Les cimaises de la Galerie Saladin, Sidi Bou Saïd, portent depuis le 15 avril, plus d'une cinquantaine d'œuvres d'Amor Ben Mahmoud, artiste prolifique décédé en 2009. « Une telle exposition, nous déclara Ridha Souabni, maitre de céans, vise à donner à l'artiste sa juste valeur, c'est une occasion offerte aux jeunes et aux moins jeunes et même aux artistes d'aujourd'hui de remémorer les œuvres immortelles de Ben Mahmoud. Cette exposition a une valeur plus culturelle que lucrative, de par la valeur et l'importance des ouvrages exposés qui marquent une époque riche de l'histoire des arts en Tunisie, pourtant restés inconnus... » Cette exposition, intitulée « Aquarelles », se poursuit jusqu'à la fin du mois, nous permet de (re)découvrir les plus belles aquarelles exécutées par l'artiste feu Amor Ben Mahmoud qui passe pour un grand maitre en la matière. En effet, par rapport aux autres procédés de peinture, l'aquarelle reste certainement le procédé le plus difficile à maîtriser et contrôler. Car ni rattrapages ni retouches ne sont permis du fait même du séchage et du support qui absorbe et retient la matière utilisée, c'est pourquoi le résultat est parfois aléatoire du fait de la migration incontrôlable des pigments sur le support, d'où certaines incertitudes ou anomalies au niveau de l'objet peint. Mais même ces incertitudes et ces anomalies donnent parfois à l'œuvre plus de véracité, de naturel et d'attrait ! Il est de l'avis de tous que l'aquarelle est une discipline difficile qui n'est pas accessible à tout le monde, celle qui faisait dire à Molière combien l'aquarelle est « pressante et sans complaisance » et qu'« aux erreurs d'un pinceau, elle ne fait aucune grâce ». A part les rares tableaux de peinture à huile ou de dessin, la quasi-totalité des tableaux sont des aquarelles qui font dégager ce jeu de couleurs, de lumières et de reflets, on voit des aquarelles qui mettent en scène trois thèmes majeurs : les chevaux, les marines et les femmes. Des ouvrages traitant de la mer où l'on voit ces bateaux toujours omniprésents sur une eau tantôt calme tantôt agitée, selon que les couleurs sont claires et gaies ou sombres et ombreuses. Le ciel est en général nuageux, mais lumineux et coloré, avec beaucoup de tons jaunes et bleus. Le mouvement des taches du pinceau révèle souvent celui du vent marin qui se montre doux, fort ou modéré ! D'un autre côté, on voit ces tableaux de chevaux, minutieusement peints, qui font voir leur maintien et leur allure, si bien qu'on penserait à de véritables sculptures. Quant aux tableaux représentant le nu, il s'agit de portraits de femmes nues, montrées de derrière ou de profil, en diverses postures, qui suggèrent aussi bien la beauté féminine que l'épanouissement et la liberté du corps féminin, loin de toute provocation. Des toiles qui révèlent avec exactitude une élégance exquise et une technique fort avancée. Les différentes aquarelles exposées nous montrent le génie créateur de l'artiste. La symétrie des plans et la délicatesse de l'exécution laissent deviner le mouvement intrinsèque du tableau. La fluidité de l'aquarelle rend la toile quasi vivante si bien qu'on pourrait voir les objets bouger sous le miroitement de la lumière. De cet ensemble se dégage un sentiment de calme et de sérénité naturelle. Amor Ben Mahmoud est décédé en 2009, à l'âge de 71 ans. Natif de Kairouan, il a fait ses études de Beaux Arts à Tunis avant de s'envoler pour la France où il a intégré l'Ecole nationale supérieure des Beaux Arts de Paris entre 1958 et 1966. Il avait enseigné à l'Institut supérieur des Beaux Arts de Tunis (ISBAT) entre 1966 et 1999. Membre de l'Ecole de Tunis, il a durant sa carrière artistique, organisé plusieurs expositions, personnelles et de groupe, notamment à Tunis, Kairouan et Paris. Amor Ben Mahmoud était également un grand sculpteur. Outre sa collaboration à la réalisation de la statue d'Ibn Khaldoun, il a signé plusieurs autres œuvres dont la statue du monument des martyrs de Séjoumi, la statue « Les trois sirènes » à Hammamet, « le potier de Nabeul » et la sculpture monumentale de Hammamet Sud.