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Abdelaziz Kacem : Au quatre-vingt-sixième anniversaire de sa mort Abou-l-Kacem Chabbi revisité
Publié dans Leaders le 09 - 10 - 2020

Par Abdelaziz Kacem - Né le 24 février 1909, à la Chabbiyya, près de Tozeur, Abou-l-Kacem Chabbi, meurt d'une cardiopathie, à l'aube du 9 octobre 1934, son recueil manuscrit, à ses côtés, sur son lit d'hôpital, entre l'appui-tête et l'oreiller. Il aura vécu 25 ans, 7 mois, 2 semaines.
Contrairement à ses deux frères cadets, qui avaient poursuivi leurs études à l'Ecole franco-arabe, jusqu'à l'Agrégation en Sorbonne, Abou al-Kacem que son père, un vénérable cadi, destinait vraisemblablement à une charge religieuse,fit ses études à la traditionnelle Zitouna. Contre toute attente, c'était bien lui, le poète, chantre de la modernité littéraire, qui allait injecter une sève nouvelle dans les rainures de la poésie tunisienne en mal de renouveau.
Adolescent, il se découvre, pour la lecture, une boulimie inextinguible : les lettres arabes classiques, mais aussi la littérature du Mahjar. Il est littéralement subjugué par Jubrân. Les revues égyptiennes, al-Risâla, al-Hilal, al-Muqtataf le mettent en contact avec les grands noms de la poésie cairote, mais, surtout, l'initie à la littérature européenne à travers des traductions bien adaptées à la sensibilité du moment. Lamartine, Goethe, Ossian lui insufflent une ferveur irrépressible. Les revues égyptiennes, les recueils venus de la Rabita al-qalamiyya (L'Alliance de la plume) en Amérique du Nord et d'Al Usba Al Andalusiyya (La Ligue andalouse),au Sud du Nouveau Monde, Chabbi n'était pas le seul à les lire, mais seul, lui, vibrait à leurs rythmes, seul, lui, apportait sa corde à leur guitare. Enthousiasmé par les horizons qui soudain s'ouvraient devant lui, qui l'invitaient vers des ailleurs inexplorés et des vertiges époustouflants, c'est à l'âge de quatorze ans qu'il naît à la poésie. De sa plume encore puérile, s'étalent de gentilles versifications d'où pointe la promesse des odes à venir.
C'était un novateur, mieux, un innovateur au sens hardi du terme. Certes, la facture de ses poèmes reste globalement classique. Mais la langue, le style, les métaphores, les images y surgissent tels des fluorescences dans un ciel délavé. Il se retourne vers l'arbre rabougri de la vieille poésie arabe, pour le secouer, le déraciner au besoin. Le 1er février 1929, à la tribune de la Khaldouniyya, à l'invitation des Anciens de Sadiki, Abou-l-Kacem Chabbi, à peine âgé de vingt ans, sûr de lui, insolent et superbe, donne une conférence qui fera date et des remous : Al-Khayâl al-Chi‘rî ‘inda l-‘Arab (l'Imagination poétique chez les Arabes). Un exposé laborieusement étayé, sévère, iconoclaste. Il est suffisamment consistant pour que l'auteur décide de le publier, quelques mois plus tard, dans un ouvrage. Il le dédie à son père. Ce sera l'unique livre édité de son vivant et qui sera plusieurs fois réédité depuis l'indépendance. Avec conviction et force arguments, il aboutit à ceci : la poésie arabe pompeusement oratoire, sombre dans le descriptif et le sensoriel ; les légendes dans lesquelles elle puise, sont maigres, rudimentaires, sans commune mesure avec la mythologie grecque. La nature en terre d'Occident, si luxuriante, si mystérieuse, si envoûtante, la nature qui vous prend, qui vous habite, n'est en terre arabe qu'un décor aride et squelettique. C'est la faute au désert, au soleil écrasant. Et cet éternel féminin qui, pour Goethe, nous attire vers en haut, autrement dit la beauté, l'attrait capable de sublimer nos voluptés. La poésie arabe se contente de nous décrire les atouts et les atours de la femme, que l'orthodoxie foncièrement libidineuse cherche à gommer. Comparé aux incantations du poète irlandais Ossian, aux puissantes évocations de Goethe, aux contemplations de Lamartine, que vaut la prolixité verbeuse de nos anciens poètes ? Le public sort de cette conférence abasourdi. En fait d'imagination, nul n'a imaginé une telle outrance, une telle hérésie, une telle aliénation. La poésie arabe classique est sacralisée, elle est l'un des constituants majeurs de notre présence au monde, de notre credo. Toutes les coteries de Tunis crient au scandale. Nulle réponse écrite, tout reste dans l'oralité. Il faut croire que la masse des indignés n'était guère capable de réfuter point par point un essai aussi bien construit, mais, par ailleurs, excessif, réfutable.
Un an plus tard, le 13 janvier 1930, les Anciens de Sadiki invitent à nouveau Chabbi pour une conférence sur la littérature marocaine. Il arrive à la Khaldouniyya en compagnie de deux amis, Mustapha Khrayyef et Zin el Abidine Senoussi. La salle est déserte. Il comprend qu'il est boycotté. Peiné, outragé, le soir même, il commence la composition d'un poème tout aussi hérétique : Al-Nabî al-majhoul (le Prophète méconnu). Il y règle ses comptes avec ses détracteurs, dénonce l'immaturité du commun, les rancœurs dont se nourrit le subalterne. Nul n'est prophète en son pays, dit-on. Qu'à cela ne tienne !
Poète lyrique par excellence, Chabbi se voulait rhapsode de la femme et de l'amour. Le poème qui le fit connaître aussi bien au Maghreb qu'au Machrek est publié dans la fameuse revue égyptienne Apollo de Ahmed Zaki Abou Chadi. Le titre est édifiant : Salawâtfîhaykal al-hubb (Prières au Temple de l'Amour), un chef-d'œuvre.
À son corps défendant,il s'invite, politiquement, dans notre Hymne national et jusqu'auxévénements dejanvier 2011, en Tunisie et en Egypte, avec deux vers-médailles ouvrant une pièce de plus de soixante vers, Irâdat al-hayât (La Volonté de vivre), composée en septembre 1933:
Quand le peuple veut un jour la vie/ Force est au Destin d'obéir
Force est à la nuit de s'évanouir / Force est aux fers de se briser
C'est de là que dérive le slogan encore en vigueur, chez nous et ailleurs, « Al-Chaabyourid » (Le Peuple veut). Cependant, dès la parution du poème,les dévots, incapables d'avoir le moindre sens du tragique, ont crié au blasphème. Dans leur vocabulaire étriqué, le mot QADAR (Destin), bien qu'il ne figure pas parmi les 99 attributs d'Allah, signifie Dieu. Les islamistes ne perdent pas espoir d'amputer, un jour, l'Hymne national de ladite strophe.
Gloire doit rester au poète.


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