« Le Temps » a rencontré Mohamed Challouf, qui vient d'être nommé récemment Conseiller artistique à la Cinémathèque tunisienne, chargé des relations extérieures avec entre autres organismes : la Fédération internationale des archives de films (FIAF), de ses adhérents et des archives du cinéma du monde entier. La cinémathèque tunisienne, cette institution tant et tant attendue, qui a failli rester au stade d'un projet imaginaire et illusoire, démarrera en son local au sein de la Cité de la Culture, à Tunis, qui ouvrira, comme annoncé officiellement, en avril 2018. Interview avec un agitateur culturel, un grand passionné de l'histoire du cinéma et de ses archives, particulièrement celles en relation avec le cinéma tunisien, arabe et africain. .Qu'est-ce qu'il faudrait entreprendre pour sauver nos trésors d'images qui circulent à travers le monde aujourd'hui ? -Ayant été nommé Conseiller artistique, chargé des relations extérieures à la Cinémathèque tunisienne, dont Hichem Ben Ammar en a été nommé directeur, je participe à la 31è édition du festival international de Bologne, en Italie, « Il cinema ritrovato », (Le cinéma retrouvé) qui a lieu du 24 juin au 2 juillet 2017. C'est le plus grand festival au monde où sont présentées les dernières restaurations de films du monde entier, de l'Australie, à la Nouvelle Zélande, à l'Amérique latine... Bologne dispose d'une grande cinémathèque, ainsi que d'un grand laboratoire de restauration et de numérisation des films. Elle a restauré des films arabes et africains, comme : « Transes », d'Ahmed Mâanouni, « Touki Bouki », de Djibril Diop Mambety, « La Momie », de Chadi Abdesselem. Il y'a d'ailleurs plusieurs films qui revoient la lumière et retournent chez eux. Et comme on a retrouvé et projeté l'année dernière à Sousse, dans le cadre du « Cinéma au Musée », 13 courts-métrages inédits réalisés par des opérateurs français durant la colonisation, cela se poursuit avec la Cinémathèque de Milan qui a retrouvé cette année deux films réalisés par des anonymes sur la vie en Tunisie : le premier datant de 1920 et le second de 1940. C'est une occasion d'élargir les horizons pour rencontrer les responsables des archives de Gaumont et de Pathé, pour nouer des rapports de collaboration pour rapatrier des images de la Tunisie, signer plus tard des conventions de coopération qui concerneront le matériel adéquat pour pouvoir enrichir le futur musée de la cinémathèque tunisienne et celle de l'éducation à l'image auprès des enfants. Un travail énorme qui va être entrepris avec le ministère de l'Education. Les cinémathèques de Bologne et celle de Lisbonne, par exemple, ont beaucoup d'expérience en matière de restauration des films. Et qu'est-ce qui est entrepris concrètement ? C'est également l'occasion de poursuivre le travail de restauration de nos films, comme le premier long-métrage de Nacer Khémir : « Les baliseurs du désert » qui a été restauré l'année dernière grâce à une rencontre lors d' « Il cinema ritrovato », à Bologne. La Cinémathèque de Lisbonne est intéressée à nous aider à restaurer et à numériser le patrimoine de nos films en noir et blanc. Ils ont d'ailleurs un laboratoire de pointe pour cela. Nous avons déjà des accords pour restaurer « L'homme de cendres », « Les sabots en or » de Nouri Bouzid et des courts-métrages qui ont été réalisés sur les JCC. Une cinémathèque, ce n'est pas seulement des salles de projection de films. C'est tout un concept de préservation et de restauration de films et un lieu de rencontre des cinéphiles et des chercheurs qui y trouveront des scénarios, des affiches...Un lieu qui n'aura rien à envier aux cinémathèques du monde. Nous allons essayer de récupérer le négatif d' « Une si simple histoire », le premier long-métrage d'Abdellatif Ben Ammar, auprès des parties espagnoles. Car la copie qui existe est en très mauvais état. .Nous avons également perdu beaucoup d'années pour enfin arriver à créer concrètement notre cinémathèque. Qu'en pensez-vous ? -Il y'a eu, certes, des conjonctures exceptionnelles durant une longue période. Mais après la révolution, tous les partenaires que j'ai rencontrés qu'ils soient de Bruxelles, de Bologne ou de Lisbonne ont la main tendue vers la Tunisie. Ils attendent qu'on avance dans notre projet pour nous donner un coup de main. Car le patrimoine filmique de la Tunisie appartient au patrimoine universel. Pourriez-vous, d'un autre côté, nous dévoiler un peu le programme du « Cinéma au Musée » de cette année ? Nous avons un concept pour chaque session. C'st à dire un hommage à une cinémathèque du monde. Cette année ce sera le tour de la Cinémathèque de Milan puisqu'elle fête ses soixante dix ans. La ville de Sousse, ma ville natale, va recevoir la ville de Milan qui m'a adopté durant trente années. Deux soirées lui seront consacrées avec la projection du film « La valise des rêves » de Luigi Comencini qui a fondé cette cinémathèque. Et à part les ciné-concerts, le public aura droit à la projection d'un film sur la Tunisie réalisé en 1920 et intitulé : « Us et coutumes de la Tunisie » et un film sur les potiers de Tunisie, datent de 1940.