Par Maître Mohamed Laïd LADEB(*) En plus du climat général qui caractérise le pays où les libertés et les droits de l'Homme et leur exercice et leur garantie ne sont plus de vains mots depuis l'avènement de la révolution du 14 janvier 2011, celle-ci a eu un impact ô combien heureux et bénéfique sur le peuple tunisien. Elle l'a rapproché de tous les peuples et les nations démocratiques du monde entier qui lui vouent amitié et admiration et notamment les peuples français et américain. L'amitié américano-tunisienne date depuis des siècles. Le temps et les années n'ont fait que l'affermir. La Tunisie ne peut oublier le soutien indéfectible des Etats-Unis d'Amérique lors de sa guerre contre le colonialisme et pour le recouvrement de sa souveraineté. Soutien moral, soutien matériel et soutien militaire, tous soutiens dans le cadre du respect mutuel et de l'attachement de deux pays aux mêmes idéaux de liberté, de démocratie et de justice. L'attitude américaine et son soutien à notre pays, lors de la guerre de Bizerte de 1962, l'accueil spontané et chaleureux du peuple américain au Combattant suprême, le président Bourguiba lors de son voyage aux Etats-Unis, son abandon et son inutilisation de son veto lors de la condamnation d'Israël pour son agression caractérisée sur la Tunisie à Hammam-Chott au mois d'octobre 1985 et cette ovation chaleureuse, enthousiaste et sincère de tout le Congrès américain en signe de soutien à notre jeune révolution sont des étapes inoubliables, lumineuses et enivrantes qui font des relations tuniso-américaines une référence et un exemple à méditer par toutes les nations éprises de paix, de justice et de liberté. En tant qu'intellectuel épris de paix et de liberté, j'aimerais bien vous dire Monsieur le président que tout le monde arabo-islamique était avec vous corps et âme et les idéaux de justice et de bien-être de tous sans distinction de race, ni de religion dont vous avez levé haut l'étendard nous approchaient de vous de façon sincère et étonnante. On vous considérait non pas seulement le président des Etats-Unis d'Amérique, première puissance mondiale, mais le «président» de tous les peuples affamés, spoliés et écrasés sous le joug du colonialisme et du despotisme. Tous les intellectuels de tous les peuples de la terre attendaient de vous une véritable réinstauration de la justice, de l'équité internationale. Premier président américain noir a être élu et réélu avec une écrasante majorité populaire, vous avez su choisir les mots qu'il faut pour guider et subjuguer les jeunes de la plupart des nations de la terre: justice, paix, We can. Vous avez été un des rares présidents de la planète à avoir bénéficié du Prix Nobel de la paix à quelques mois de son élection. Il vous reste quelques mois à gouverner ce beau pays qu'est l'Amérique, soyez vraiment le Messie de la paix. D'abord en Palestine. Rétablissez avec courage et perspicacité — vos deux vertus essentielles — la balance de la justice internationale. Coupez court, Monsieur le président, avec la politique des deux poids et deux mesures. Il va sans dire que cette triste règle est nuisible pour la paix internationale. Vous l'avez vu, nous l'avons vécu, elle nourrit la haine chez certaines personnes qui deviennent par la force des choses «terroristes», sans même réfléchir et sans l'avoir voulu ni souhaiter. Ayez le courage d'Abraham Lincoln lors de sa guerre contre l'esclavagisme et la traite des Noirs. Soyez l'Abraham Lincoln des temps modernes. Depuis 1947, Israël ne croit ni ne respecte les valeurs universelles qui régissent notre monde, tels la paix, la liberté et le respect de la dignité humaine. Une des premières causes du terrorisme qui sévit partout dans le monde et dont ses «victimes» sont en majorité des jeunes déboussolés du monde arabo-islamique est ce sentiment d'injustice et d'étouffement face à l'arrogance de l'Etat d'Israël. Pour paraphraser Bergson, je vous dis Monsieur le président que notre monde a besoin d'un supplément d'âme, de cœur. Vous avez du cœur. Semez-le partout dans le monde et surtout en Palestine. You can sincerely. Pour votre lutte contre le terrorisme, notre lutte aussi, il est souhaitable que les efforts de toutes les nations se conjuguent en vue de cerner ce mal et de l'anéantir. Je sais votre attachement et l'attachement de tous les dirigeants du monde occidental à la démocratie et aux droits de l'Homme. Vos prédécesseurs, sous des motifs fallacieux, mensongers et hypocrites, ont détruit l'Irak. Certains ont eu le courage de se repentir. Attaché comme vous êtes à la beauté de la culture universelle, convenez avec moi qu'avec l'invasion de l'Irak, une part du cœur de l'humanité a été détruite. Tant qu'il est temps, tant qu'il est temps — je me répète —, sauvez, Monsieur le président, la Syrie. Elle véhicule plus des deux tiers de l'histoire arabo-islamique. Loin de moi l'idée d'être l'avocat du président Bachar Al Assad, mais soyez sûr qu'avec sa chute, vous allez ouvrir largement les portes aux daechis, aux terroristes d'Al Nosra et d'Al Qaïda. Les peuples du tiers monde n'ont pas besoin d'une démocratie imposée par le feu et les armes comme ce fut le cas pour la Libye. Les Libyens, face aux désastres que vit leur pays, pleurent amèrement Kadhafi. De grâce, tant qu'il est encore temps, sauvez la Syrie, sinon la daechisation du monde arabo-islamique ne sera qu'une affaire de quelques jours. Le tiers monde a besoin de pain, de paix et de liberté. La Tunisie a réussi sa révolution, parce que Bourguiba a misé, lors des premières années de notre indépendance, sur l'enseignement — plus du tiers du PNB est affecté à l'école — sur la santé et sur l'habitat. La dignité humaine passe par ce beau triangle lumineux. Votre hôte, notre président M. Béji Caïd Essebsi, premier président arabe à être élu au suffrage universel, libre et secret, en sait quelque chose. Il vous racontera comment le leader Bourguiba, alors président de la République en 1959, a pris une grande pierre sur son épaule droite pour construire une école dans un patelin près de Sidi Bouzid. Enfin, convenez avec moi que la démocratie, comme une maison, se construit pierre après pierre et convenez surtout Monsieur le président qu'une nation qui n'a pas de passé n'a pas d'avenir. Enfin, veuillez agréer Monsieur le président l'expression de ma profonde estime et de mes respects les plus sincères.