L'Union des enseignants chercheurs universitaires tunisiens (IJABA, d'après son nom en arabe), formation syndicale indépendante créée en 2011 et se prévalant de quelques mille adhérents, a appelé les professeurs et enseignants universitaires à observer une grève dite « grève de la dignité », jeudi 23 février, dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche scientifique du pays, pour « la réhabilitation de l'Université étatique tunisienne et de l'enseignant universitaire. » Lors d'un point de presse tenu, hier à Tunis, le coordinateur de cette Union, Nejmeddine Jouida, et le coordinateur adjoint, Ziad Ben Amor, ont expliqué que ce mouvement a été décidé suite à un sondage en ligne dans lequel « les universitaires en colère se sont exprimés en faveur d'actions pour faire valoir leurs droits et remédier, au plus vite, à la dégradation croissante de la situation de l'Université tunisienne. » Passant en revue les nombreux problèmes auxquels fait face le secteur public de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, ils ont mentionné l'inexistence de réformes de fond, la marginalisation totale de la recherche scientifique, l'infrastructure vieillissante et modeste, un budget de fonctionnement réduit, le départ à l'étranger de milliers d'universitaires et le blocage de nouveaux recrutements en dépit d'un faible taux d'encadrement et de centaines de docteurs sans emploi. Ils ont évoqué, également, « la difficile situation matérielle des enseignants universitaires qui a empiré, ont-ils dit, en raison des mesures prises à leur détriment par l'autorité de tutelle représentée par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, et le gouvernement, et qui se sont traduites par une large amputation de leurs salaires (suite à la révision du barème fiscal), outre la mauvaise réglementation des primes d'encadrement qui a privilégié la quantité aux dépens de la qualité de sorte que des professeurs ont renoncé à encadrer les thèses des étudiants (doctorat, master, projets de fin d'études des écoles d'ingénieurs...) Le coordinateur de l'Union a insisté sur les effets négatifs de cette ambiance démoralisante sur les enseignants, notant que plus de 3000 universitaires sur les quelques 13 000 que compte le pays, sont partis enseigner à l'étranger, notamment dans les pays arabes du Golfe mais aussi dans les pays occidentaux, tandis que des centaines de titulaires de doctorat dans les différentes disciplines et de jeunes chercheurs sont au chômage. Il a dénoncé une volonté manifeste de marginaliser l'enseignement supérieur public, à l'instar de la marginalisation dont est victime le secteur public de la santé, au moment où l'enseignement supérieur a été depuis l'indépendance le principal ascenseur social pour les tunisiens, outre son rôle en matière de développement en pourvoyant le pays des cadres dont il a besoin. S'agissant des revendications que la grève vise à faire aboutir, il a signalé, entre autres, l'intégration de la prime d'encadrement et de recherche dans le salaire, la revalorisation de la prime d'encadrement, l'institution d'une prime de motivation pour chaque publication (travail de recherche publié dans les revues internationales indexées), l'augmentation du montant des heures supplémentaires à 50 dinars de l'heure, contre 11 dinars actuellement, alors que le montant de l'heure supplémentaire pour l'instituteur et le professeur du secondaire atteint 14 dinars, la revalorisation des primes de fonction, et l'ouverture de postes de recrutement pour les jeunes chercheurs et les docteurs au chômage.