Soupçons de torture sur un détenu : Précisions du barreau après un communiqué du ministère de la Justice    Raccordement de plus de 3 500 établissements éducatifs au réseau internet de haut débit    Association Tunisienne de Permaculture : Projection du film documentaire « Les Fesquia : Histoire de résilience    Le Kef : Samir Abdelhafidh dévoile une stratégie pour relancer l'investissement local (Vidéo+Photos)    Ambassade israélienne en Tunisie et exportation de pétrole : intox sur X    En pleine crise de paranoïa, les fans de Saïed l'exhortent à bouder les sommets en Irak    Fin du suspense: Trump enterre l'idée d'un 3e mandat    L'EST remporte le classico : Ces petits détails....    L'USBG valide contre l'ESZ : Mission presque accomplie    Santé en Tunisie : Inauguration du service d'hématologie rénové à l'hôpital Aziza Othmana    Sidi Hassine – Nouveau coup de filet : des criminels dangereux dans les mailles de la police    Affaire Mongia Manaï : son fils officiellement recherché    Coupure d'eau potable à partir de demain dans la banlieue sud de Tunis    L'OIM et la Tunisie consolident leur coopération : visite officielle d'Amy Pope    Homo Deus au pays d'Homo Sapiens    Affluence record à la Foire du livre 2025, mais le pouvoir d'achat freine les ventes [vidéo]    Puissance et conditionnalité: La nouvelle grammaire allemande des relations extérieures    Quelle est l'ampleur des déséquilibres extérieurs liés aux Etats-Unis ?    Six ans de prison contestés : Saad Lamjarred rejugé en appel    Affaire de corruption : Walid Jalled toujours détenu, procès repoussé    Chute historique : le baril dégringole sous les 60 dollars    La Tunisie en Force: 19 Médailles, Dont 7 Ors, aux Championnats Arabes d'Athlétisme    La Ligue arabe réclame une protection internationale pour les journalistes palestiniens    Infrastructures routières : le Parlement examine demain un accord de prêt avec la BAD    CAN U20 – Groupe B – 2e journée Tunisie-Kenya (3-1) : Quel talent et quelle abnégation !    Amy Pope, directrice de l'OIM, en déplacement en Tunisie    Dates limites pour la déclaration fiscale en Tunisie selon les catégories de contribuables    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Météo en Tunisie : Fortes pluies et orages attendus au Nord-Ouest et au Centre    Sami Tahri : les grèves sont maintenues, faute de dialogue !    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    GAT VIE : Une belle année 2024 marquée par de bonnes performances.    ARP : discussion d'une proposition de loi sur le travail des huissiers notaires    Houcine Rhili : amélioration des réserves en eau, mais la vigilance reste de mise    Réserves en devises : 22 469 MD couvrant 99 jours d'importation    Un séisme de magnitude 4,9 secoue le nord du Chili    Tunisie – Bac 2025 : démarrage du bac blanc pour près de 144 000 candidats    Lors d'un entretien téléphonique avec le premier ministre Irakien : Saïed appelle à une position arabe unie face à l'occupant sioniste    USA – Trump veut taxer à 100 % les films étrangers : une nouvelle offensive commerciale en marche    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Stand de La Presse à la FILT: Capter l'émotion en direct    Un missile tiré depuis le Yémen s'écrase près du principal aéroport d'Israël    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Il faut sauver Tarek Aziz !
Publié dans Leaders le 12 - 11 - 2010

Condamné à mort le 26 Octobre par la justice irakienne, l'ancien vice-Premier ministre de Saddam Hussein a certes toujours défendu avec brio la politique de son pays, mais il n'avait aucune responsabilité directe dans les décisions prises par l'ancien raïs.
C'est dans les années 1970 que j'ai connu Tarek Aziz. II était alors chargé de l'Information et de la Culture. Membre important du Baas irakien, il était, avec Saadoun Hammadi, ministre du Pétrole à I'époque, le seul intellectuel du gouvernement. Tarek Aziz croyait a un destin arabo-islamique des peuples de la région, y compris de ses populations chrétiennes. Comme le fondateur du parti Baas, le Syrien Michel Aflaq, lui-même chrétien, il devait estimer, probablement, que ses coreligionnaires n'avaient d'avenir dans la région que dans la mesure où ils trouveraient le moyen de s'y intégrer de manière durable. Voulant ressusciter une tradition de cohabitation entre "gens du Livre" remontant aux premiers siècles de I‘islam, le chef du Baas préconisait au Moyen-Orient I'arabisme comme plateforme socioculturelle pour tous, musulmans et chrétiens. Mais il y ajoutait une proximité prononcée avec I'islam, dont il célébra le Prophète dans un texte devenu célèbre et appris par cœur par nombre de ses partisans.
Ce trait explique aussi l'audience que connut rapidement le Baas auprès de l'élite musulmane syrienne. Professeur dans les années 1940, Aflaq eut une grande influence sur ses élèves, qui constituèrent le premier noyau de son futur parti. Comme Mahmoud Messadi, en Tunisie, il hypnotisait par son verbe. Ses disciples, étudiants à Paris, évoquaient sans cesse ce maître à penser inoubliable. Ils disaient qu'il leur parlait de l'islam comme d'un creuset de culture et de civilisation qui avait donné un grand essor à la région en rassemblant ses populations, jadis éparses et même souvent en conflit. Ce souci de rassembler les Arabes au-delà de leurs différences confessionnelles était le thème majeur du Baas et séduisait les jeunesses cultivées dans beaucoup de pays arabes.
Tarek Aziz, qui a passé quelques années de sa jeunesse a Damas, y rencontra Michel Aflaq et subit son ascendant. Si le maître a fini, sur le tard, par se convertir à l'islam après s'être installé a Bagdad, Tarek Aziz n'a jamais eu de tels états d'âme. II connaissait parfaitement l'histoire et la littérature arabes, mais s'intéressait apparemment très peu aux choses de la religion.
II ne comptait pas beaucoup d'amis parmi ses collègues du gouvernement ou ses « camarades » du parti. Fier de sa double culture et imbu de sa supériorité intellectuelle, quelque peu hautain aussi dans ses rapports, il jouissait, au surplus, de certains égards auprès de Saddam, son ancien compagnon d'exil, devenu son chef. Cela faisait beaucoup de jaloux qui, souvent médisants dans leurs confidences, prétendaient qu'il était le mauvais génie du président. Tarek Aziz paie aujourd'hui ces accusations tout à fait mensongères.
Car ses relations avec Saddam étaient loin d'être claires, et il y avait sans doute une fascination réciproque. Le militant, devenu le ministre des choses importantes aux yeux de Saddam, les Affaires étrangères, vouait à son chef un dévouement à toute épreuve, un véritable culte. II était sous I'emprise de cette force physique qui frappait tous les visiteurs, ce langage singulièrement emphatique, ce regard qui figeait I'interlocuteur. Saddam, pour sa part, était subjugué par l'intelligence de Tarek Aziz, l'éloquence tranquille avec laquelle celui-ci développait des idées qu'il trouvait neuves, et qui confortaient toujours ses propos en leur donnant une assise intellectuelle.
Tarek Aziz aimait-il Saddam? Difficile à dire. L'homme n'était point enclin aux confidences. Cependant, il me semble acquis qu'il était convaincu que Saddam était imperméable à la contradiction, quel que fût l'enjeu. II savait aussi la prédilection de son président pour les opinions tranchées – sans nuances inutiles –, qu'il jugeait seules dignes d'intérêt, parce que, selon lui, seules utiles et courageuses. Et Tarek Aziz s'y pliait, persuadé qu'il n'avait pas le droit de se prononcer contre un avis déjà exprimé haut et fort par le président devant des collaborateurs. Et il était condamné à toujours approuver, avec comme seule liberté la possibilité de commenter ou d'apporter un éclairage favorable.
Quant aux relations avec l'Iran, si Tarek Aziz a été au centre du premier incident connu entre les deux Etats après I'avènement de Khomeiny, il ne reste pas moins vrai que les raisons de ce conflit, long et meurtrier pour les deux parties, échappaient à la logique. Comme tout ce que Saddam entreprenait concernant les relations avec des voisins. Tarek Aziz n'y avait donc aucune part de responsabilité directe. Mais il défendait, toujours avec brio, les causes que Saddam considérait comme siennes, personnelles. La guerre de huit ans avec Téhéran en était une des plus sensibles. Un contresens commis à cet égard par un ministre de la Sante brillant, mais quelque peu naïf, valut à celui-ci d'être aussi tôt exécuté.
Tarek Aziz avait pour devoir de défendre, dans les assises arabes ou internationales, la politique irakienne. II le faisait avec une fougue qui parfois lui valait de solides inimitiés. En Europe, si on appréciait la qualité de son discours, on était déconcerté de voir tant de talent mis au service de si mauvaises causes. Mais sans se douter que Tarek Aziz lui-même était le premier à souffrir de cette pénible vérité.
Par dévouement pour son maître, ou par sacrifice de soi pour sa communauté, Tarek Aziz était une conscience et une intelligence toutes deux malheureuses », car constamment en distorsion avec les valeurs ou la logique.
Comme beaucoup, je croyais que les Américains –auxquels il a choisi de demander asile– allaient l'aider à quitter I'Irak, convaincus qu'il n'avait commis aucun acte criminel.
Ceux qui I'ont livré a ses ennemis politiques ont commis un acte odieux. « Le jugement » qui vient d'être annoncé ne grandit ni les uns ni les autres.
Paru dans Jeune Afrique, N° 2600 (du 7 au 13 novembre 2010)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.