Course contre la montre à l'ARP, non sans tergiversations, pour mettre en place le CSM à la date butoir du 21 mai Dans le calendrier élaboré par le bureau de l'Assemblée, les élus ont prévu de voter les 76 articles du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en deux jours, pour que celui-ci puisse être mis en place avant le 21 mai (date butoir si l'on souhaite respecter la constitution), mais l'exercice est loin d'être facile. Même si Nida, Ennahdha et l'UPL, trois composantes de la coalition gouvernementale, ne trouvent presque rien à redire sur le projet remodelé par la commission de législation générale, Afek Tounès, la quatrième composante, chante en dehors de la chorale. Afek Tounès et le Front populaire annoncent d'ores et déjà qu'ils ne voteraient pas en faveur du projet dans sa version actuelle. « Nous sommes conscients de la nécessité d'harmoniser les positions de la coalition gouvernementale, mais ce projet qui nous est présenté n'a rien à voir avec celui initialement proposé par le gouvernement », indique Riadh Mouakher au cours de la séance matinale d'hier pour examiner la loi. Quelques jours seulement, après que les quatre partis eurent affiché leur détermination à accélérer les travaux à l'hémicycle, Riadh Mouakher a demandé hier plus de temps pour la concertation, «quitte, dit-il, à renvoyer le projet devant la commission pour révision». Cependant, à moins de céder à la pression, le texte devrait numériquement passer sans encombre. Que reproche-t-on au texte ? Dans sa conception du Conseil supérieur de la magistrature, Afek Tounès est quelque part le porte-voix de l'association des magistrats tunisien qui manifeste aujourd'hui son mécontentement devant le Parlement. Pour eux, le projet « ne ressemble en rien» à celui déposé le 12 mars par le ministère de la Justice. Le député Karim Helali (Afek Tounès) va même jusqu'à le qualifier de «projet de la commission de législation générale uniquement». Les libéraux souhaitent en effet que les prérogatives du CSM soient élargies au maximum...en faveur des juges (qui représentent les deux tiers du conseil). « Jouons le jeu de l'indépendance jusqu'au bout, ne soyons pas frileux », demande Riadh Mouakher à ses collègues à l'hémicycle. Pour les huit députés de Afek, le jeu c'est de faire du CSM le représentant presque exclusif du pouvoir judiciaire. Rien concernant la justice ne doit passer par l'exécutif. Karim Helali, d'ailleurs juge de formation, estime que l'inspection générale doit être du ressort du CSM. C'est aussi ne pas permettre au tiers des non-magistrats d'exercer un pouvoir presque équivalent à celui des juges. « Comment est-ce que des avocats participent aux décisions disciplinaires contre des juges puis plaide le lendemain devant eux ? Comment est-ce qu'on permet au tiers des non-magistrats de bloquer les décisions du CSM en instaurant un vote aux trois quarts ?», se demande Karim Helali. La présence d'un juge militaire ès-qualité fait également débat. Rim Mahjoub estime en effet qu'il n'est pas en adéquation avec l'article 106 de la constitution, qui « ne cite en aucun cas la justice militaire ». Le CSM n'est pas le pouvoir judiciaire « Nous avons octroyé toutes les garanties d'une justice indépendante, pour le reste, la gestion de l'institution judiciaire reste parmi les prérogatives normales de l'Etat », répond Latifa Habbachi, vice-présidente de la commission de législation générale, à ceux qui estiment que le pouvoir chercherait à faire main basse sur la justice. Elle ajoute : «Il est révolu le temps où le Parlement vote tel quel les projets du gouvernement ». Une réponse qu'elle donne aux députés de Afek, pour qui les modifications apportées par la commission de législation générale ont complètement défiguré le projet initial. C'est que pour les membres de la commission de législation générale, le CSM n'est qu'une composante du pouvoir judiciaire et ne peut le résumer à lui seul. C'est à partir de cette idée qu'un certain nombre de prérogatives lui ont été retirées, à l'instar de l'inspection générale ou encore de la direction de l'Institut supérieur de la magistrature qui reste sous la coupe du ministère de la Justice. Pour sa part, le ministre de la Justice a regretté l'absence de textes clairs, que ce soit dans le projet ou dans la constitution, qui permettent de trancher la question de l'indépendance de la justice. Il estime également que la désignation d'un non-magistrat comme vice-président du CSM s'oppose au texte constitutionnel. Bras de fer et réunion décisive Les députés sont en tout cas pressés par le temps et par l'impératif de voter un projet aussi important que celui du CSM. Dehors, les juges font également pression. A l'ouverture de la séance matinale, Mohamed Ennaceur puis le président de la commission de législation générale, Abada Kéfi, ont qualifié d'« inutiles » les tentatives de forcer la main du législateur. La séance de l'après-midi quant à elle a été brève et a été levée à la fin de la discussion générale, à la demande des présidents de blocs. Ils demandent un temps de concertation. Le bureau de l'Assemblée a reçu plus de 100 propositions d'amendement. L'examen du projet reprend ce matin.