeux depuis leurs maisons, d'autres n'ont pas hésité à les accompagner à pied jusqu'au centre, en les prenant en photos avec leurs téléphones et appareils photo. C'est devenu une tradition dans ce festival, la ville se transforme en un grand théâtre à ciel ouvert, où on fête le show, la danse, le cirque, la musique et la magie. C'est ainsi que c'est installée cette ambiance conviviale malgré la canicule insupportable. La fête commence sans plus attendre, devant le centre ; on jouait des numéros, des clowns déguisés dansaient, histoire de divertir les enfants, mais aussi les grands. Le festival qui a 19 ans d'expérience attire toujours un public passionné, il se perfectionne d'année en année, et les spectacles qu'on propose allient le théâtre, les beaux textes et le show, dont la finalité première reste toujours d'enthousiasmer le public et de mettre un peu d'ambiance dans une ville où il n'y a rien de divertissant. Place ensuite, pendant la soirée, à l'ouverture du festival qui a été tenue au complexe culturel de Médenine, se trouvant juste à côté du centre. Il était 20h30, et le public affluait en grand nombre, un public qui est devenu fidèle à cette manifestation annuelle. De tout âge, on venait regarder la pièce d'ouverture, Kaâb el ghazal, de Ali Yahyaoui, natif de la région, mais auparavant, le public a eu droit à une performance de dessin sur sable. «Livre de sable», une conception réalisée par Habib Ghourabi (peintre) et Aymen Sriti (photographe et cinéaste) qui rend hommage au désert, à la ville de Médenine avec tous ses signes et ses spécificités. On célébrait les hommes et les femmes de Médenine, ses portes, sa nature et ses traditions (margoum, héli : habits traditionnels que portait l'homme) avec pour seul matériau, un projecteur, deux mains et un tas de sable. Beauté et laideur riment ensemble Kaâb el ghazal est une pièce mise en scène par Ali Yahyaoui et jouée par une pléiade d'artistes, toutes générations confondues. On y trouve des danseurs amateurs et professionnels, des jeunes, des acteurs confirmés. La pièce, toute récente, est produite par le centre d'arts dramatiques de Médenine. Elle a été représentée d'ailleurs en Tunisie et à l'étranger et a connu un franc succès. Son point fort, est qu'elle se dérobe à toute classification de genre. Se basant essentiellement sur la valeur de l'espace, ouvert et sans limites, elle fait appel à tous les autres moyens d'expression : scénographie, danse théâtrale, couleurs et lumières, on est d'emblée dans l'imaginaire, voire le fantastique. Inspirée de l'univers d'Ibrahim El kouni, la pièce de Ali Yahyaoui traduit un message, à travers la beauté (évidemment du désert), pour aboutir à la laideur ancrée chez l'être humain, criminel et destructeur de la nature. La création de Yahyaoui est le travail de recherche minutieuse dans l'histoire, avec la collaboration de toute une équipe qui a su exploiter les spécificités culturelle et civilisationnelle du Sahara et les révéler à travers les costumes réalisés par Jalila Maddani, lumière et son, la scénographie de Hafedh Zellit et la musique de Rabiî Zamouri. «ça fait longtemps que je n'ai pas assisté à une pièce de ce niveau tant sur le plan artistique qu'esthétique. Ce genre de pièce, innovateur, s'inscrit dans la lignée du théâtre expérimental. Elle propose un brassage d'expressions artistiques original et rare. On s'est habitué à des vaudevilles, à des pièces comiques...mais, avec Kaâb el ghazal, on est dans une autre dimension, une autre philosophie, une autre vision et une autre manière d'utiliser la scène ! Il y a beaucoup de recherche et d'esthétisme», nous a révélé Ibrahim Ben Massoud (étudiant) que nous avons rencontré lors de la représentation, avant de passer à la séance de discussion et de débat qui s'est poursuivie jusqu'à une heure tardive. Une pièce expérimentale ? Le débat, qui s'est poursuivi dans la salle de réunion du centre des arts dramatiques et scéniques, a été modéré par l'homme de théâtre Anouar Chaâfi, en présence d'un grand nombre de spectateurs, intellectuels, universitaires et autres pour décortiquer minutieusement les lacunes mais aussi les pionts forts de la pièce, les analyser et les commenter. Malgré les avis divergents, ils se sont tous mis d'accord sur le côté esthétique de la pièce, sans faille. Sur le plan formel, il n'y zavait presque rien à reprocher mais de point de vue thématique, on regrettait les scènes un peu violentes, le dialecte qui était incompréhensible pour certains et le manque d'unité et de continuité dans plusieurs scènes. La première journée du festival, même si elle était trop chargée, a été une belle réussite.