Belhassen Trabelsi échappe encore à la justice tunisienne    Un nouveau marché s'ouvre à l'huile d'olive tunisienne    State of Play Japan : toutes les nouveautés et annonces Xbox dédiée aux jeux japonais et asiatiques    Match Tunisie vs Mauritanie : où regarder le match amical préparatif à la CAN Maroc 2025 du 12 novembre?    À partir d'aujourd'hui, la circulation chamboulée sur l'avenue Taïeb Mhiri pour six mois    Où et quand suivre Tunisie–Mauritanie, le match amical de ce mercredi ?    Drones en Tunisie : des mesures pour encadrer leur usage    Non-allaitement: Un silence couteux que la Tunisie ne peut plus se permettre    Ooredoo Tunisie s'associe à Dora Chamli pour promouvoir le padel et le talent tunisien sur la scène mondiale    1 Tunisien sur 6 touché par le diabète : un appel urgent à la sensibilisation    Météo en Tunisie : temps partiellement nuageux, températures en légère hausse    La BTE franchit une étape stratégique: migration réussie vers le standard international SWIFT ISO 20022    Nouvelle taxe sur la richesse : ce que les Tunisiens doivent savoir    Tougaï quitte le rassemblement des Fennecs    Démographie: Radioscopie d'une Tunisie en profonde mutation    Ooredoo Tunisie s'associe à Dora Chamli pour promouvoir le padel et le talent tunisien sur la scène mondiale    Une première intervention de chirurgie robotique en Tunisie réalisée avec succès à l'hôpital Charles-Nicolle de Tunis    Marathon COMAR de Tunis-Carthage dans une 38e édition : Courons pour une Tunisie plus verte    Hikma Tunisie ouvre sa troisième unité de production à Tunis : Hikma Pharmaceuticals renforce sa présence en Tunisie    Hafida Ben Rejeb Latta ce vendredi à Al Kitab Mutuelleville pour présenter son livre « Une fille de Kairouan »    Tunis, prépare-toi : les matchs amicaux des Aigles se jouent plus tôt    Tunisie : 2000 bâtiments menacent la vie des habitants !    Quand Mohamed Salah Mzali encourageait Aly Ben Ayed    Météo du mardi : douceur et ciel partiellement voilé sur la Tunisie    La pièce Les Fugueuses de Wafa Taboubi remporte le Prix de la meilleure oeuvre de la 3e édition du Festival National du Théâtre Tunisien    Amina Srarfi : Fadl Shaker absent des festivals tunisiens    Dhafer L'Abidine à la Foire du Livre de Sharjah : Les histoires doivent transcender les frontières    Météo en Tunisie : averses isolées au nord    Sarkozy fixé ce soir sur sa libération    Tunisie: Financement de projets d'excellence scientifique    Décès du Pr Abdellatif Khemakhem    Match EST vs CA : où regarder le derby tunisien du dimanche 09 novembre 2025?    La Fête de l'arbre: Un investissement stratégique dans la durabilité de la vie sur terre    Nouvelles directives de Washington : votre état de santé pourrait vous priver du visa américain    Justice tunisienne : 1 600 millions pour lancer les bracelets électroniques    Tunisie : Le budget de la Culture progresse de 8 % en 2026    L'Université de la Manouba organise la 12è édition du symposium interdisciplinaire "Nature/Culture"    Qui est le nouvel ambassadeur de Palestine en Tunisie, Rami Farouk Qaddoumi    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    Suspension du Bureau tunisien de l'OMCT pour un mois : les activités à l'arrêt    Elyes Ghariani: Comment la résolution sur le Sahara occidental peut débloquer l'avenir de la région    Mondher Khaled: Le paradigme de la post-vérité sous la présidence de Donald Trump    Congrès mondial de la JCI : la Poste Tunisienne émet un timbre poste à l'occasion    Attirant plus de 250 000 visiteurs par an, la bibliothèque régionale d'Ariana fait peau neuve    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    Ligue 1 – 11e Journée – EST-CAB (2-0) : L'Espérance domine et gagne    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    Lettre manuscrite de l'Emir du Koweït au président Kaïs Saïed    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un signe miraculeux
Publié dans Leaders le 08 - 06 - 2016

Abdo Wazen est né en 1957 à Dekwaneh dans la banlieue de Beyrouth. Il est journaliste, responsable de la page culturelle du quotidien arabe de Londres Al-Hayat. Auteur de plusieurs recueils dont Nâr al-'awda (Le feu du retour), Abwâb al-nawm (Les portes du sommeil) et Hayat Mu'attala (Une vie en panne), il est surtout connu comme poète. Il a publié chez Sindbad/Actes Sud ses Entretiens sur la poésie avec Mahmoud Darwich en 2006, ainsi qu'une anthologie de ses poèmes,La lampe de la discorde, chez La Différence, en 2010.
Son nouveau roman, À cœur ouvert, qui vient de sortir aux Editions Sindbad/Actes Sud dans une traduction de Madona Ayoub, parut en 2010 sous le titre original ‘Qalb maftûh'chez Arab Scientific Publishers, à Beyrouth et éditions el-Ikhtilef, à Alger.C'est une autofiction, un retour sur le passé, qui défile comme une suite de rêveries et de fantasmes, d'un homme profondément religieux, au seuil de la cinquantaine:
«Je suis par nature un être religieux. Un être dont les yeux s'étaient ouverts sur le spectacle de la mort et pour qui la religion fut une brise, la première, qui lui avait arrosé les poumons. Un être qui aurait depuis longtemps cessé d'exister si le miracle ne lui avait pas tracé sur le corps son éternelle blessure. Un être religieux même aux moments de ses plus grands doutes…» (p.14)
De confession maronite, le narrateur gardera toujours de sa jeunesse l'amour des anges,l'inoubliable souvenir de sa communion et la saveur de l'hostie.L'Evangile fut son premier livre. Quant au miracle dont il parle, il s'agit d'une délicate opération chirurgicale qui lui a laissé une large cicatrice sur la poitrine. Ce récit, À cœur ouvert, s'ouvre quelques années après cette opération.
En fait, nombreux sont les miracles qui balisent sa trajectoire depuis son plus jeune âge jusqu'à ce jour fatidique de l'opération à cœur ouvert. Souvent plongé dans un état onirique, il est assailli par des hallucinations et des fantasmes qui lui rappellent certes des moments pénibles, mais dont l'issue est souvent miraculeuse. Il y eut d'abord cette séparation cruelle avec son premier amour à la suite de la guerre civile de 1975 alors qu'il avait à peine quatorze ans. L'apparition en blouse d'infirmière de la jeune fille lui souriant (p.24) dans sa chambre de malade, préfigure évidemment la guérison toute proche.
Cette croyance aux miracles s'est ancrée dans son esprit surtout avec cette balle reçue à l'âge de «quatre ou cinq ans», qui avait frôlé son cœur avant d'aller «se fixer juste en dessous, entre les côtes» (p.32). C'était une balle perdue, tirée lors d'une cérémonie, à la veille de la fête du prophète Elie, et au jour de l'élection présidentielle. Ce miracle en particulier, avait convaincu le jeune enfant qu'il était «voué à Dieu» sa vie durant, au point qu'il songea un jourà choisir le chemin ecclésiastique et devenir moine.
Paradoxalement, cette mort qui l'a frôlé de si près, n'a jamais cessé de planer sur lui. Ellea d'abord emporté son grand-père puis son père alors qu'il était enfant; ce qui lui alongtemps laissé «un sentiment d'infériorité, d'insécurité, d'insatisfaction et de trouble.» (p.55). Survint ensuite la mort de sa sœur, suivie de nombreux suicides de voisins etd'amis, puis la guerre civile qui a longtemps endeuillé le Liban. Au fur et à mesure qu'il grandissait, l'enfant perçaitpetit à petit, la signification du deuil:
«Le deuil faisait que les absents ne l'étaient plus. Le deuil était une sorte de seuil sur lequel se tenait la mère ou l'épouse pour attendre celui qui était parti.C'était ce qui motivait pour continuer à vivre en dépit du manque. Le deuil était le mince fil de lumière qui séparait les vivants de leurs morts, et vice-versa.C'était la consolation de celui que rien ne pouvait consoler.» (p.70)
Le lecteur ne manquera pas donc de remarquer que tous les souvenirs constituant ce livre soustendent en fin de compte un seul et même thème: celui de la mort. Il transparaît dans lesdiverses considérations du narrateur sur le rêve, la dépression, le suicide, l'agonie, les anges ou encore sur le ‘jour du souvenir du mort' (p.154). Ainsilongtemps l'enfant qu'il était croyait que même la nuit portait le deuil,jusqu'au jour où elle devint «une véritable énigme dans sa vie » (p.72) et qu'il fut enfin « persuadé que la nuit dans son essence est le cœur de toute religion. Elle est le mystère qui permet à l'individu qui le comprend de saisir le sens de la mort, ce sens qui nous voue à la vie contemplative.» (p.77)
Bien qu'il ait toujours habité le narrateur, ce profond sentiment religieux lié à au sens de la mort,s'est sensiblement lézardé lors des terribles exactions de la guerre civile. L'amour de l'écriture aidant, le questionnement de la religion devint bientôt inévitable:
« Les questions étaient nombreuses, et elles le sont toujours. Le questionnement n'est-il pas au cœur de toute religion? Y a-t-il une religion qui ne suscite pas de questions ? Qu'en est-il du baiser de Judas qui a fait tomber le Christ entre les mains des soldats et qui L'a conduit au Golgotha? Comment le Christ, le Sauveur, a-t-Il permis qu'un de Ses disciples ait à subir cette épreuve qui aboutit à la pendaison?» (pp.96-97)
L'esprit ainsi taraudé, la fatalité reste la référence suprême ; désormais, pour le narrateur, rien ne relève de l'urgence.A vingt ans, il fuit le Liban en proie à la guerre civile et se réfugie àParis. Il se retrouve ensuite à Kinshasha où il se sent vite en totale symbiose avec la population dans la mesure où il avoue être «devenu un homme noir, un homme qui avait l'illusion d'avoir été noir dans un passé dont il ne se souvenait plus.» (p.85)
L'épisode de Kinshasha constituel'undes temps forts qui jalonnent ce roman. Mais à aucun moment le lecteur ne sent une rupture d'intérêt, un piétinement quelconque.Même lorsqu'ils portent sur la foi, les souvenirs, les rêves et les fantasmesse déroulent avec une cohérence qui n'est pas sans rappeler l'événementialité psychique qu'on retrouve en particulier dans Ya Salem!, de Najwa M. Barakat. Comme sa compatriote, Abdo Wazenmet à nu, peu à peu, les états d'âme et les ressorts du comportement humain,à partirde ce qui s'est produit depuis ce signe miraculeux, cette chance extraordinaire d'avoir échappé à la mort.
Abdo Wazen, À cœur ouvert, traduit de l'arabe (Liban) par Madona Ayoub, Sindbad/Actes Sud, 232 pages.
Rafik Darragi
rafikdarragi.over-blog.com/


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.