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L'interview du dimanche avec Hédi Yahmed, écrivain et journaliste: «La repentance n'anéantit pas la source du mal»
Publié dans Le Temps le 09 - 04 - 2017

‘J'étais à Rakka, fugitif de l'Etat islamique' ou comment Hédi Yahmed a réussi son pari fou de nous rapporter l'histoire de Mohamed Fahem, ce jeune tunisien d'à peine 23 ans qui décide, en 2014, de partir vers la Syrie. Grâce à ce témoin longuement recherché, Hédi Yahmed a réussi à dresser le profil de ce terroriste qui tombe dans la désillusion de son propre rêve. Toutefois, beaucoup de questions doivent être posées ; l'auteur n'a-t-il pas eu peur de tomber dans le piège de l'apologie ? Comment a-t-il pu transmettre fidèlement le récit sans donner le doux rôle de la victime à Mohamed Fahem ? Les réponses avec notre invité de la semaine, Hédi Yahmed.
-Le Temps : Certains estiment que le fait d'utiliser des termes comme zones de conflit ou encore djihadiste au lieu de terroriste veut quelque part dire que l'on cherche à ‘couvrir' le terrorisme. Qu'en pensez-vous ?
Hédi Yahmed:La question des notions est en effet une question problématique car les concepts ne relèvent pas des sciences exactes. Toutefois, on utilise parfois le qualificatif djihadiste parce que c'est un terme précis qui décrit le phénomène ; nous sommes face à des jeunes qui utilisent et qui adoptent la notion du djihad pour exécuter des attentats. De ce fait, et lorsque nous sommes dans la description politique de la chose, on doit dire terroriste. Par contre lorsqu'on mène un travail de recherche objective du phénomène, djihadiste est le mot le plus précis. Dans mon livre, qui n'est pas un livre idéologique, j'ai essayé d'être dans la recherche et mon côté subjectif a été placé au troisième degré. Pour les concepts, la question est claire ; quand on dit djihadiste, on ne peut pas parler de dijhadiste bouddhiste ; on parle nécessairement d'un terroriste islamiste. Cependant, ceux qui sont contre ce concept disent que lorsqu'on utilise ce mot, on accorde aux concernés une certaine légitimité. Or, pour moi, le vrai problème dans cette affaire – et qui m'agace je dois l'avouer – c'est le déni qui se manifeste par ce slogan qu'on nous répète à tout bout de champ : le terrorisme n'est pas le nôtre. Ceci est faux parce que le terrorisme a une identité, une vision et une origine claire : l'islam. Après, on peut se demander si le terrorisme représente l'islam ou pas, là on peut débattre. De ce fait, quand je dis djihadiste, j'estime que c'est le terme le plus proche de la science parce qu'on est en train de décrire le phénomène. D'ailleurs, les français utilisent ce terme pour parler de ce phénomène. Le terme terroriste est un terme idéologique qui veut quelque part dire que ces individus ne sont pas musulmans.
Pour le terme zones de conflit, il faut précisé qu'il n'est pas uniquement employé pour désigner l'Iraq, la Libye ou la Syrie mais toute région du monde où Daech mène des opérations armées. Le Yémen, le Mali ou encore l'Egypte sont eux aussi concernés par cette appellation. Il est vrai que la Syrie et l'Iraq sont les premiers du podium mais les restes des régions ne sont pas exclues surtout que nous avons des Tunisiens qui se trouvent au Yémen, au Mali ou ailleurs. Les zones de conflit est un concept large qui concerne toute les régions où exerce Daech.
-On vient d'apprendre que la Commission nationale de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme est en train de préparer un programme afin de réintégrer les terroristes tunisiens qui rentrent des zones de combat. Croyez-vous en la repentance ?
Il faut tout d'abord noter que certains Tunisiens qui combattaient dans les zones de conflit sont en train de rentrer au bercail depuis 2013 ; plus de 500 Tunisiens sont rentrés entre 2013 et 2015. Ils sont rentrés pour plusieurs raisons, certains ont été blessés alors que d'autres ont dû revenir à cause de quelques engagements personnels et familiaux. Toutefois, certains d'entre eux sont rentrés parce qu'ils ont compris qu'ils avaient tort. Cette question a été posée en Tunisie avec beaucoup de retard et son apparition est intimement liée à ce qui se passe en Syrie et en Iraq où le début de la fin de Daech a commencé. Il faut aussi rappeler que la Tunisie n'est pas le seul pays concerné par ce débat puisque toutes les nations qui ont des djihadistes dans les zones de combat sont concernées.
Pour notre pays, il est légitime de poser un tel débat même si, d'après ce que je sais, ceux qui sont revenus sont très peu nombreux. Ceux qui ont quitté Daech ne veulent pas rentrer en Tunisie parce que les conditions sécuritaires ne le leur permettent pas. Ils savent qu'ils sont tracés et recherchés ici et ils évitent donc de rentrer. Ils ne le feront que lorsque la situation sécuritaire en Tunisie sera défaillante. Seule cette hypothèse peut les encourager à revenir ici. D'ailleurs, plusieurs tunisiens sont en Libye et attendent que la situation dérape pour pouvoir s'avancer sur nos sols. Certains d'entre eux planifient des attentats afin que la Tunisie devienne une terre accessible. Aujourd'hui, on craint que les individus qui se trouvent en Libye puissent accéder à ceux qui se retrouvent dans les montagnes tunisiennes ; c'est leur seule chance de pouvoir rentrer au pays. Donc, il n'existe pas d'arrivage en vague de ces terroristes. Cependant, les réactions sont des réactions politiques, compréhensibles par ailleurs, qui ne sont pas conformes à la réalité. Selon mes sources, 74 individus seulement se sont présentés, durant les trois dernières années, devant nos représentations diplomatiques en Turquie et plus de la moitié était des femmes et des enfants. Cela ne veut pas dire que la question n'est pas dangereuse et qu'il ne faut pas en parler. Si jamais nous avions une défaillance sécuritaire, nous aurons une réserve de terroristes qui n'attendent que cela. Le danger est là. Il nous faut un zéro faute au niveau sécuritaire parce que nous sommes en train de reporter un problème qui va se poser un jour ou l'autre.
-Et qu'en est-il de la repentance en tant que principe ? Existe-t-elle réellement dans cette pensée ?
Non, pas pour la ligne générale de ce phénomène. On peut, à la limite, parler d'un repentir qui s'inscrit dans le cadre d'un intérêt personnel : il s'agit de cas isolés qui ne s'inscrivent pas forcément dans le cadre d'une autocritique. La plupart de ceux qui sont revenus ne l'ont pas fait suite à une autocritique dans les règles de l'art ; ils sont là mais ils continuent à croire en le rêve d'un Etat islamique. Il s'agit tout simple d'une repentance circonstancielle. Le repentir est un concept politique, rien d'autre. Une personne ne peut pas se délaisser des idées de Daech avec une simplicité pareille. Les cellules terroristes qui sont démantelées au quotidien ne sont pas une surprise pour moi parce que je sais que cette pensée existe encore dans la conscience de la jeunesse tunisienne. Si on faisait un sondage auprès de cette même jeunesse, on se rendrait compte qu'elle est favorable au califat, pour l'application de la charia et de la pensée islamiste. On ne trouvera pas beaucoup de jeunes qui diront que la charia est une ‘mauvaise' chose. Ces mêmes jeunes qui font tout et qui croquent la vie à pleine dent en même temps. L'Etat de l'Indépendance n'a pas fait correctement son travail en ce qui concerne le progressisme. Bourguiba, père du progressisme tunisien, n'a pas fait de vrai projet progressiste qui donne un système éducatif et culturel capable de former des citoyens qui refusent le système obscurantiste. Nous avons des jeunes qui ne savent pas quel système sociétal choisir. L'incident de l'appel à la prière mixée avec de la musique dans une boîte de nuit à Hammamet en est d'ailleurs l'exemple explicite : ils se sont révoltés contre cela tout en ignorant que l'appel à la prière en soit n'est pas sacré ! Donc, quand on parle de repentir, on ne peut le faire qu'en terme politique dans le cadre d'une tactique stratégique bien déterminée. Avant de penser à démanteler les cellules, il faudrait penser à démanteler la culture de cette pensée. Le plus important n'est pas leur désarmement, il faut penser à leur enlever ces idées qui lui donnent l'envie de lever ces armes.
-La Concorde civile de l'Algérie a toutefois permis de stopper l'hémorragie.
Mettons nous d'accord sur un point : la repentance ne veut pas dire le désarmement. Il faut convaincre ceux qui se trouvent en prison à cause du terrorisme qu'ils peuvent être ce qu'ils sont sans pour autant avoir recours à la violence. Il faut que, lorsqu'ils quittent la prison, ils ne retournent pas aux montagnes ni dans les zones de conflit. Ce qu'a fait l'Algérie a eu un effet positif circonstanciel. La concorde a atteint un but politique temporaire ; aujourd'hui, les groupes armés en Algérie sont devenus peu nombreux et faibles. Mais si jamais une révolution éclatait là-bas, ceux qui étaient armés, redeviendront ce qu'ils ont été parce que leur repenti était politique et non pas culturel. Aujourd'hui, l'islamisation de la société algérienne est claire ; la régression de la société est nette parce que les idées de ces groupes ont fini par remporter la bataille. Ils ont certes perdu la guerre du terrain mais ils ont gagné la société qui s'est islamisée. Ceci s'applique aussi chez nous. Au niveau de la tactique, je suis pour que l'on convainque ces jeunes de renoncer à la violence mais si on veut vraiment sauver la société de cette pensée, il faut travailler sur le système éducatif et culturel. Ces mouvances islamistes ne sont certes pas Daech mais cela reste des mouvances conservatrices qui font régresser la société. La question de la repentance, si on vise l'effet immédiat, est positive mais elle n'anéantit la source du mal.
-Vous parlez de l'importance du travail éducatif et culturel alors qu'en Tunisie nous avons un parti légal qui prône les valeurs islamistes...
Ce parti (Ettahrrir) n' a pas la popularité dont parlent certains. Toutefois, les concepts qu'ils prônent le sont chers à notre jeunesse. Puisque nous avons une Constitution qui évoque l'Etat civil et où la République est le système sacré et que, en même temps Ettahrrir continue d'exercer, on ne peut omettre le laxisme gouvernemental dans cette affaire. Dans tous les pays démocratiques européens, lorsqu'un parti annonce son opposition aux valeurs sacrées de la démocratie, la justice fait son travail. A un certain moment, on pensait que le gouvernement avait agit contre ce parti mais on s'est rendu compte que, finalement, il n'en était rien. C'est à se demander si le gouvernement se soumet aux volontés du mouvement d'Ennadha ou s'il pense tout simplement qu'il vaut mieux laisser ce parti travailler au grand jour pour pouvoir continuer à le contrôler. Mais, au final, puisque nous sommes dans un Etat de droit, je pense que le minimum c'est que ce même Etat porte plainte contre Ettahrrir qui porte atteinte à des concepts acceptés et adoptés par la majorité de ce peuple.
Pour combattre ce parti ou toute autre mouvance pareille, je reviens toujours au travail et aux efforts culturels et éducatifs ; tant que ces concepts sont toujours sacrés, on cohabitera toujours avec ce virus pendant de longues années parce que la source du problème est toujours là. Lorsqu'on parle de la réforme éducative, on se demande si cette réforme compte comprendre la révision du système qui encourage l'extrémisme religieux ? Je ne le pense pas parce que dans le cadre du consensus, il y a des questions qui demeurent intouchables.
-Est-ce Mohamed Fahem peut résumer le profil du terroriste tunisien ?
Le terroriste tunisien est un jeune qui est né, en général, dans les années 80-90. La classe sociale ne se soumet pas à un critère précis ; il peut être issu d'une banlieue populaire comme d'un quartier chic. Je préfère parler du terroriste tout court parce que, au-delà des nationalités, ils ont tous quelque chose en commun. On peut bien évidemment parlé de particularité tunisienne. Pour le cas de Mohamed Fahem, et contrairement aux terroristes de la Libye ou de l'Arabie saoudite, il est né dans un pays qui est en progrès par rapport aux autres pays arabes au niveau des libertés. Il fait partie d'une condition aisée, il n'a pas de culture religieuse importante comme tous les autres mais il a été élevé sur des bases religieuses et sur la sacralité de l'affaire palestinienne. J'évoque la question de comment le djihad de Palestine s'est transformé en djihad en Syrie. En Tunisie, et lorsqu'on évoque la question de la Palestine, on aurait l'impression qu'on parle d'un dossier interne. Cette affaire a pris des dimensions importantes chez nous et je pense que cela a parmi les raisons qui encouragent nos jeunes à partir au djihad. A côté, nous avons aussi la notion de la victimisation qui encourage à l'intégration aux combats étrangers au Moyen-Orient et à la pensée extrémiste. Le jeune tunisien a toujours été chargé de porter les maux, les affaires des autres pays. Par ailleurs, ce même jeune porte en lui la sacralité des concepts religieux ; il vit son époque mais cache la culture du passé qui reste intouchable et sacrée (on revient à l'exemple de la boîte de nuit). Le terroriste tunisien est classé en Iraq et en Syrie comme étant le plus sanguinaire de tous et ceci a une explication psychique: en cohabitant avec les autres djihadistes, le Tunisien ressent le besoin de démontrer aux autres qu'il n'est pas moins musulman qu'eux s'il vient du pays du progrès et de l'ouverture. Il doit prouver qu'en tant que Tunisien, il n'est pas moins jaloux de sa religion qu'eux et s'inscrit donc dans un côté sanguinaire sans pareil. Ils ont besoin de rejeter les accusations de Bourguiba et du progrès. Ceci est le portrait du terroriste tunisien entre le social, le culturel et le psychique.
-Comment vous est venue l'idée de ce livre ? N'avez-vous pas eu peur d'être accusé de plaider la cause de ces individus ?
Après mon premier livre ‘Sous la bannière du vautour', j'étais sûr que j'allais vers un tome 2 pour continuer à parler des périples des jeunes tunisiens vers le terrorisme. En 2014, on parlait déjà du phénomène tunisien à l'intérieur de ces mouvances. De là, j'ai commencé mes recherches et mes interviews ; un travail de recherche classique qui a fini par me déranger après avoir compris qu'il me fallait absolument une entrevue avec l'un des revenants. Mais, sur le coup, je me suis dit que cela était impossible. Par la suite, j'ai compris qu'il existait un grand conflit au sein même de Daech. De là, il m'est venu l'idée d'aller en Turquie où se trouvaient des djihadistes tunisiens qui fuyaient Daech ; rencontrer des personnes qui en voulaient à Daech dans un terrain accessible. J'ai voyagé plusieurs fois là-bas et après de longues recherches et rencontres, j'ai enfin rencontré celui que je cherchais. Au début, la communication avec lui était très difficile. Après un mois à peu près, il a fini par me révéler son identité. C'était acquis, j'ai réussi à établir une sorte de confiance avec lui. C'est là que je lui ai proposé l'idée du livre et le livre s'est inversé ; ma recherche est devenue une simple complémentarité à l'histoire de Mohamed Fahem.
Je me suis demandé si j'allais raconter traditionnellement la biographie de ce jeune, ce qui risquait de compromettre mon objectif et c'est là qu'est venue l'idée de l'autobiographie. Avec cette idée, est survenu le risque de lui donner la position privilégiée de la victime. Le style et la manière de présenter allait faire toute la différence. Je suis présent dans le livre indirectement, parfois, je joue sur les pronoms. Dans l'un des chapitres, je lui ai fait une sorte de procès en le faisant parler. Parler de lui même. Je ne suis pas tombé dans l'apologie. Mohamed est le héros du roman, il n'est pas le héros tout court. Il a lapidé une femme, il a coupé la main d'un voleur. J'ai transmis la réalité de Daech dans sa forme réelle. Ce n'était pas simple, la composition linguistique du livre est un défi. Le lecteur va retenir le cursus d'un jeune tunisien et verra toutes les étapes qu'il a confrontées. Le côté de la recherche indirecte sur les raisons qui amènent un jeune tunisien à devenir terroriste. Je le dis dans l'introduction du livre ; c'est un terroriste, je ne le blanchis pas, mais je cherche les autres bourreaux.


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