Elle vient de donner récemment à la salle du « Quatrième Art » un spectacle de danse intitulé : « Andropolaroid 1.1 » qui a reçu un bel accueil de la part d'un public nombreux. Yui Kawaguchi, danseuse et chorégraphe japonaise résidant à Berlin depuis quinze ans, répond aux questions du « Temps », en s'arrêtant et en clarifiant plusieurs détails de ce travail. Interview. « Le Temps » : Votre spectacle nous a fait plonger dans un environnement sonore envoûtant, bercé par la danse. Est-ce là votre expression du déracinement, puisque vous vivez à Berlin depuis quinze années ? Yui Kawaguchi : Le déracinement est effectivement le thème principal de la pièce-spectacle que j'ai joué. Vos tournées internationales sont-elles à même d'exprimer votre exil artistique, si on peut le définir ainsi ? Ce n'est pas essentiellement lorsqu'on est en tournée qu'on exprime la sensation de l'exil. Je suis installée à Berlin, mais le fait de jouer dans plusieurs théâtres, me donne l'impression d'être chez moi. Le théâtre est ma maison. Dans ce spectacle chorégraphique, votre corps est immergé dans une installation sonore et lumineuse. Ce travail peut-il être considéré comme une œuvre ayant un langage international ? J'ai conçu moi-même tout l'ensemble de ce spectacle : de la structure, au jeu, à la lumière, au son et à la musique. J'essaye de transposer ce qui se passe dans ma tête sur la scène pour rendre visible aux autres mon propre univers. Mais votre travail reste tout de même énigmatique. Comment l'avez-vous conçu aux niveaux de l'interprétation et du jeu ? Il est parfois difficile et je trouve normal de ne pas comprendre le sens d'un spectacle quand celui-ci appartient à une autre culture où le langage est différent. Le titre « Andropolaroid 1.1 » est-il un clin d'œil aux nouvelles technologies, avec un flash-back sur le Polaroid, ou autre chose ? « Andro » fait allusion au terme « Andros » qui veut dire « l'homme », en grec. Quand à « Polaroid », il s'agit bien du procédé photographique qui se base sur les couleurs blanche et rouge, pour ensuite faire apparaître les autres couleurs. Le blanc et le rouge existent dans mon spectacle. Votre spectacle de danse est un spectacle complet. Pensez-vous que la danse ait pu réussir à prendre une place entière auprès du théâtre ? Ou vice-versa ? Je suis danseuse de formation et je me vois comme telle. La danse est un moyen de toucher les gens. J'ai l'impression de raconter une histoire, de faire du théâtre par le biais de la danse et de l'amener vers le public. L'installation, qui est ici, sonore et lumineuse, est-elle l'aboutissement d'un travail de recherche, ou un choix initial ? Au début, j'ai travaillé avec des flashs. Le travail lumineux m'a permis d'avoir différentes ambiances qui s'imposaient d'elles-mêmes. Et selon vous, où se situe l'innovation dans l'expression corporelle ? Fondamentalement, c'est la scène Break dance, par rapport à ce que j'ai vécu quand j'ai commencé à m'initier à la danse à Tokyo. Je découvrais les nouveautés à travers les cassettes vidéo. Aujourd'hui, c'est à travers You Tube que l'on découvre toute nouveauté et beaucoup plus rapidement. Mais comme c'est instantané, il y manque le temps du mûrissement et du développement chorégraphique. Les vidéos sur You Tube qui durent une minute sont comparables aux Selfies. C'est plus de l'effet que de la réflexion. Votre spectacle est-il alors cérébral ? Sur scène, on voit l'image d'un cerveau et ça se mélange pour moi. C'est l'image d'une ville japonaise avec les néons. Un scientifique japonais a dit que la construction de nos villes, de leur architecture était analogue à nos cerveaux. C'est-à dire qu'on peut comparer une métropole à un cerveau. La pièce s'adresse à l'intellect des spectateurs et l'intellect signifie tous les sens, une émotion. Comment avez-vous trouvé votre spectacle auprès du public tunisien ? J'ai été très surprise par le côté dynamique et vivant de la ville avec pleins de gens accueillants. Pour le spectacle, j'ai été impressionnée par le public qui était curieux et nombreux. Etant sur scène, j'ai pu constater que le public réagissait, car il n'était pas venu voir un spectacle exotique. Quels sont vos projets immédiats ? Pour le moment, je n'ai pas de nouvelles créations prévues de manière concrète. J'ai plusieurs idées en tête. Par ailleurs, je danse aussi pour d'autres compagnies et chorégraphes. J'ai un spectacle sur le compositeur Schubert avec une compagnie à Berlin. D'autre part, le spectacle « Andropolaroid 1.1 » sera en tournée très prochainement en Belgique et durant la saison 2017-2018, notamment en France. Interview réalisée par :