Le secrétaire général de la Fédération Générale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (FGESRS), Hassine Boujarra, accuse le ministre de l'Enseignement supérieur, Slim Khalbous, d'avoir des arrière-pensées politiques et de poursuivre la même démarche initiée par l'ancien ministre nahdhaoui feu Moncef Ben Salem. Il estime dans ce cadre que son dernier décret relatif aux élections des directeurs, doyens et présidents des Universités ainsi que des membres des instances pédagogiques risque de transformer l'Université en un espace de luttes partisanes. Entretien Le Temps: Pourquoi vous fustigez le nouveau décret relatif aux élections des directeurs, doyens et présidents des Universités ainsi que des membres des instances pédagogiques qui est pourtant, selon le ministère, le fruit de plusieurs mois de négociations avec les conseils des Universités et les syndicats ? Hassine Boujarra: Peu après la prise des fonctions de l'actuel ministre, nous nous sommes mis d'accord sur la formation d'une commission mixte ayant pour mission de revoir le décret qui régit les élections des dirigeants des Universités et des instances pédagogiques et académiques. Cette commission a été mise sur pied rapidement. Il ne s'est cependant jamais réunie. Fin mai, nous avons été surpris par la publication d'un nouveau décret amendé qui a été immédiatement rejeté par le Conseil des Universités, la FGESRS et les présidents des Universités, à l'exception du président de l'Université de Sousse. Quels sont vos principaux griefs contre ce décret ? Le décret comprend plusieurs incohérences et irrégularités. Il permet en effet aux chefs de départements de participer au vote lors de l'élection du directeur et du doyen. Or, les chefs de département ne bénéficient que d'une légitimité électorale très réduite parce qu'ils ne sont élus que par les membres de ce département, dont le nombre de ces membres dépasse pas une dizaine dans certains cas alors que les membres des conseils scientifiques sont élus par l'ensemble des enseignants permanents, toutes catégories confondues. D'autre part, les chefs de départements exécutent plutôt des tâches administratives La participation des chefs de départements au vote rend aussi quasi-impossible le retrait de confiance au directeur ou au doyen puisque cette procédure visant à rompre avec la gestion unilatérale de l'Université nécessitera désormais le feu vert des deux tiers (2/3) des membres des conseils scientifiques et des chefs de départements. D'autre part, le décret prévoit le recours au scrutin uninominal pour l'élection du doyen ou du directeur de chaque établissement universitaire et au mode de scrutin de liste pour l'élection du président de chaque université et de ses deux adjoints. Et c'est là que le bât blesse. En effet, le mode de scrutin de liste risque de transformer l'Université en un espace de luttes partisanes. Cela nous conduit à dire que l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur semble avoir des arrière-pensées politiques et qu'il est en train de poursuivre la même démarche initiée par l'ancien ministre nahdhaoui feu Moncef Ben Salem. Où en est la réforme de l'enseignement supérieur actuellement ? Ce vaste chantier avance à reculons. Avant la prise de fonctions de l'actuel ministre, il y avait des commissions chargées d'élaborer cette réforme ô combien importantes au niveau des établissements et des Universités ainsi qu'une commission nationale Ces diverses commissions, dont cette centrale, étaient tripartites, c'est-à-dire qu'elles regroupaient des représentants du ministère de la FGESRS et des instances pédagogiques. Mais l'actuel ministre a préféré renoncé à cette démarche qui s'articule autour d'une réforme émanant de la base. En lieu et places des commissions précitées, il a mis sur pied dix commissions nationales dirigées par des présidents d'Universités et comprenant un représentant de notre syndicat. Nous avons alors longuement refusé cette approche avant d'accepter de siéger au sein de ces nouvelles commissions malgré nos multiples réserves. Mais l'actuel ministre a même refusé d'appliquer les mesures urgentes convenues, et particulièrement celle relative à l'allègement des examens, qui était à la fois une revendication des professeurs et des étudiants. Récemment, le ministre a annoncé la tenue des assises nationales de la réforme de l'enseignement supérieur en juillet prochain, indiquant que la mise en œuvre de cette réforme qui s'articule autour de cinq axes (la formation universitaire, l'employabilité, les ressources humaines, la gouvernance, la recherche et l'innovation) aura lieu durant la prochaine année universitaire. La Fédération estime cependant qu'il s'agit là d'une démarche erronée puisqu'une réforme de cette ampleur devrait être appliquée sur plusieurs années. Certaines nouvelles mesures pourraient certes être appliquées sur le court termes, mais d'autres ne peuvent appliqués que sur le moyen ou le long terme. Et c'est pour cette raison que la FGESRS a appelé au report des assises nationales de la réforme de l'enseignement supérieur afin d'approfondir le débat sur l'ensemble des axes de ma réforme. Le ministère accuse la Fédération de se livrer à des surenchères en lançant des mots d'ordre de boycott des soutenances des projets de fin d'études (PFE) et de rétention des notes pour les professeurs agrégés de l'enseignement supérieur. Qu'en est-il au juste ? Le maintien du mot d'ordre de boycott des soutenances des projets de fin d'études s'explique par le revirement surprenant du ministre. A l'heure où l'en croyait que ce dossier était proche de son épilogue, le ministre a annoncé récemment que l'accord conclu avec la FGESRS à ce sujet ne sera appliqué que durant la prochaine année universitaire. C'est une aberration. Certains enseignants n'ont pas été rémunérés pour leurs activités d'encadrement des projets de fin d'études depuis 2013 ! D'autre part, le recours à la rétention des notes par les agrégés s'explique par le non-versement de l'indemnité relative à la promotion obtenue par cette catégorie d'enseignants depuis l'été 2016. Un accord relatif au versement de cette indemnité a été conclu avec le ministère suite à un rassemblement organisé en janvier dernier. Mais cet accord n'a pas été appliqué. Et face à cet atermoiement, nous avons maintenu notre mot d'ordre relatif à la rétention des notes.