Que c'est triste « Tunis » au temps des amours mortes ! Venise elle-même l'aurait gémi et chanté... et les gros nuages sur l'Avenue Bourguiba, cette avenue mythique qui a « dégagé » l'ancienne dictature à l'aube de ce 14 janvier 2011, n'ont fait qu'assombrir un peu plus l'atmosphère d'une commémoration mal aimée et dont presque plus personne n'en veut ! La « Révolution » confisquée et détournée par les nouveaux « arrivants » de la classe politique totalement déconnectée des réalités du pays, a vécu et n'enchante, plus. Il est vrai que 6 ans d'immobilisme, d'improvisation et de populisme enfantile, ont donné quelques cheveux blancs à cette jeunesse qui a fait me 14 Janvier. Les héros sont bien fatigués ! Mais à quelque chose malheur est bon. On aura appris pendant ces six ans que la Démocratie est belle à consommer mais, il faut en payer la facture, si elle ne se traduit pas par une évolution capable de synthétiser et combiner la liberté avec la sûreté, les droits avec les devoirs et la revendication légitime avec la discipline et la remise à niveau de la culture du travail. Toute l'anarchie, la mobilisation populiste et l'appel à l'occupation de la rue et des lieux de production, se payent cash, d'autant plus que la constitution a protégé pratiquement toutes les dérives en la matière au nom des droits de l'Homme et de la liberté politique. Ceci dit, il ne s'agit pas de remettre en selle un régime oligarchique qui s'est approprié l'Etat, les institutions et l'économie pendant 23 ans de règne sans partage. Mais il ne s'agit pas, non plus, de démolir un Etat moderne et la puissance publique sans lesquels, aucun « Etat-de-Droit » n'est possible. Le développement, lui-même, qui demeure l'Exigence nationale numéro « 1 » de la Révolution, ne peut se réaliser dans cette anarchie globale, où chacun veut sa « part d'Etat ». Il faut une certaine sérénité et un minimum de paix sociale et d'apaisement pour permettre aux gouvernants de « gouverner » et aux planificateurs de planifier. Le sous emploi, le chômage des jeunes diplômés, le déficit du développement régional, aggravé par une détérioration globale à l'échelle du pays tout entier et pas seulement des régions de l'Ouest du Nord au Sud, sont bel et bien, les thèmes majeurs de la mobilisation politique et M. Jacques II de la Palice lui-même en aurait convenu ! Mais il va falloir donner une chance au gouvernement d'engager les réformes et mettre en marche la stratégie du développement dont tout le monde se réclame, sans prendre la peine de penser aux exigences pratiques de la mise en œuvre. Et là le gouvernement est appelé à changer de méthode car sur les principes et sur l'évaluation de la situation, tout le monde est pratiquement d'accord. Il y a toujours évidement les adeptes du « Non » éternel parce qu'ils vivent de cela, sachant que ce peuple, à qui on a promis monts et merveilles, est sensible à la démagogie populiste, à la désinformation et à l'anarchie, du fait des gènes du « démon berbère », qui sommeillent en lui. Mais il arrive souvent que le réalisme et le pragmatisme l'emportent, quand la tête du Tunisien se cogne au mur et qu'on finit par comprendre qu'il faut arrêter cette « recréation » interminable au nom d'une idéologie « révolutionnaire » sans issue. Changer de méthodes, c'est aller aux dossiers en instance, au cas par cas, en prenant les décisions effectives sur le champ, et adapter la rétention bureaucratique aux exigences exceptionnelles du moment. J'ai suivi avant-hier sur la T.V « Nationale Une », un ancien premier Ministre, M. Mehdi Jomaâ, certainement de bonne volonté, avec des ambitions toutes aussi certaines que légitimes. Il parlait de « programmes », de « valeurs », et de la nécessite d'une bonne planification. OK, rien à dire, à part que ce « programme » est mis en facteur par toutes les familles, les chapelles et les leaders des partis, politiques du pays. Des islamistes, aux ridaïstes, aux frontistes populaires, jusqu'à ces électrons fantaisistes sans aucune crédibilité populaire, tous sans exception s'attachent à ce « programme » à la carte presque informatisé et robotisé. Lamine Nahdi, l'humoriste tunisien, que j'aime beaucoup, aurait joué la dessus encore son fameux « Fi haki Essardouk nraychou » (Notre problème à tous c'est de déplumer ce coq...). Alors aujourd'hui ce ne sont pas les programmes qui manquent parce que le dernier Forum de l'investissement a mis la barre tellement haute, qu'on ne peut pas faire mieux ! Avouons-le ! Mais celui qui peut faire mieux, c'est celui qui est capable de le réaliser et de le concrétiser rapidement sur le terrain. Et là, il faut la pointure des « bâtisseurs » comme Bourguiba et Nouira et il faut la méthode simple et efficace de prendre le taureau par les cornes et engager la mécanique de la réalisation pratique... sur le terrain. A la limite, le programme « aujourd'hui » c'est le « non programme », puisque le Forum de l'investissement nous a donné un plan pour cinq ans, ficelé et prêt à l'emploi. Le reste c'est une affaire d'hommes, capables de dépasser les règlementations qui bloquent. Vous me direz, ils vont contrevenir aux lois en vigueur et ils seront pointés du doigt comme les Responsables de l'ancien régime. Or comme il est pratiquement devenu impossible de réformer les lois rapidement à cause de notre Sainte Assemblée législative, l'ARP, et notre auguste constitution, on risque un blocage éternel et le temps joue contre nous et contre le gouvernement. Alors que faire !? Procéder par les décrets d'application, tout en respectant l'esprit des lois et non leur « lettre » ! Enfin, oser, et aller vers la concrétisation des programmes, adoptés par le Forum et tout ira pour le mieux avec un redémarrage rapide de l'économie nationale et l'effet boule de neige. Encore une fois la recette de Bourguiba qui a fait la Tunisie moderne : « Le contact direct... et Ne mettez pas dans votre poche... je vous couvrirai en cas d'erreurs... » C'était la formule magique de ce bâtisseur hors normes, quand ils s''adressaient aux hauts cadres du pays et à ses Ministres ! Rien à ajouter !