La Tunisie toujours couchée sur la liste noire du FMI    Amnesty International exprime son soutien à Bochra Belhaj Hmida    La Tunisie ne restera pas les bras croisés face à quiconque tente de porter atteinte à sa sécurité    Hand – Coupe de Tunisie : programme des quarts de finale    Tunisie – METEO : Retour de la pluie !    Palestine occupée : plus de 200 colons profanent la mosquée d'Al-Aqsa    100 Startuppers africains récompensés lors de la 4e édition du Challenge Startupper de l'Année par TotalEnergies à l'occasion des 100 ans de la Compagnie    Non, le Sénégal n'a pas adopté la langue arabe à la place du français    Ecosse : Le premier musulman nommé Premier ministre a tenu à peine un an, démission forcée…    Koubâa : pour la BH Bank, nous prévoyons une évolution à deux chiffres par an du PNB et du résultat    Béja: Baisse de la superficie consacrée à la culture du tournesol [Vidéo]    HAYA : Journée sportive pour le jeunesse    Ons Jabeur se qualifie en quart de finale du Tournoi de Madrid 2024    Décès de Noureddine Ketari    Un bus reliant la gare TGM à l'aéroport Tunis Carthage est mis à disposition des voyageurs    Journées Romaines de Thysdrus : retour en vidéos sur la manifestation qui a animé la ville d'El Jem    Le CBF dément tout changement visant sa délégation générale    Monastir : des voyous s'attaquent aux citoyens et sèment la terreur    Les étudiants tunisiens manifestent pour une Palestine libre et indépendante    La crise du coût de la vie accroît la pauvreté et l'anxiété au Royaume-Uni    Conférence de la ligue des parlementaires : Le soutien de la Tunisie au peuple palestinien est indéfectible    COMMENTAIRE | Entre Mai 1968 et Avril 2024 : les étudiants donnent de la voix et montrent la voie !    Les finances des ménages – Analyses des simulations : A combien se chiffre le salaire décent pour les Tunisiens ?    Evénement «Robotic Space 3.0» : Intégrer l'intelligence artificielle dans l'éducation    Chambre de Commerce et d'Industrie de Tunis : Promouvoir les échanges économiques entre Tunis et Prague    Colloque : Pour un accès équitable à la Justice    Commissions régionales – Suivi du programme des sociétés communautaires : Les sociétés communautaires proposent un nouveau modèle de développement    Vers le lancement d'une ligne aérienne directe entre la Tunisie et le Cameroun d'ici la fin de l'année 2024    Tarek Hammami : la révision des prix de 320 médicaments a été opérée par les ministères de la Santé et du Commerce    Pourquoi | Changer quand il le faut…    Médenine : Des projets de santé en cours    Le Groupe CARTE rend hommage à Afifa Boughzou    Magazine de l'Union de Radiodiffusion des Etats Arabes : Conquérir un public autre qu'arabe    ECHOS DE LA FILT | Pavillon de l'Italie, invitée d'honneur : Les enfants à la découverte de Pimpa di Altan et son voyage en Italie    «META MORPHEE» de Thomas Egoumenides à Yosr Ben Ammar Gallery jusqu'au 11 mai 2024 : Poétisation et apologie de l'obsolète    Moez Ben Salem à la tête de la Société africaine de dermatologie et de vénérologie    Une caravane de santé au profit de 200 bénéficiaires à Mhamdia    Joueurs agressifs sur les terrains : Pourquoi pas un contrôle antidopage ?    Au fait du jour | Un mal nécessaire    La Tunisie, 2e pays à l'échelle arabe en nombre de chercheurs    Le SRS lance son académie de basket Ball : Une tradition restaurée !    Une première en France : Le gouvernement annonce une plainte contre Mélenchon    Elections de la FTF : rejet de l'appel de Wassef Jlaiel, réexamen des listes de Ben Tekaya et Tlemçani    Ons Jabeur en huitième de finale du tournoi de Madrid    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Tahar Bekri: Entre deux langues, l'aventure de la langue autre
Publié dans Leaders le 26 - 09 - 2023

J'habite une maison à deux fenêtres. Toutes deux me sont nécessaires pour accueillir l'air renouvelé. Ma porte est ouverte aux quatre vents, mon toit est l'univers. Je me nourris des traversées profondes, dans la mobilité des rencontres et la connivence avec les êtres. D'une fenêtre à l'autre, d'une langue à l'autre, je scrute l'horizon, en quête de lumière qui m'est nécessaire.
Je ne considère pas la langue française comme «Un butin de guerre» pour reprendre Kateb Yacine ni une quelconque «guérilla linguistique». Le monde a assez de guerres ainsi pour en rajouter une autre. Le français n'est pas mon exil. Je pense ici à l'Algérien, Malek Haddad et le drame qu'a subi son pays où la langue arabe a été interdite en période coloniale.
Je suis le fruit de l'école tunisienne bilingue et ce, dès ma prime enfance. Je vis cela comme une magnifique opportunité historique. L'arabe comme le français, deux langues de grande culture, m'ont enrichi de leur civilisation, de leurs apports, de leurs savoirs. Je ne prétends pas que la langue soit en dehors de l'affirmation historique ou identitaire, qu'elle n'est pas au centre de la définition d'une littérature. Mais je suis convaincu que l'intransigeance du discours politique, extra-littéraire et linguistique, prôné par certains, dépasse souvent la problématique de l'écriture et les préoccupations de l'écrivain.
Depuis des décennies, la question de la langue française, notamment au Maghreb, occupe les esprits, presque exclusivement, ainsi que l'espace littéraire, comme si nos œuvres ne portaient pas de paroles importantes à dire.
A force de limiter nos débats à la question de la langue, beaucoup parmi nous sont gagnés par la lassitude, interpellés que nous sommes régulièrement sur le support come s'il était vide de tout contenu.
L'œuvre dit-elle autre chose que la langue qui la porte?
Bien sûr, nous pourrions envier Claude Simon, le Prix Nobel de littérature. Ce dernier fut invité par des écrivains russes. L'un deux lui demanda: «Quelles sont vos préoccupations en ce moment?» et Claude Simon de répondre: «Mon problème est comment commencer une phrase et la finir».
Véritable préoccupation littéraire, certes, mais ma réalité d'écrivain du Sud peut-elle se permettre ce luxe?
Aussi, partagé entre deux langues, je tente de dire mon être, ma condition intime et collective, non sans difficulté, car la langue, qu'elle soit française ou arabe, n'est jamais toute prête, elle est à construire, à élaborer. Je ne la considère pas comme un assemblage de mots. Bâtir une maison ne peut se faire sans corps ni âme qui vive. La langue du poème, dans n'importe quelle langue est une quête inlassable, où l'écriture traduit le cœur qui bat, l'univers sensible, mon imaginaire. Comment réussir à y dire ce qui bout dans ma poitrine, pour reprendre Chebbi? Comment y exprimer mon rythme, les méandres de mon esprit? La mêlée de l'intériorité des choses, à l'écoute de la fureur du monde.
Ecrire c'est parler en silence. Du moins, en ce qui me concerne. Dès lors, il reste à faire l'économie du verbe, lui donner son poids, ses lettres de noblesses.
Ma langue est celle-là : la parole fraternelle, généreuse qui défend la dignité humaine. Celle qui m'empêche de considérer l'Autre comme un objet de haine, malgré les drames de l'Histoire, celle qui m'aide à m'opposer à cet Autre quand il vient bafouer mes valeurs fondamentales, qui veut dicter avec arrogance sa loi et afficher sa puissance.
Où que j'aille, je n'oublie pas que je suis de cette terre, que j'emporte ses mots, ses métaphores, ses couleurs, ses paysages, ses visages, sa haute mémoire.
Le poème n'est jamais beau quand il est servile. C'est un acte de liberté dans n'importe quelle langue. Tend à créer sa propre langue. C'est l'ambition de chaque écrivain. Et c'est la liberté de sa langue qu'il faut saluer.
Entre deux langues, je suis le voyageur, le passeur, la route n'est jamais tracée d'elle-même. Ecrire est sinueux, rare est la ligne droite. Je suis, parfois, comblé par une trouvaille mais combien de fois suis-je découragé par les interférences linguistiques car celui qui nous reçoit n'a pas toujours la même langue d'origine, la fameuse langue source.
La langue cible est une aventure mais elle vaut l'effort, car elle me pousse à accomplir l'exigence. Je veux dire par là que face à la laideur ambiante : guerre, violence et violation des droits humains, intolérance, fanatisme religieux, expansionnisme territorial, racisme et obscurantismes de tous bords, le bilinguisme s'est imposé à moi comme un vrai besoin de dialogue intertextuel, interculturel, intellectuel.
Suis-je utopique?
Oui, comme doit l'être tout créateur refusant l'identité immuable, rejetant le confort des certitudes, l'attachement aux racines menacées de sédentarité.
Comment imaginer Goethe sans le Diwan oriental ? Verdi sans Aida ? Le poète suédois, Gunnar Ekelöf sans La légende de Fatumeh? J. L. Borgès sans Les Mille et une nuits ou La quête d'Averroès?
Nous applaudissons quand ces créateurs s'inspirent de notre espace, mais sommes-nous toujours prêts à accepter de nous référer à l'espace de l'Autre?
Ma langue n'oublie pas qu'il y a un Nord pour un homme du Sud, que la langue n'est pas une fin pour elle-même, que l'Autre n'est pas réduit à un seul espace.
Mon ancrage dans la culture arabo-musulmane ne m'empêche pas d'être regardant, ne m'interdit pas d'aller à la rencontre de l'Autre. L'essentiel est d'écrire la langue autre.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.