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Le Boléro de Tunisie
Publié dans Leaders le 10 - 02 - 2014

Qui n'a jamais écouté le Boléro de Ravel ne saurait comprendre ce que pareille musique, si elle avait une quelconque onction sacrée, aurait eu comme grâce divine. Cela ne saurait étonner quand on sait que ce rythme envoûtant, car accentué et ternaire, est d'origine espagnole, soit à racine arabe. Or, aujourd'hui, en cette Tunisie qui redécouvre son être à la faveur de son coup du peuple, un air divin commence à se danser enchantant la vue et l'ouïe; c'est le Boléro de Tunisie.
Une musique du peuple
Il faut dire qu'au fin fond du peuple de Tunisie, au creux de la conscience de ses humbles hères, à la base de leur être, il est comme une onde initiale que la Révolution leur a permis de s'appliquer à la retrouver. Dans les rêves intimes des Tunisiens, ce serait pour en chevaucher la houle, tel un surfeur sur les vagues océanes, en maîtriser les ondulations jusqu'à faire de l'eau, matrice de leurs humeurs, une surface paisible, belle à voir, une sorte de microclimat à l'abri de toutes intempéries. Alors, du rêve de marcher sur l'eau, le Tunisien fera réalité à force de foi!
En attendant, le peuple, ses élites y compris, danse le Boléro. Mais si le premier la danse à merveille, les seconds, habitués à la danse du ventre, n'en donnent qu'une piètre représentation. C'est que le Boléro, populaire comme politique, est de même nature que l'illustre pièce de musique, les acteurs dansants enivrés par l'objet de leur désir féroce, cet orgasme appelé pouvoir. Pouvoir de vivre, pour le peuple; pouvoir de dominer, pour les politiques.
On sait que dans la version originale, Ravel avait posé l'action dans une taverne andalouse où une gitane dansait s'appliquait à ensorceler les hommes. Dans celle de Béjart, on est dans le cadre d'un ballet, un cercle d'hommes ou de femmes entourant un homme ou une femme qui danse jusqu'à l'épuisement sur la musique si rythmique au son des tambours, si mélodique à l'air des flûtes et des bassons. Dans les deux cas, on a affaire au même crescendo irrésistible finissant en explosion, un quasi-orgasme.
S'il en va de même aujourd'hui en Tunisie qu'avec la géniale musique de Ravel, c'est que le morceau de musique classique, envoûtant avec sa rythmique des roulements de tambours, y rappelle les affres striant encore la mémoire d'une noire époque pas encore oubliée après la fin de la dictature. Et dans la subtilité de la mélodie des flûtes et bassons invitant aux rêves de paix et de sérénité, elle réussit à en sublimer l'horreur dans la tête et le cœur des Tunisiennes et Tunisiens.
C'est donc un pareil morceau d'éternité que le peuple de Tunisie cherche à monter en un ballet géant, grandeur nature. Hélas, pour l'instant, la danse de ses politiciens n'est rien comparable à la sienne, prétendant se vouloir populaire et nationale, quand elle n'est que de la politique à l'antique! Car le peuple rêve d'horizons nouveaux, d'un Boléro inédit, une danse dans un temps indéterminé, car infini, où le futur est encore plus riche que le passé, et en un espace informe, car élargi, sans frontières, où le crescendo des émotions féroces dans leurs puretés finit par exploser comme se fait orgasme le plaisir fou de l'utopie finissant en concrète réalité.
Une musique politique
On sait bien le peuple tunisien mélomane; mais de quelle musique politique s'agit-il ici? C'est de la démocratisation de la Tunisie qui n'est qu'une note de musique publique qui se décline quasiment en danse lorsque l'air qui l'accompagne en magnifie le tempo ternaire si accentué.
Cette composition quasiment musicale, c'est celle du pouvoir populaire dont le rythme de vie est aujourd'hui à la cadence du peuple, plus que jamais attaché à sa souveraineté vraie, et non pas ainsi qu'on en se fait l'idée selon la pratique actuelle dégénérée, mais une souveraineté ternaire. Cela veut dire que la pratique politique unitaire que résument les élections a épuisé ses vertus, car elle ne doit plus être verticale, entre des électeurs informes et un élu omnipotent, mais désormais horizontale, entre un électeur maître et un élu servant. Cette horizontalité ternaire suppose un contrat à assumer, le devoir d'en respecter les obligations et le droit d'être démis dans le cas contraire et à tout instant.
En effet, on ne peut plus désormais se suffire des échéances électorales qui donnent le pouvoir au peuple un jour pour le lui retirer le restant d'une période où le souverain véritable n'a plus le moindre droit au chapitre, même s'il est censé être représenté, gouverné par ses représentants. Cette imposture marchait du temps de l'illusion du contrat social; mais elle n'a plus de sens en un temps où le contrat s'efface devant le pacte sociétal.
On ne réalise pas assez que notre époque postmoderne impose une communion émotionnelle, et celle-ci s'étend à l'exercice du pouvoir en un monde où la coupure et flagrante entre les élus et le peuple souverain. Cela implique que l'élu doive avoir à rendre compte de son mandat en tout temps. Il ne peut plus prendre de blanc-seing afind'agir en petit dictateur, soigner ses intérêts et sa carrières, agissant au mieux en star aux caprices saugrenus à n'en pas finir.
Qu'est-ce à dire sinon que le scrutin inévitable en démocratie est appelé impérativement à être uninominal pour que la relation entre l'électeur et son élu soit personnalisée, personnelle même! C'est qu'il est plus facile de demander des comptes à quelqu'un qu'on connaît et de le rappeler à ses engagements. Et c'est ce qu'on doit commencer par faire en prévoyant en plus dans la loi électorale l'obligation pour l'élu d'avoir un contrat de mission à proposer à ses électeurs afin d'être jugé et démis s'il viole ses obligations. À ceux qui crieraient à la porte ouverte à l'instabilité, je rétorquerais qu'il n'en sera rien, l'élu démis devant être aussitôt remplacé par un premier de deux suppléants élus avec lui, lequel devrait de même, s'il encourt le même sort, céder sa place au second suppléant. Ainsi, le risque d'élections anticipées ne serait patent qu'après une triple succession de violations d'engagements électoraux qui, de la sorte, ne devrait pas être fréquente.
On doit aussi privilégier les élections locales, municipales et régionales, aux élections nationales. Et, si on a l'esprit bien révolutionnaire, on devrait oser faire élire les représentants régionaux de l'Etat, les gouverneurs notamment, parmi les élus régionaux. Enfin, si on veut relever véritablement de l'esprit du temps, on pourrait étendre ce principe en faisant dépendre la représentation nationale de la représentation régionale et locale, les élus de l'assemblée du peuple étant issus du corps des élus régionaux et locaux, soit parmi eux soit par eux dans ce qui serait une sorte de système à paliers à l'américaine. Ainsi, seul le président de la République resterait élu directement par le peuple, ce qui compenserait ses pouvoirs limités en renforçant sa représentativité.
Voilà, par un exemple concret, en quoi pourrait consister l'innovation politique tunisienne outre une pratique de la chose publique nouvelle, transfigurée, tenant compte des valeurs islamiques d'honnêteté et de sincérité, bannissant la langue de bois et la ruse que résume aujourd'hui la pratique de nos politiciens obnubilés par le pouvoir.
C'est cela le Boléro de Tunisie, une merveilleuse musique politique postmoderne. A-t-on des politiciens assez mélomanes pour incarner une telle virtuosité politique alternative, nous donner un nouveau chef-d'œuvre de cet art qui est dans son esthétique et sa mélodie, lorsqu'il s'élève au pinacle, quasiment musicologique ?
Ecrit en 1928, le Boléro de Ravel est toujours gagnant au hit-parade des morceaux classiques, paraît-il. Il en sera de même demain du Boléro de Tunisie, de faux roulements de tambours, étrangement militaires dans leur subtilité même, à l'image l'âme tunisienne dont la douceur apparence n'est qu'une farouche volonté indomptable à faire réalité de ce qui semble relever de l'illusion.
Farhat Othman


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