Les pays du voisinage de la Libye, notamment la Tunisie, l'Algérie et l'Egypte, s'activent, ces derniers jours, pour se concerter en vue de trouver une solution à la fois, pacifique, consensuelle et rapide à la crise en Libye où les affrontements commencés il y a cinq ans, s'installent dans la durée. C'est dans ce cadre que Tunis a engagé une initiative depuis le mois de septembre dernier en vue de mettre un terme au conflit armé libyen et entamer une nouvelle étape de stabilité et de paix fondée sur des accords consensuels entre les diverses factions ayant une influence et une notoriété dans les zones qu'elles contrôlent. Cette initiative associe deux autres pays voisins de la Libye, en l'occurrence l'Algérie et l'Egypte. Ce trio enregistre depuis plusieurs jours un véritable ballet diplomatique et des tractations au plus haut niveau pour ce qui est considéré comme étant la tentative la plus sérieuse pour en finir avec une crise inextricable qui n'a que trop duré en Libye, car le chaos qui y règne, depuis la chute de Kadhafi, menace la sécurité et la stabilité de ses voisins et plus particulièrement les nôtres. C'est pourquoi d'ailleurs cette initiative a plutôt un caractère conjoint entre la Tunisie, l'Algérie et l'Egypte. Déjà le 5 du mois de janvier en cours, le président Béji Caïd Essebsi a eu un entretien avec le président du parlement libyen Aguila Salah Issa, pour discuter des efforts consentis par la Tunisie et les pays du voisinage pour aider les parties libyennes à trouver une solution politique à la crise. «La solution doit émaner de la volonté des Libyens », avait martelé Béji Caïd Essebsi en appelant toutes les parties libyennes à trouver une plate-forme commune de dialogue et de réconciliation, deux conditions nécessaires pour espérer parvenir à une issue honorable pour tous. Bon à rappeler que l'initiative tunisienne a été lancée lors de la 146ème session ordinaire du Conseil des ministres des Affaires étrangères de la Ligue des Etats arabes, qui s'est tenue, en septembre 2016 au Caire, et ce en vue de pallier l'absence de l'Organisation panarabe dans le règlement du dossier libyen. Il faut dire que la Tunisie, forte du succès de son expérience en matière de dialogue et de consensus qui lui ont permis de réussir une transition démocratique exemplaire, est idéalement placée, selon les observateurs, pour jouer un rôle catalyseur dans la recherche d'une solution honorable, juste et durable afin que notre voisin redémarre sur des bases saines en vue de la longue bataille de reconstruction et de restructuration. Alliances et soutiens étrangers La situation en Libye se présente, aujourd'hui, comme suit. En plus des guerres fratricides et tribales, deux grands camps se livrent une lutte acharnée. D'un côté, le régime de Tripoli et de l'autre celui de Tobrouk. Chacune de ces villes rivales est le bastion d'une assemblée et de groupes armés. A Tripoli, une première assemblée dominée par les islamistes a élu domicile, soutenue par les milices de la ville de Misrata et Fajr Libya. Elle bénéficie à l'étranger du soutien de Qatar et de la Turquie. De l'autre, plus précisément à Tobrouk, se situe le siège d'une deuxième assemblée, plus modérée, libérale qui a pour soutien les milices de Zentane ainsi que les forces du général Khalifa Haftar. Toutefois, un gouvernement d'union nationale a vu le jour en décembre 2015, après un accord inter-libyen parrainé par l'ONU et signé au Maroc. Il y a tout juste un an, Fayez al-Sarraj a été nommé Premier ministre du nouveau gouvernement d'union nationale formé par l'ONU avec le Conseil présidentiel libyen. Ce nouveau gouvernement, installé à Tobrouk, constitué de 32 ministres et qui siège à Tripoli, n'a cependant pas reçu la confiance du parlement libyen. Pour revenir à l'initiative tunisienne, il y a lieu de souligner qu'elle a pris un rythmé accéléré, ces derniers jours, avec une réunion à très haut niveau, prévue au début du mois de février prochain en Algérie, entre le trio tuniso-algéro-égyptien. Cette réunion est appelée à proposer la tenue d'un dialogue national inter-libyen sous l'égide de l'Organisation des Nations unies, et en collaboration avec la Ligue des Etats arabes et l'Union africaine. Il est bon de signaler que l'initiative de la Tunisie, qui a l'avantage de ne prendre parti pour aucune des factions libyennes, est vue d'un bon œil par la plupart des groupes influents en Libye, ce qui laisse entendre qu'elle a des chances réelles d'aboutir à une issue positive. Le rythme allant crescendo, une réunion tripartite a eu lieu samedi 21 janvier courant au Caire entre les ministres des Affaires étrangères des trois pays voisins de la Libye. Elle a été, immédiatement suivie, pas plus tard qu'hier à Tunis, d'un entretien entre le Président de la République Caied Essebsi et le ministre égyptien des Affaires étrangères. Il ne faut pas perdre de vue, non plus, l'importante visite effectuée par le président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, qui a eu des rencontres avec les plus hauts dirigeants algériens et à leur tête le président Abdelaziz Bouteflika. Une visite à mettre en exergue au vu du poids du leader d'Ennahdha sur la scène islamiste régionale et internationale. Une telle visite, même si « officiellement » elle n'a pas de caractère « officiel » et même si le conseiller du chef de l'Etat dit qu'il n'a pas été diligenté par le Palais de Carthage, entre dans le cadre de la diplomatie dite parallèle ou encore « populaire », terme cher à M. Ghannouchi. En tout état de cause, force est de constater que les trois pays voisins de la Libye ont intérêt à ce qu'une solution soit trouvée dans les meilleurs délais. La Tunisie, avec la situation très particulière des régions du Sud du pays, étroitement lié à la partie libyenne dominée par les factions pro-islamistes et l'Egypte, qui a des frontières communes avec la partie orientale de la Libye (Benghazi), ont des atouts indéniables à faire prévaloir pour aboutir au consensus tant souhaité. Sans parler bien entendu de l'Algérie et ses longues frontières sahariennes Les différentes parties prenantes semblent plus conscientes que jamais de l'ampleur des difficultés, mais aussi, de l'urgence d'en finir avec le conflit, d'où la volonté et la détermination de faire des concessions réciproques et de se retrouver à un point du juste milieu. L'espoir est donc permis tout en observant une prudence de mise.