Le baccalauréat a-t-il perdu de sa splendeur au fil du temps ? C'est ce qu'on serait tenté de croire près de 126 ans après l'instauration, en Tunisie, de ce diplôme national indispensable pour accéder à l'enseignement supérieur. Mais il a fallu d'un petit tour du côté de deux lycées de l'Ariana et du Bardo et de quelques questions posées aux candidats et à leurs proches pour s'apercevoir qu'il n'en est rien. Même stress, même ferveur, mêmes appréhensions, même suspense et presque mêmes rituels. Il est clair que le bac demeure une étape importante et un moment clé dans la vie des familles tunisiennes et pour preuve ! Mercredi, près de 130.000 élèves tunisiens ont passé la première épreuve du baccalauréat pour l'année 2017. Au menu, de la philosophie, matière redoutée surtout par les littéraires. Hier, les choses ont commencé à se corser pour le reste des filières et les avis ont divergé sur les examens, certains élèves les jugeant faciles, d'autres moins, beaucoup moins. Le matin, avant d'entrer dans l'enceinte du lycée, nombreux sont ceux qui se sont rassemblés tôt pour papoter, s'encourager mutuellement, raconter des blagues et reparler de l'examen d'hier. Ici et là, les prédictions fusaient de partout et les pronostics allaient bon train. Les sujets d'examen comporteront quelles parties du programme ? Sera-t-il à la portée ? A-t-on bien révisé ? Plus que quelques minutes et toutes ces questions s'estomperont pour céder la place à la concentration mais en attendant, les élèves piétinaient d'impatience, à l'instar de Kenza qui ne tenait pas en place. Elle confie : « Depuis quelques jours, j'ai un fou rire contagieux en plus d'une boule au ventre. Je pense que c'est nerveux. A chaque fois que je pense que je passe le bac, je me mets à rire et je n'arrive pas à m'arrêter. C'est comme si je n'y croyais pas trop. Heureusement que je ne me suis pas mise à rire dans la classe lors de l'examen. Ca m'aurait trop embarrassée. Vivement la fin des épreuves pour que je puisse enfin retrouver mon état normal à moins que je ne sois trop angoissée en attendant le résultat. ». Moahmed Amine raconte ses péripéties gourmandes avant le démarrage des épreuves du bac. Il rapporte : « Lors de la période de révision, j'ai grossi comme jamais. Dès que je me réveillais le matin, ma mère commençait son ballet de va-et-vient, un plateau de nourriture à la main. Ca durait jusqu'à une heure tardive de la nuit. A la fin, je n'en pouvais plus. J'ai eu beau supplier ma mère d'arrêter de me goinfrer, rien n'y a fait. Concernant ramadan, elle n'a rien voulu savoir. Elle m'a interdit de jeûner et hier comme aujourd'hui, quand j'ai refusé de goûter aux délices qu'elle m'a préparés de bon matin pour le petit-déjeuner, elle s'est mise à pleurer. » Quant à Majdi, il raconte sourire aux lèvres, comment sa mère l'a réveillée tôt ce matin et lui a fait réciter des sourates de coran. Au shour, elle lui a apporté une petite bouteille d'eau de zimzim qu'elle garde précieusement depuis trois mois et lui a demandé d'en boire et de faire le vœu de réussir brillamment. Elle lui a également donné trois dattes à manger, fruit préféré du prophète lui a-t-elle affirmé. Sur le chemin du lycée, son père qui, d'habitude écoute les informations à la radio, a mis un CD de coran. Mejdi s'est amusé de cette démonstration de piété éphémère de la part de ses parents mais comprend tout à fait leurs inquiétudes et leur besoin de se rapprocher de Dieu en pareilles situations. Angoisse des parents Les parents restés dehors, formaient eux aussi de petits groupes. Dalila, venue accompagner sa fille, n'a quitté les lieux qu'après 8h30. Elle raconte « Saoussen est mon aînée et c'est la première fois que je ressens une telle émotion. En attendant midi, je ne sais que faire pour passer le temps. D'ailleurs, je ne peux me concentrer sur rien. Ma tête est ailleurs et mon cœur aussi. C'est dur !» Zeineb est elle aussi la maman d'un candidat au bac : «Mon fils a toujours eu de bonnes notes mais avec ça, je ressens une peur immense. Depuis le début des épreuves, je n'ai pas réussi à fermer l'œil. J'ai l'impression que les minutes sont des heures tellement elles sont longues. Le pire, c'est que je sais que je ne serai soulagée que lorsque je connaîtrai le résultat de mon fils. » Thouraya, quant à elle, ne partage pas les préoccupations des deux autres mamans. Pour elle, le succès de son fils est garanti mais ce qui l'angoisse, elle, c'est la moyenne et la mention. Elle explique : « De nos jours, il ne suffit plus de réussir le bac encore faut-il obtenir une excellente moyenne pour pouvoir suivre les études de son choix. Je vois très mal mon fils suivre des études qu'il n'aime pas. C'est l'échec assuré. S'il obtient une très bonne moyenne, il pourra choisir et pourquoi pas obtenir une bourse pour l'étranger. » Les papas ne sont pas en reste des inquiétudes mais plus pudiques, ils refusent bien souvent de montrer leurs émotions. Mais au delà de leurs trop nombreux silences et de leur réserve habituelle, ce sont des pères attentifs, angoissés et impatients de voir leur progéniture réussir au baccalauréat et faire leurs premiers pas dans la vie d'adultes.