Alors que le débat s'enflamme sur les salaires des dirigeants de groupes privés, la question mérite d'être posée pour les chefs d'entreprises à majorité publique. Surtout que l'été est généralement la saison des mouvements à la tête des entreprises et chacun cherche soit à y accéder soit àse faire nommer aller dans une autre, mieux rémunératrice. Quel est leur régime de rémunération ? Combien sont-ils payés ? Quels autres avantages en nature leur sont-ils accordés ? Et qu'en est-il dans d'autres pays similaires ? Une analyse rapide mais instructive. Commençons par rappeler le cadre juridique et les principes. La rémunération des chefs d'entreprises publiques et établissements à majorité publique (50% et plus) est fixée, comme le mentionnent MM. Slaheddine Cherif et Maher Kammoun dans leur précis de Droit «L'Entreprise Publique en Tunisie» (CREA, ENA, 1994) est fixée par le décret n° 90-1855 du 10 novembre 1990 (modifié par le décret n° 92-1 du 6 janvier 1992, puis celui n° 2006-2564 du 2 octobre 2006). Ce régime s'applique aux premiers responsables qu'ils soient PDG ou DG et porte sur la rémunération en espèces et les avantages en nature. Les éléments de la rémunération en espèces, au nombre de 4+1, se composent d'un traitement de base (fixe à 500 D), d'une indemnité de logement (fixe à 200 D), d'une indemnité de représentation (variable selon la catégorie de l'entreprise) et d'une indemnité de gestion ou de résultat (fixe à 350 D). Ces 4 premiers éléments sont servis mensuellement sont soumis aux retenues opérées au titre des régimes de sécurité sociale. La 5ème composante est une indemnité provisoire pour remboursement de frais liés à la responsabilité, mensuelle et non soumise aux retenues sociales. Elle est variable selon la catégorie de l'entreprise. Dans le cas où le chef d'entreprise assure la direction générale d'une filiale ou une deuxième entreprise, il ne percevra en plus qu'une indemnité mensuelle de 150 D par entreprise additionnelle. Pour régulariser certaines situations individuelles, une indemnité différentielle permet de résoudre en partie le problème de la situation des agents publics jouissant dans leur position initiale d'un salaire plus élevé lorsqu'ils sont désignés à la tête d'entreprises à majorité publique. A ces éléments s'ajoutent les avantages que sont une voiture de fonction (de 9 CV au maximum) avec chauffeur et prise en charge des frais d'assurances, entretien et réparation, 500 litres de carburant par mois ( à usage uniquement pour les voitures de fonction), 2000 unités de pulsion téléphoniques par trimestre et en frais de journaux, 3 quotidiens, 3 hebdomadaires et une revue étrangère. Quant au logement de fonction, s'il est attribué, il doit être la propriété de l'entreprise elle-même (et non en location), nu (et non meublé) et sans aucune autre charge (eau, électricité, gaz, chauffage, jardinier, gardien…). A la clef, la classification des entreprises et non des personnes La base du système, c'est le classement des entreprises (et non des personnes). Une commission spécialisée y procède (il y a tout une direction générale des entreprises publiques au Premier Ministère, avec une unité dédiée aux rémunérations et des services de suivi et de contrôle). Les entreprises et établissements à majorité publique sont classés, en fonction de critères précis, en 5 grandes catégories (G, M, A, B, C) et une 6ème, exceptionnelle. Voilà donc le système général. Qu'en ressort-il en termes de rémunérations. Selon la catégorie de l'entreprise, un PDG ou un DG peut percevoir un package mensuel allant de 1805 D à 4020 D. Ce dernier montant est ainsi le plafond fixé par le régime général. Le détail de ces éléments nous le montre le tableau ci-après. Il faudrait noter que l'indemnité provisoire servie pour la catégorie exceptionnelle tient compte de l'indemnité complémentaire (instituée par le décret du 2 octobre 2006) et bénéficiant à certaines grandes entreprises (telles que Steg, Sonede, SNCFT, ONPOSTE, STB, BH, BNA, CPG, GCT et Tunisair).
Catégorie Traitement de base Indemnité de logement Indemnité de représentation Indemnité de gestion Indemnité provisoire Total Exceptionnelle 500 200 1 350 350 1 620 4 020 G 500 200 1 350 350 980 3 380 M 500 200 970 350 790 2 810 A 500 200 725 350 565 2 340 B 500 200 625 350 355 2 030 C 500 200 525 350 230 1 805 Le sens du service public Comment s'apprécient ces éléments ? L'Etat offre certes des conditions convenables de rémunération, sans être généreuses ou fort attractives pour les grandes compétences du secteur privé ou installés à l'étranger. «C'est correct, pour un agent public, issu de la fonction publique, estime un spécialiste interrogé par Leaders. D'ailleurs on se presse au portillon pour décrocher une nomination. Mais, au vu des filières de formation, des compétences, de l'expérience et de la responsabilité, les patrons du secteur public peuvent prétendre à plus. Sans parler de l'éthique et du dévouement, ou mentionner l'absence de prime indexée aux résultats effectifs réalisés, ou encore de prime de fin de mission.» Mais, c'est le sens du service public qui semble l'emporter, avec toute la fierté de servir l'Etat et le pays. Dans d'autres pays Interrogé sur les pratiques dans les pays similaires, notre spécialiste se réfère aux rémunérations au Maroc qui sont de plus en plus élevées. Dans le tableau ci-après qu'il dresse pour Leaders, nous découvrons que les packages mensuels peuvent aller à l'équivalent de 8000 à près de 50 000 D. Oui, 50 000 D par mois. Entreprise Grand Commis Salaire mensuel net en DH Soit en DT Entreprise Tunisienne Homologue Office Chérifien des Phosohates Mostafa Terrab 300000 49 698 Compagnie des Phosphates de Gafsa et GCT Bank Al Maghrib Abdellatif Jouahri 250000 41 415 Banque Centrale de Tunisie Caisse de Dépôts et de Gestion Mustpaha Bakkoury 130000 21 536 STB Royal Air Maroc Driss Benhima 130000 21 536 Tunisair Banque Centrale Populaire Mohamed Ben Chaaboun 120000 19 879 Banque Crédit Immobilier et Hôtelier Ali Harraj 120000 19 879 Banque de l'Habitat Office National de l'Electrécité et ONEP Ali Fassi Fihri 100000 16 566 STEG Société Nationale de Radio Télévision Fayçal Laraychi 95000 15 738 Etablissement de la Télévision Tunisienne Barid Al-Maghrib Anas Alami 80000 13 253 La Poste Tunisienne Office National des Chemins de Fer Mohamed Rabie Khilie 75000 12 425 SNCFT Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières Hassan Boulaknadel 75000 12 425 CMF Direction Générale des Impôts Noureddine Bensouda 70000 11 596 Direction Générale des Impôts SOREAD 2M Salim Cheikh 70000 11 596 Canal7 Crédit Agricole du Maroc Tarik Sijilmassi 65000 10 768 Banque Nationale Agricole Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle Ahmed Ghazali 60000 9 940 Conseil Supérieur de la Communication Autoroutes du Maroc Othmane Fassi Fihri 60000 9 940 Tunisie Autoroutes Office National des Aéroports Abdelhamid Benallou 60000 9 940 OACA Marsa Maroc Mohamed Abdeljalil 50000 8 283 OMMP Trésorerie Générale du Royaume Said Ibrahim 50000 8 283 Trésorerie Générale Agence Maghreb Arabe Presse Ali Bouzerda 50000 8 283 Agence TAP
Evidemment, ce n'est pas le même contexte, ni la même vision des choses. Ce qui est sûr, c'est que la fonction publique tunisienne, toujours rigoureuse et soucieuse des deniers publics, maintient un juste équilibre entre les légitimes prétentions salariales et de rémunération, d'un côté et, de l'autre, ses moyens et condition. L'objectif est de récompenser nos compétences en poste et d'en attirer de nouvelles pour nourrir les rangs et assurer la relève.