Moez Echargui, champion à Porto, lance un appel : je n'ai pas de sponsor !    Météo : ciel peu nuageux et risque de brouillard cette nuit sur les côtes    Drame à Sfax : quatre enfants seuls dans un appartement en flammes, un décède    Samir Cheffi au président : votre évaluation de ce qui s'est passé est erronée    La matraque, le colt et le bulldozer    Tunis appelle l'ONU à agir contre le plan israélien de réoccupation de Gaza    Report de la grève dans les aéroports    Ligue des champions de la CAF : l'Espérance Sportive de Tunis affrontera les Forces Armées du Niger    Ligue 1 – démarrage du championnat 2025-2026 : Quelque chose va changer ?    Piège numérique : quand les faux cadeaux volent les Tunisiens    El Aouina : mandats de dépôt en prison contre 3 jeunes soupçonnés d'être impliqués dans le meurtre d'un homme âgé    Kaïs Saïed cite Mohamed Guelbi… mais omet l'essentiel de sa conclusion    Trump et Poutine se donnent rendez-vous en Alaska, ce que l'on sait du sommet    L'ex-djihadiste tunisien Nizar Trabelsi rapatrié en Belgique après 12 ans de détention aux USA    Les contraintes incontournables du « Plan/Modèle » de Développement (2026-2030)    Décès de Me Yadh Ammar, une illustre figure du barreau, de l'université et de la société civile    Etats-Unis: plusieurs personnes blessées dans une fusillade à Times Square    Bizerte-Utique : 3 morts et 4 blessés dans le tragique renversement d'un camion poid lourd    Bizerte : saisie de 60 tonnes de pommes de terre et 8 tonnes de fruits de saison    Marché des télécoms : 1,915 milliard de dinars de chiffre d'affaires au 1er semestre 2025    Bibliothèque nationale de Tunisie : La bibliothèque numérique «Cairn.info» désormais accessible    Génocide contre Gaza : L'Union des avocats arabes appelle ses membres à la mobilisation    Espagne : la mosquée-cathédrale de Cordoue sauvée des flammes    Présidence de la République : des événements se succèdent de manière inhabituelle ces jours-ci dans le but d'attiser les tensions    Viandes blanches : un guide pratique pour les détaillants est en cours de préparation    Cheb Mami enflamme la 59e édition du Festival International de Hammamet    Deux poèmes de Hédi Bouraoui    À Sousse, l'agression brutale d'un chien suscite l'indignation, le suspect arrêté    Décès du comédien égyptien Sayed Sadek    Ahmed Jaouadi : Un accueil présidentiel qui propulse vers l'excellence    L'inscription en ligne est ouverte pour les élèves, collégiens et lycéens tunisiens au titre de l'année scolaire 2025-2026    Météo en Tunisie : températures entre 30 et 34 au niveau des côtes et des hauteurs    Lente reprise, inflation tenace : les prévisions du Fonds monétaire arabe pour la Tunisie en 2025 et 2026    Nomination d'un troisième mandataire judiciaire à la tête de Sanimed    CSS : Ali Maâloul et 7 nouvelles recrues débarquent !    Tunisie Telecom rend hommage au champion du monde Ahmed Jaouadi    Le ministre de la Jeunesse et des Sports reçoit Ahmed Jaouadi    « Arboune » d'Imed Jemâa à la 59e édition du Festival International de Hammamet    JCC 2025-courts-métrages : l'appel aux candidatures est lancé !    Ahmed Jaouadi décoré du premier grade de l'Ordre national du mérite dans le domaine du sport    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Sous les Voûtes Sacrées de Faouzi Mahfoudh    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Il faut sauver Tarek Aziz !
Publié dans Leaders le 12 - 11 - 2010

Condamné à mort le 26 Octobre par la justice irakienne, l'ancien vice-Premier ministre de Saddam Hussein a certes toujours défendu avec brio la politique de son pays, mais il n'avait aucune responsabilité directe dans les décisions prises par l'ancien raïs.
C'est dans les années 1970 que j'ai connu Tarek Aziz. II était alors chargé de l'Information et de la Culture. Membre important du Baas irakien, il était, avec Saadoun Hammadi, ministre du Pétrole à I'époque, le seul intellectuel du gouvernement. Tarek Aziz croyait a un destin arabo-islamique des peuples de la région, y compris de ses populations chrétiennes. Comme le fondateur du parti Baas, le Syrien Michel Aflaq, lui-même chrétien, il devait estimer, probablement, que ses coreligionnaires n'avaient d'avenir dans la région que dans la mesure où ils trouveraient le moyen de s'y intégrer de manière durable. Voulant ressusciter une tradition de cohabitation entre "gens du Livre" remontant aux premiers siècles de I‘islam, le chef du Baas préconisait au Moyen-Orient I'arabisme comme plateforme socioculturelle pour tous, musulmans et chrétiens. Mais il y ajoutait une proximité prononcée avec I'islam, dont il célébra le Prophète dans un texte devenu célèbre et appris par cœur par nombre de ses partisans.
Ce trait explique aussi l'audience que connut rapidement le Baas auprès de l'élite musulmane syrienne. Professeur dans les années 1940, Aflaq eut une grande influence sur ses élèves, qui constituèrent le premier noyau de son futur parti. Comme Mahmoud Messadi, en Tunisie, il hypnotisait par son verbe. Ses disciples, étudiants à Paris, évoquaient sans cesse ce maître à penser inoubliable. Ils disaient qu'il leur parlait de l'islam comme d'un creuset de culture et de civilisation qui avait donné un grand essor à la région en rassemblant ses populations, jadis éparses et même souvent en conflit. Ce souci de rassembler les Arabes au-delà de leurs différences confessionnelles était le thème majeur du Baas et séduisait les jeunesses cultivées dans beaucoup de pays arabes.
Tarek Aziz, qui a passé quelques années de sa jeunesse a Damas, y rencontra Michel Aflaq et subit son ascendant. Si le maître a fini, sur le tard, par se convertir à l'islam après s'être installé a Bagdad, Tarek Aziz n'a jamais eu de tels états d'âme. II connaissait parfaitement l'histoire et la littérature arabes, mais s'intéressait apparemment très peu aux choses de la religion.
II ne comptait pas beaucoup d'amis parmi ses collègues du gouvernement ou ses « camarades » du parti. Fier de sa double culture et imbu de sa supériorité intellectuelle, quelque peu hautain aussi dans ses rapports, il jouissait, au surplus, de certains égards auprès de Saddam, son ancien compagnon d'exil, devenu son chef. Cela faisait beaucoup de jaloux qui, souvent médisants dans leurs confidences, prétendaient qu'il était le mauvais génie du président. Tarek Aziz paie aujourd'hui ces accusations tout à fait mensongères.
Car ses relations avec Saddam étaient loin d'être claires, et il y avait sans doute une fascination réciproque. Le militant, devenu le ministre des choses importantes aux yeux de Saddam, les Affaires étrangères, vouait à son chef un dévouement à toute épreuve, un véritable culte. II était sous I'emprise de cette force physique qui frappait tous les visiteurs, ce langage singulièrement emphatique, ce regard qui figeait I'interlocuteur. Saddam, pour sa part, était subjugué par l'intelligence de Tarek Aziz, l'éloquence tranquille avec laquelle celui-ci développait des idées qu'il trouvait neuves, et qui confortaient toujours ses propos en leur donnant une assise intellectuelle.
Tarek Aziz aimait-il Saddam? Difficile à dire. L'homme n'était point enclin aux confidences. Cependant, il me semble acquis qu'il était convaincu que Saddam était imperméable à la contradiction, quel que fût l'enjeu. II savait aussi la prédilection de son président pour les opinions tranchées – sans nuances inutiles –, qu'il jugeait seules dignes d'intérêt, parce que, selon lui, seules utiles et courageuses. Et Tarek Aziz s'y pliait, persuadé qu'il n'avait pas le droit de se prononcer contre un avis déjà exprimé haut et fort par le président devant des collaborateurs. Et il était condamné à toujours approuver, avec comme seule liberté la possibilité de commenter ou d'apporter un éclairage favorable.
Quant aux relations avec l'Iran, si Tarek Aziz a été au centre du premier incident connu entre les deux Etats après I'avènement de Khomeiny, il ne reste pas moins vrai que les raisons de ce conflit, long et meurtrier pour les deux parties, échappaient à la logique. Comme tout ce que Saddam entreprenait concernant les relations avec des voisins. Tarek Aziz n'y avait donc aucune part de responsabilité directe. Mais il défendait, toujours avec brio, les causes que Saddam considérait comme siennes, personnelles. La guerre de huit ans avec Téhéran en était une des plus sensibles. Un contresens commis à cet égard par un ministre de la Sante brillant, mais quelque peu naïf, valut à celui-ci d'être aussi tôt exécuté.
Tarek Aziz avait pour devoir de défendre, dans les assises arabes ou internationales, la politique irakienne. II le faisait avec une fougue qui parfois lui valait de solides inimitiés. En Europe, si on appréciait la qualité de son discours, on était déconcerté de voir tant de talent mis au service de si mauvaises causes. Mais sans se douter que Tarek Aziz lui-même était le premier à souffrir de cette pénible vérité.
Par dévouement pour son maître, ou par sacrifice de soi pour sa communauté, Tarek Aziz était une conscience et une intelligence toutes deux malheureuses », car constamment en distorsion avec les valeurs ou la logique.
Comme beaucoup, je croyais que les Américains –auxquels il a choisi de demander asile– allaient l'aider à quitter I'Irak, convaincus qu'il n'avait commis aucun acte criminel.
Ceux qui I'ont livré a ses ennemis politiques ont commis un acte odieux. « Le jugement » qui vient d'être annoncé ne grandit ni les uns ni les autres.
Paru dans Jeune Afrique, N° 2600 (du 7 au 13 novembre 2010)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.