Sommes-nous au bout de nos peines avec cette interférence permanente entre le politique et le religieux depuis bientôt un demi-siècle, aggravée avec la prise du pouvoir par les islamistes fin 2011 fin 2014, et la nostalgie de « l'Etat charaïque » où rien ne bouge et où les « muftis » sont acculés à gérer les affaires courantes, le Haj et le Croissant du Ramadan ! La race des « ulémas » réformistes et de « l'Ijtihad » et de l'adaptation des textes sacrés et du culte, en général, à l'évolution des temps modernes, est en voie d'extinction et de disparition, depuis pratiquement la fin du 19ème siècle, où les Mohamed Abdou, Beyram V, les cheikhs Salem Bouhajeb et autre Mohamed Essenoussi, se projetaient à l'avant-garde du réformisme musulman et la vraie « Nahdha » traduite par «Renaissance». Depuis la fin de la 2ème Guerre mondiale et surtout les défaites successives du nationalisme arabe face à Israël, avec le pic de 1967, la modernisation a entamé un cycle dépressif de déclassement et la montée du « salafisme » frères musulmans, ainsi que ses dérives jihadistes, dont El Qaïda, puis l'innommable Daësh. Encouragé par les Occidentaux et à leur tête les Etats-Unis d'Amérique, le salafisme a fini par accommoder tout le monde et en premier lieu servir les intérêts israéliens, à démembrer l'Irak, la Syrie et la Libye, jugés, les irréductibles portes étendards du Nationalisme arabe opposé à un arrangement définitif avec l'Etat hébreu. Le Kémalisme en perte de vitesse en Turquie, a fait le reste, et le Qatar a financé le gros de la mobilisation et de l'endoctrinement idéologique salafiste. Vous me direz et le Wahabisme saoudien ?!? Certes, il a financé et soutenu l'implantation en Europe et un peu partout dans le monde des mosquées et des « centres culturels islamiques », avec une pénétration évidente du discours rigoureux wahabite, mais sans les objectifs d'islamisation politique radicale. D'ailleurs, en Tunisie, l'Arabie Saoudite, s'est toujours gardée, depuis Bourguiba, d'intervenir dans les affaires tunisiennes et le financement de mosquées passait toujours par le canal officiel et les rouages appropriés de l'Etat tunisien. Ce qui n'est pas le cas du « parallèle », au grand jour des financements presque occultes par le Qatar de Partis et d'associations bien ciblés ! Idem pour la Turquie qui a fermé les yeux (question de non assujettissement des Tunisiens au visa turque) sur le passage par ses frontières de plus de 12 000 jihadistes qui ont rejoint les organisations terroristes Daesh et Jebhat Ennosra, en Syrie. Mais passons ! Tout cela pour dire que la résistance tunisienne a été très farouche du côté de la société civile, des femmes tunisiennes libres (Hraïer Tounès) et des élites bourguibiennes, contre toutes les phalanges salafistes, alors que les pouvoirs troïkistes, en laissant faire, ont lâché la modernisation, ce qui a failli opérer un véritable désastre culturel et identitaire en Tunisie, promise à la tutelle des « frères musulmans » locaux et d'Egypte. Pour cette dernière et à tout seigneur tout honneur, le gourou grande gueule Wajdi Ghoneïm, reçu en fanfare et honneurs en nouveau conquérant de l'Ifriquiya (Tunisie) du temps de la Troïka vient de se faire rappeler aux bons (sic) souvenirs des Tunisiennes et Tunisiens, en déclarant la guerre salafiste -frères musulmans, au modèle sociétal tunisien pour lui « mécréant » parce que féministe et libéral au regard de la pratique religieuse et de cet Islam spécifique tunisien absolument introuvable dans cette mare de l'obscurantisme oriental, et toujours intouchable parce que les Tunisiens dans leur immense majorité y sont attachés, y compris, au sommet de l'Etat. Cette voix « montarbique » de ce gourou résidu du temps des cavernes, nous promet « l'enfer », comme tous ces adeptes parmi quelques imams obscurantistes, hors la loi. Mais, la Tunisie éclairée, veille. Elle est vivante et loin d'être morte et ce discours « frères musulmans » des ténèbres ne passera pas au pays d'Ibn Khaldoun, d'Hannibal et de Bourguiba. Mais, un peuple averti en vaut deux. La vigilance doit être de mise et constante contre l'amalgame, la haine et la « fitna ». Et la meilleure thérapie, c'est l'unité nationale pour préserver ce petit paradis, qu'est la Tunisie millénaire, bleue et blanche, malgré ses faibles moyens et la crise économique conjoncturelle où tout le monde trouve sa place dans le respect de la liberté et des lois. Mon dernier mot va aux islamistes et surtout aux cadres d'Ennahdha qui a fait un pas en renonçant au prédicationnel mais qui hésite à aller de l'avant vers un parti civil et démocratique véritable : « Méfiez-vous des Wajdi Ghoneïm et de la race des prédateurs de l'obscurantisme qui veulent dénaturer l'Islam et en faire une religion de contrainte qui ne promet aux humains, tous confondus, de l'enfer ! L'Islam est religion de bonheur, de solidarité et de liberté. Libérez l'Islam... de l'Islam politique, et faites la politique sans détours en politiciens et des programmes économiques, culturels, sociaux et sportifs et non en imams salafistes déguisés pour imposer aux Tunisiennes et aux Tunisiens un « Etat charaïque » du Moyen-âge. Votre modèle ne doit pas être la Turquie erdoganienne mais l'Allemagne d'Angela Merkel. A ce propos la chancelière allemande, fille d'un pasteur chrétien et présidente de la CDU, parti démocrate chrétien, n'a pas élu domicile et siège « politique » dans les églises (et les mosquées), mais, au cœur de l'économie et de la société allemandes, libérales et progressistes » ! Par conséquent, l'heure des grands choix a sonné pour vous aussi. Nos islamistes doivent choisir entre l'Etat salafiste religieux et totalitaire, ou l'Etat civil et démocratique où la religion est vécue en toute liberté par des citoyens réconciliés avec Dieu et l'Islam. Oui, l'Islam de nos ancêtres... qui n'ont jamais porté du « Noir » ! K.G