Entamé depuis le mois de juin 2016, l'examen du projet de loi électorale, déposé, il y a bientôt trois ans, plus précisément depuis le mois de mai 2014, a été, longtemps, bloqué à cause de « mille et un » litiges et divergences entre les groupes parlementaires concernant certaines questions dont notamment l'article 6 autorisant les militaires et les sécuritaires à participer au vote, en général, et à ces élections, en particulier. Finalement après un retard qui aura duré de longs mois, les députés de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) sont parvenus à adopter une nouvelle loi électorale accordant le droit de vote aux agents de sécurité et aux militaires, suite à d'interminables palabres et autres négociations menant à un consensus sur ce point précis. On est habitué aux arrangements à la 90ème minute, mais cette fois-ci, on l'a échappé belle puisque le compromis a été possible dans les temps de prolongations, sachant qu'il s'agissait de la dernière chance, sinon, l'organisation du scrutin municipal n'aurait pas été possible avant la fin de l'année en cours, et, par voie de conséquence, pas possible du tout, ce qui aurait constitué un revers trop grave pour la poursuite du processus de transition démocratique dans sa globalité. En effet, lors d'une séance plénière, tenue ce mardi 31 janvier 2017, à l'ARP le projet de loi a été adopté avec 139 voix et 22 abstentions dont on connaîtra les auteurs incessamment. Il faut dire qu'au départ, les divergences de points de vue entre certains blocs parlementaires avaient entravé la tentative de trouver une solution à ce litige. Et il a fallu que le gouvernement d'union nationale, par l'intermédiaire du ministre des Affaires locales, Riadh Mouakher présente un article supplémentaire, indépendamment de l'article 3, incluant le droit de vote des sécuritaires et des militaires pour les prochaines élections municipales, pour que les choses bougent, enfin, et aboutissent, en fin de compte à un consensus. Les observateurs font remarquer que les deux options, en faveur du droit des militaires et des sécuritaires à voter, dans l'absolu, et celle rejetant ce droit, ont avancé, chacune à l'appui de leurs thèses, des arguments plus ou moins défendables. Les partisans pour le vote de ces deux corps avancent l'argument massue s'appuyant sur le principe inscrit dans la Constitution et stipulant que tous les citoyens doivent être placés sur le même pied d'égalité et rejetant tout ce qui est de nature à être considéré comme étant de la discrimination. En face, ceux qui sont contre ledit vote crient leur crainte de voir les sécuritaires et les militaires, porteurs d'armes et censés être neutres, se départir de cette neutralité et fassent leur apparition dans la jungle de la politique. Le vote a, donc, eu lieu en approuvant partiellement ce principe dans la mesure où la nouvelle loi autorise les deux corps concernées à voter uniquement pour les municipales et les régionales. Un concept soutenu par le parti Ennahdha qui a eu, finalement, gain de cause en acceptant et obtenant un compromis qui éloigne, provisoirement, les militaires et les sécuritaires des urnes lors des élections nationales, législatives et présidentielles. Ce qui a fait dire à certains critiques que ceci confirme les propos tenus par le chef du mouvement islamiste disant que « l'armée et la police ne sont pas garantis... ». Or, le fait que le projet de loi soit passé à l'ARP, cela ne veut pas dire qu'on est sorti de l'auberge. On rappelle, effectivement, que les élections municipales étaient programmées en principe pour 2016, mais elles ont été reportées à plusieurs reprises faute de loi électorale, les responsables annonçant plusieurs dates pour leur tenue, avant de se raviser à chaque fois. Et dans l'état actuel des choses, la situation semble vouée à d'autres développements et autres complications lors des stades de l'élaboration des textes d'application et de la mise en pratique de la loi. Il est important de souligner que le litige ne porte pas uniquement sur ledit vote des sécuritaires et des militaires, mais les divisions sont aussi profondes sur les questions du découpage électoral et de la réorganisation des missions et des attributions des collectivités territoriales, sans oublier le seuil à partir duquel une liste peut prétendre à des sièges aux conseils municipaux et régionaux et au remboursement des frais engagés. Sur ces points précis, les analystes estiment que cette barre favorise les grands partis, notamment Ennahdha et Nidaa Tounès qui sont en mesure de placer des listes pour tous les arrondissements municipaux alors qu'elle défavorise les petits partis politiques qui se verraient sanctionner par cette disposition. Les partisans de ce seuil avancent l'argument que si on descendait en deçà des 3%, on pourrait retrouver des candidats dans lesdits conseils après avoir obtenu à peine 150 ou 200 voix, ôtant, ainsi toute crédibilité à ces éventuels élus. En tout état de cause et d'après l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), "l'organisation des municipales ne doit pas aller au-delà de l'année 2017, sinon tout un chapitre de la Constitution ne sera pas respecté", à savoir les dispositions relatives à la gouvernance locale. C'est ainsi que Chafik Sarsar, président de l'ISIE a indiqué, hier qu'a priori, les élections municipales pourraient se tenir entre fin octobre et mi-novembre 2017. « Ces délais ont été envisagés en fonction des éventuels recours intentés contre cette loi dans les 7 prochains jours », a-t-il expliqué « car au cas où des recours seraient formés, leur examen doit se dérouler dans un délai maximal de 45 jours », a t-il encore précisé Par ailleurs, on ne peut passer sous silence, la polémique soulevée par la dernière série de nominations de délégués dans la mesure où ils sont appelés à présider les délégations spéciales municipales. En effet, ces désignations sont marquées par le principe de quotas partisans qui ont privilégié les deux principaux partis au pouvoir, en l'occurrence Nidaa et Ennahdha, un principe que même Sofiène Toubel a avoué tout en trouvant qu'il est logique puisqu'on a dépassé la période transitoire et qu'on se trouve, désormais, dans une phase de pouvoir définitif et stable après des élections libres et démocratiques, selon ses propres termes. Par contre, certains partis sont allés jusqu'à réclamer le retrait pur et simple de ladite liste annoncée par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, car ils assurent craindre une probable influence que pourraient exercer les futurs délégués lors du scrutin municipal. C'est dire que la polémique n'est pas prête de s'arrêter et des points de discorde pourraient surgir à tout moment, mais toutes les parties devraient être conscientes de l'importance des enjeux et de la nécessité du respect des délais et des échéances. Il y va de la crédibilité de notre processus démocratique, cette fierté pour tous les citoyens.