Que peut-on retenir de 2016, une des années les plus moroses de l'histoire de ce pays, marquée par un recul à la 87ème place mondiale sur 139, pour le climat des affaires, des paramètres pratiquement au rouge à tous les niveaux économiques, l'endettement qui passe de 39% du PIB en 2010 à 66% en 2016 et rien n'annonce une amélioration à ce niveau. Baisse des recettes touristiques de 7,1% par rapport à 2015, alors que dire si l'on remonte à la date, devenue référence de la « prospérité nationale », celle de 2010 ! Au niveau social 2015-2016 auront été les années les plus dommageables, pour la culture du travail avec les grèves des mines et des phosphates, de Pétrofac, pour ne citer que les plus saignantes pour la trésorerie publique, sans parler des grèves chroniques à l'Education nationale où « l'école buissonnière » n'est plus l'exception mais la règle codifiée et imposée par des syndicats qui se sont appropriés leur « part d'Etat », et ce ministère sinistré, par une cacophonie installée dans le durable avec un ministre non pédagogue et totalement rejeté par ses administrés ! Au niveau politique c'est le Bazar, avec des partis minoritaires qui prennent l'ARP en otage, du fait de l'affaiblissement des deux partis majoritaires le Nida et Ennahdha pour des raisons tout à fait différentes. Le Nida s'est fait imploser de lui-même ratant l'occasion historique de se substituer au PSD de Bourguiba (je ne parle pas du Tajamaâ dont j'ai horreur) et de devenir la base fortifiée de la démocratie libérale et sociale de la synthèse (Bourguiba-Hached) et le fief des classes moyennes attachées à l'identité spécifique tunisienne. Quant à Ennahdha, il a toujours du plomb dans l'aile pour complicité évidente avec l'islamisme politique radical, le salafisme et la prédication obscurantiste malgré toutes les déclarations rassurantes de ses Etats-majors et la motion plus que laconique de son dernier congrès. Le fait de défendre bec et ongles le retour des terroristes de Daëch et de Nosra au pays, sous couvert de respecter la Constitution, cousue de main de maître à Montplaisir, le quartier général des islamistes politiques de Tunisie, et de respecter les conventions internationales, tout en remettant aux psychiatres le soin de traiter ces « malades » de la décapitation des têtes humaines, en dit long sur l'attachement de Ennahdha à l'Etat islamique et aux doctrines des frères musulmans, malgré quelques réformettes annoncées par le très subtil Cheikh Rached Ghannouchi, en direction de la démocratie « civile » mais sous tutelle et une lecture adaptée et spécifique de la religion et de la doctrine des frères musulmans d'Orient. Le résultat est là, sans appel... les Tunisiennes et les Tunisiens de la société civile rejettent les marchandages de la classe politique tuméfiée par l'infantilisme de certains leaders de partis « sociaux », et des desseins inavoués des grosses cylindrées islamiques et de leaders ambitieux pour la conquête du pouvoir, le tout en ignorant les véritables aspirations du peuple tunisien encore patient et pacifique, malgré la dépression. Ces aspirations sont d'abord, une sécurité hermétique et une lutte anti-terroriste sans concession, avec le rejet catégorique du retour des escadrons de la mort et de ces terroristes aux drapeaux et étendards noirs qui ont fait allégeance à « l'Etat » islamique de Daëch et El Qaïda et répudié en conséquence, l'appartenance à la Tunisie sa culture et sa citoyenneté. Deuxièmement, le bien-être économique et le développement régional. Et là, il faut mettre en marche la belle percée en 2016 du Congrès international sur l'investissement, en facilitant l'exécution des projets adoptés et réduire au maximum les formalités bureaucratiques toujours trop contraignantes. Pour cela, M. Youssef Chahed a besoin d'un plus d'audace pour dégripper le système financier et bancaire tunisien et à sa tête la Banque centrale de Tunisie. Il faut libérer de plus en plus la politique de changes et faciliter la circulation des capitaux et beaucoup d'argent coulera dans les veines et les artères de l'économie nationale. Continuez à verrouiller le pays par le « plus d'Etat » et l'attachement à l'Etat bureaucratique de la providence, ne mène qu'à la fuite des capitaux, des entrepreneurs et des investisseurs et donc, à l'immobilisme et la décroissance. Les Tunisiens veulent un Etat fort qui n'est pas pris en otage, ou sous la tutelle des syndicats et des partis minoritaires aux idéologies pointues extrémistes et appartenant aux années 50-60 du siècle dernier. Les Tunisiens veulent réhabiliter la « politique » qui consiste aux gouvernants de « gouverner » et d'avancer au niveau des réformes et du déverrouillage économique et financier et non pas de gérer le diktat et les humeurs des syndicats et des partis minoritaires. La Tunisie dispose d'un potentiel géographique et humain considérables. Mais, elle a besoin d'un pilotage ferme, avec un ascendant politique et une visibilité claire au niveau économique. A la limite, il faut, si besoin est, libérer l'économie de la politique et non pas la mettre sous la tutelle des partis et des syndicats. M.Chahed a les atouts de la ferveur de la jeunesse et de la volonté mais il a besoin de plus... « Prendre le livre avec force », comme l'a prescrit Dieu au prophète Yahia... « Ya Yahia, khoudh al kitaba bi kouwa » ! Mais, tout cela passe nécessairement par une reconstruction de « Nida Tounès » ou équivalent, comme l'a fait Bourguiba pour le Néo-Destour en 1934... Oui, un parti d'orientation politique profonde et de gouvernement, et non pas un parti déchiqueté, sous tutelle des syndicats et des islamistes, et obligé de composer au jour le jour, pour ne gérer que le quotidien. Nida Tounès a eu cette occasion historique en décembre 2014. Il l'a raté. Espérons que le renouveau sera opéré en 2017. Faute de quoi, même le « vote utile » n'y fera rien en 2020 ! Bonne et heureuse année à toutes et à tous ! K.G