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L'interview du dimanche: Avec Saïd Aïdi, ancien ministre de la Santé.. «Il faut avoir le courage de dénoncer et de corriger»
Publié dans Le Temps le 12 - 02 - 2017

Son départ du ministère de la Santé a provoqué une grande polémique sur la scène nationale puisqu'il a été précédé par des scandales qui ont, d'ailleurs, disparus avec son départ. Depuis, il s'est retiré de la scène publique pour revenir avec cette nouvelle polémique impliquant le ministère de la Santé suite à ce qui a été convenu d'appeler « l'affaire de l'hôpital Farhat Hached » de Sousse. Saïd Aïdi se dit préoccupé par la situation actuelle de ce secteur vital du pays et expose également, au cours de l'entretien qu'il nous a accordé avant la signature de l'accord sur l'arrêt de la grève des médecins, sa vision quant à ce qui se passe actuellement tant au niveau médical qu'au niveau national.
Le Temps : Les médecins revendiquent leur droit à la loi relative à la responsabilité médicale et certains comprennent plutôt qu'il s'agit d'une revendication de leur droit à l'erreur médicale et à la négligence vis-à-vis du patient. Comment pourriez-vous présenter cette loi ?
Saïd Aïdi : Tout d'abord, cette crise n'est pas conjoncturelle, elle était latente et elle est légitime puisqu'elle vise, avant tout, l'intérêt du patient : le projet de loi de la responsabilité médicale protège le patient dans son droit, en cas de faute médicale ou en cas d'avènement d'effet indésirable, à se défendre et à obtenir, éventuellement, une compensation tout en protégeant les médecins et les paramédicaux dans l'exercice de leur fonction. Cette loi est, à mon sens, impérative et, lorsque j'étais au ministère de la Santé, une Commission a été chargée de rédiger le texte en question : elle est composée de médecins, présidée par Dr Tinssa et travaille en collaboration avec des représentants des différents syndicats, du Conseil de l'Ordre et des ministères de la Justice, des Affaires sociales et des Finances. Ce projet de loi fait la distinction entre ce qui est faute et ce qui est erreur et, dans un premier temps, à aller vers un arrangement à l'aimable qui protège le patient dans ses droits et qui permet aux médecins d'exercer en ayant connaissance de leurs droits et leurs limites.
La santé n'est pas une science exacte ; tout acte médical comporte un risque et, par moment, il arrive qu'il y ait des éléments non désirables après un acte médical ou un traitement médical. Donc, la faute ou l'erreur médicale n'est pas automatique. Néanmoins, au niveau de ce projet de loi, lorsque la faute est avérée, le droit du patient est préservé et le médecin, s'il commet une erreur médicale évidente, est appelé à répondre de ses actes. Je vous donne un exemple très simple : un patient qui a une allergie connue, si le médecin ne lui pose pas la question avant de lui prescrire des médicaments, cela devient une faute médicale. Par contre, tout médicament peut provoquer des effets indésirables et cela peut même avoir des conséquences fâcheuses mais cela ne s'inscrit pas dans le même contexte du premier cas. Je rappelle juste pour l'histoire un cas similaire un peu à celui de Sousse qui est survenu quelques temps avant que je ne prenne fonction au ministère. Une ancienne résidente a été condamnée alors qu'elle n'avait commis aucune erreur médicale. Toutefois, la confusion juridique actuelle a fait en sorte que la fille soit condamnée. Heureusement pour elle que les choses se soient arrangées à la fin de l'affaire. C'est à ce moment-là que j'ai ressenti l'urgence de mettre en place la Commission dont je vous ai parlé afin que le cadre législatif soit tracé correctement. Cette Commission travaille, depuis une année, d'arrache-pied.
Aujourd'hui, je comprends la conjoncture mais je rappelle que la précipitation n'est pas une bonne conseillère. Il nous reste un peu de temps pour avoir un projet de loi qui peut être présenté à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Je pense que ce texte est fondamental pour l'exercice moderne de la santé et marquera une avancée majeure au niveau des textes juridiques régissant le secteur de la santé en Tunisie. On ne peut pas ne pas l'associer, ce qui est également une demande légitime, du statut des internes et des résidents ; ce statut doit permettre aux concernés de déterminer leur responsabilité et leur limite. Là aussi il existe un grand vide juridique pour ceux qui sont encore en apprentissage. Cela fait partie des requêtes, légitimes, sur lesquelles nous avions travaillé et, là encore, nous avions collaboré avec les autres ministères concernés par l'affaire à l'instar de celui de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et celui de la Fonction publique. Je pense Chawki Tabib
-Il est vrai que ces projets de lois sont très importants, mais ils demeurent un peu trop pointus pour le large public qui reproche aux médecins le fait qu'ils ne dénoncent pas l'état déplorable de la santé publique.
Le premier à subir la situation que vous décrivez est certes le patient, mais le deuxième c'est le médecin et l'équipe paramédicale. Le système de santé, dans son ensemble, vit une situation de dégradation prononcée. En me basant sur le dialogue sociétal, qui a été mené en 2013/2014, j'avais entamé une réforme courageuse et profonde pour prendre en considération, d'une part, le manque d'investissement qui avait été fait sur la dernière décennie dans le système de la santé tout en tenant compte du glissement démographique, de l'évolution sociologique et politique du pays et de l'évolution sanitaire de certaines maladies ou de certains risques qui n'existaient pas auparavant. J'avais, aussi, tenu compte des inégalités territoriales qui sont importantes et toute cette pression qui arrive sur les CHU parce que nous avons cette inégalité en question.
Aujourd'hui, le citoyen est en demande d'un système de santé qui puisse répondre à sa réalité et c'est une bonne chose. Nous avons jeté les bases de cette réforme ambitieuse pour faire face à toutes ces inégalités et cet état des lieux en évitant toute approche populiste. Mais une pareille réforme requiert du temps pour être finalisée et concrétisée et, également, des moyens importants. Il faut également prendre en compte la situation financière du secteur de la santé qui subit un important déficit. L'autre point est relatif au problème de gouvernance ; nous avons un système de santé où il y a une perception forte de petite et de grande corruptions. C'est aussi un secteur, et il ne faut pas avoir peur de le dire, qui est exposé à de très forts lobbies d'argent qui, de temps en temps, créent ce déséquilibre entre l'étatique et le privé.
Par ailleurs, et comme on l'a dit tout à l'heure, le vide juridique n'arrange pas réellement la situation. Il ne faut pas s'arrêter à la gestion des urgences qui sont des expressions des citoyens. Des citoyens qui continuent d'ailleurs à se plaindre du manque des médicaments et c'est pour cette raison que nous avions mené une étude pour déterminer le nombre de patients aujourd'hui qui sont touchés par le diabète ou la tension artérielle et on avait trouvé un budget de 16 millions de dinars (MD), alors que le budget nécessaire était de 47 MD. Ce que nous avions obtenu du Parlement, nous avions lancé les appels d'offres, et, normalement, ce programme de distribution des médicaments pour ces maladies non-transmissibles devait commencer au mois de septembre. Il y a eu quelques lenteurs parce que nous avons respecté toutes les procédures qui prennent un peu de temps.
Nous avions également une autre demande relative au risque d'accroissement de l'hépatite C ; quand je suis arrivé au ministère, j'ai trouvé une ligne budgétaire d'un milliard quatre cent million de millimes pour traiter quarante patients avec le traitement dit de génération 3. Nous avons mené l'enquête, lors de mon mandat, sur la prévalence de cette maladie qui était de 7% c'est-à-dire une projection de cent mille patients. Nous avons mis en place tout un programme, lancer un appel d'offres pour arriver à cinq mille patients pour un budget de trois milliard sept cent mille dinars. Bien entendu, un changement pareil ne peut pas plaire à tout le monde puisque certains allaient y perdre en termes d'intérêt privé. Donc, c'est un secteur où on a, très vite, à faire face à des pressions et à des scandales également – vous avez entendu parler de celui des stents périmés. Le secteur de la santé est très sensible et, en même temps, vital pour le devenir de la Tunisie. Il a énormément d'acquis en termes de ressources humaines avec nos médecins qui sont réellement une fierté pour le pays notamment sur le plan international. Mais il faut que ce secteur se structure et ait le courage de faire le ménage et de s'autoréguler puisqu'il y existe des pratiques qui sont inadmissibles concernant les petites ou les grandes corruptions. Il faut avoir le courage de dénoncer et de corriger.
-En brisant le silence aujourd'hui et avec la conjoncture actuelle, vous n'avez pas peur de donner l'impression de quelqu'un d'aigri qui n'arrive pas à digérer son départ précipité ?
Ce n'est pas dans ma nature d'être aigri. Mon départ ne s'est pas fait sur fond de scandale mais sur fond de polémique je dirai. La santé, comme l'éducation, l'agriculture, la culture ou autre, est un sujet que tout acteur politique se doit de s'y intéresser puisqu'il s'agit de secteur fondamental pour toute société. Avant la santé, j'ai été ministre de l'Emploi et de la formation professionnelle et je n'ai jamais témoigné d'aigreur en quittant mon poste. Quand on est ministre, on est chargé d'une mission qui a un début et une fin. Ayant eu la responsabilité de ce secteur, on m'a donné la posture de pouvoir m'intéresser plus en profondeur et c'est vrai que, lorsque j'ai le sentiment que les choses ne vont pas dans le bon sens, j'estime qu'il est de mon devoir de m'exprimer.
Le ministère de la Santé est derrière moi, la santé est devant moi et je considère aujourd'hui que ce secteur est un secteur essentiel pour l'avenir de ce pays aussi bien en termes de paix sociale et que de prospérité. Le ministère est définitivement derrière moi par contre, le devenir de la santé est une priorité pour moi en tant que citoyen avant tout et en tant que responsable ayant une conscience par ailleurs. Le secteur de la santé et les autres secteurs continueront à m'intéresser et il n'y a aucune notion ni d'aigreur ni autre. Quand je vois ce qui se passe actuellement par rapport à ces polémiques et par rapport à la manière dont a été gérée Sfax, dont a été géré le dossier des stents périmés et, également, de certaines orientations qui sont suivies aujourd'hui, il est de mon devoir de m'exprimer, comme c'est le devoir et le droit de tout citoyen sensible au devenir du secteur de la santé et de celui du pays. Je ne m'exprime pas en tant qu'ancien ministre mais je le fais en tant qu'acteur qui réfléchit à l'avenir de ce pays. Quand je ressens que quelque chose ne fonctionne pas correctement, il est de mon devoir de m'exprimer et je continuerai à honorer ce devoir à chaque fois que je le jugerai nécessaire: c'est l'un des acquis de la Tunisie postrévolutionnaire. J'aurais été bien plus heureux de ne pas avoir à m'exprimer parce que j'aurais considéré que les choses allaient dans le bon sens et quand on voit que, Sur des sujets comme celui des stents périmés, moins de trois mois après, cette affaire a été clôturé sans que l'on prenne soin de mettre en place des mesures qui l'empêcheront de se reproduire, et de donner une autorisation de reprise des activités sans avoir garanti un moyen de traçabilité, et d'avoir renforcé ce système, cela interpelle.
-En tant qu'acteur politique, on croit savoir que vous êtes du mouvement de Nidaa Tounes alors que, parallèlement, des mouvements sont en train de voir le jour avec, entre autres, des noms comme celui de Mehdi Jomaâ, de Mondher Zenaïdi, de Ahmed Néjib Chebbi ou encore le nouveau Front préparé entre Slim Riahi et Mohsen Marzouk. Etes-vous concerné par l'une de ces nouvelles entités ?
Après avoir quitté le gouvernement au mois de septembre, j'ai pris une période de réflexion collective avec d'autres personnes par rapport à la scène politique et par rapport aux enjeux de la décennie à venir en Tunisie. Il est vrai qu'aujourd'hui plusieurs initiatives sont en train de voir le jour mais je ne vois pas de véritable projet politique public d'avenir mis à part le mouvement d'Ennahdha qui est structuré et qui porte un projet qui n'est pas le mien et auquel je n'aspire nullement. Je ne vois pas d'autres formations réellement porteuses de projet politique. A mon avis, tout projet construit autour d'un individu pour un individu, est voué, peut-être à l'échec de l'individu en question, mais à l'échec dans la tentative de tirer le pays vers le haut. Nous sommes en train de réfléchir à un projet politique qui doit s'appuyer sur une organisation solide. Nous travaillons sur un projet politique qui puisse, au moment voulu, être incarné par des personnalités. Je dialogue avec quelques personnes parmi celles que vous avez citées dans le cadre d'échange que je considère, par ailleurs, essentiel pour la vie politique.
Il faut qu'un projet politique ait deux dimensions ; la dimension valeurs et la dimension principes au sens grands principes fondateurs d'un projet politique. La conception du rôle de l'Etat est importante mais pour pouvoir travailler ensemble, au sein d'une coalition, il faut avoir des valeurs qui puissent être partagées. Ensuite, pour être dans un même parti, il faut que les grands principes fondateurs de cette même entité puissent être partagés par les individus. C'est une période où j'ai aussi pris le temps de reprendre la proximité avec mes concitoyens dans la mesure où j'ai fait beaucoup de déplacements au niveau des différentes régions du pays. J'ai aussi pris un temps de réflexion sur la période où j'étais ministre pour faire mon autocritique et mon bilan. En tout cas, soyez certains que je me sens toujours concerné par l'avenir de ce pays et que je ne resterai ni observateur ni inactif par rapport à cet avenir.


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