Un taux de participation de 96% pour le premier jour de grève qui a démarré hier et qui se poursuivra jusqu'à demain. Les instituteurs et les institutrices veulent que leurs revendications soient entendues En se rendant à leur école, hier, les élèves ont trouvé les portails de leurs établissements respectifs fermés. Les écoles primaires étaient désertes, hormis le cadre administratif et quelques rares surveillants qui étaient sur place pour assurer la marche du travail. Les instituteurs et les institutrices ont décidé de faire grève pendant trois jours pour faire pression sur le ministère de l'Education et le gouvernement afin que leurs revendications soient entendues. C'est sur la place Mohamed-Ali, face au siège de la centrale syndicale, qu'ils se sont donné rendez-vous en brandissant pancartes et banderoles et en hurlant haut et fort leur colère sur les conditions de travail et le salaire misérable perçu par l'ensemble du corps des instituteurs. Enseignantes à l'école primaire d'El Kabariya, Oulaya et Hafidha, acquises à la cause du corps enseignant, ont également rejoint leurs collègues sur la place Mohamed-Ali pour se faire entendre. Ces institutrices, qui ont derrière elles plus de dix ans de carrière dans l'enseignement, regrettent que les conditions de travail ne se soient pas du tout améliorées alors que le salaire perçu par les instituteurs ne suffit plus, aujourd'hui, à faire face à un coût de la vie de plus en plus élevé. Le fait que le gouvernement n'ait toujours pas répondu à leurs revendications n'a fait qu'attiser le ras-le-bol de l'ensemble des instituteurs et des institutrices indignés par le fait que le gouvernement ait trouvé des solutions pour un grand nombre de corps de métiers dont celui des enseignants des collèges du secondaire alors que le leur a été ignoré. Des salaires de misère et pas de couverture sociale pour les suppléants Pourtant, les revendications sont claires: il s'agit d'appliquer les différents points des accords qui ont été convenus entre le syndicat de l'enseignement, d'activer les promotions des enseignants du primaire gelées depuis une longue période, d'avancer l'âge de départ à la retraite à 55 ans vu la « pénibilité » du métier d'instituteur, d'amender le statut particulier des enseignants du primaire et d'améliorer les salaires de ce corps de métiers considéré comme le plus mal rémunéré du secteur de l'éducation en Tunisie. Dans la foule compacte qui occupait, hier, la place Mohamed-Ali, de jeunes diplômés assurant la suppléance dans des établissements primaires ont joint leurs voix à celles des instituteurs, se plaignant de leur situation précaire — beaucoup travaillent « au noir » — et de l'inexistence d'un statut qui protège leurs droits. Ils sont, en effet, trois mille huit cents diplômés dans diverses spécialités à assurer, chaque année, le remplacement d'instituteurs et d'institutrices absents pendant l'année scolaire pour divers motifs. Ces jeunes maîtrisards appelés à la rescousse pour assurer les cours des instituteurs absents enseignent entre 18 et 25 heures par semaine et sont rémunérés, en moyenne, à deux dinars l'heure. « Le salaire d'un suppléant ne dépasse pas 240 dinars, a relevé Wissem, suppléant dans un établissement primaire de Jendouba. Nous touchons moins que le Smig. Nous n'avons pas de statut. Nous ne sommes pas couverts par la sécurité sociale. Le ministre a promis de titulariser l'année prochaine les suppléants. Nous voulons qu'il le fasse cette année ». Suppléante dans une école primaire de La Manouba, Wided assure qu'elle achète elle-même le matériel dont elle a besoin pour faire cours à ses élèves. « Je suis rémunérée à la fin de chaque trimestre, note la jeune suppléante. Le problème est que, nous autres suppléants, nous n'avons aucun statut. Cela revient à travailler au noir. Espérons que notre situation sera régularisée ». Selon les derniers chiffres officiels, le taux de participation des instituteurs a dépassé, hier, les 96%, note Mohamed Halim, membre du Syndicat général de l'enseignement de base (Ugtt). S'ils n'obtiennent pas de réponse à leurs revendications d'ici les jours à venir, les instituteurs menacent de hausser le ton. Ces derniers prévoient, notamment, de ne pas remettre les notes des devoirs du troisième trimestre, de ne pas corriger les épreuves du concours national de la sixième et de ne pas assurer la surveillance des examens nationaux. Mesures disciplinaires Le membre du Syndicat général a indiqué, à ce propos, que la commission administrative sectorielle se réunira le 29 mai, pour fixer les formalités de la grève administrative si les négociations échouent entre le gouvernement et le ministère. Le responsable a critiqué, à ce propos, le fait que le préavis de grève lancé par le syndicat de l'enseignement primaire n'ait pas été suivi d'un appel à la négociation par l'autorité de tutelle, « ce qui dénote un manque de sérieux de la part du ministère dans le traitement des problèmes dont souffre le secteur », a-t-il noté. Mohamed Halim a, par ailleurs, assuré que les instituteurs ne sont pas concernés par la décision gouvernementale de prélever les salaires des agents de la fonction publique en cas de grève. Du côté de l'autorité de tutelle, on ne l'entend pas du tout de cette oreille. En effet, dans un communiqué publié,hier le ministère a précisé que les mesures disciplinaires nécessaires seront prises suite aux dépassements qui sont survenus, hier mardi, lors de la grève des instituteurs. En effet, alors qu'ils ont refusé de participer à la grève, des instituteurs et des institutrices ont été agressés physiquement et verbalement et contraints par la force à prendre part au mouvement de protestation générale. « Autant le ministère de l'Education respecte le droit à la grève en tant que droit constitutionnel, autant il refuse catégoriquement toute atteinte au droit de l'agent public au travail », peut-on lire dans le communiqué.