La Commission technique du Dialogue sociétal autour des politiques et des stratégies nationales de la santé a récemment organisé, au Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs (CAPJC), un atelier de sensibilisation et d'information au profit des représentants de médias afin de faire un état des lieux sur les avancées de ce programme national, énoncer ses principaux axes et présenter les étapes à venir. Bien que le sujet soit crucial et le secteur de la santé vital, très peu de présents ce jour là. Est-ce par manque d'intérêt ou bien les Tunisiens, journalistes y compris, sont-ils lassés des pourparlers et n'accordent plus confiance qu'aux initiatives concrètes ? Suranné et manquant de ressources, le secteur de la santé en Tunisie souffre de nombreux maux et nécessite une intervention d'urgence. Ceci n'est pas un jeu de mots mais un constat réel et avéré fait par des experts. Pour confirmer ce diagnostic, il suffit de jeter un coup d'œil du côté des hôpitaux et plus particulièrement ceux des régions qui manquent cruellement de matériel et bien souvent de personnel et notamment de médecins spécialistes, de s'enquérir du montant des dettes monstres de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) accumulées au fil des années et qui culmine à 1576 millions de dinars auprès des prestataires de soins, de sonder les chiffres alarmants du boom migratoire chez les médecins ou encore d'interroger les citoyens qui ne vont plus se soigner ou qui optent pour l'automédication anarchique à cause des délais d'attente ou encore de la cherté des soins et des médicaments, même s'ils sont affiliés à la CNAM. A ce sujet, il faut savoir que 8 à 10% des Tunisiens ne disposent pas de couverture sociale. Un taux catastrophique de dépenses Par ailleurs, les paiements directs des ménages en dépenses sanitaires et soins médicaux sont actuellement de l'ordre de 36,6% contre 42,5% en 2005. Même si la Tunisie a enregistré une avancée, ce taux est au-dessus de 20% et, par conséquent, est donc considéré par l'OMS comme catastrophique. Selon la définition de l'OMS, les dépenses de santé sont dites catastrophiques lorsque, pour payer les soins, les malades ou leurs ménages doivent s'acquitter d'une participation financière très élevée par rapport à leurs revenus. Celle-ci est si importante qu'ils doivent réduire leurs dépenses sur les produits de première nécessité comme la nourriture et les vêtements ou qu'ils n'ont plus de quoi payer la scolarité de leurs enfants. A noter également que les conséquences de ces paiements directs par les citoyens ne se limitent pas aux dépenses catastrophiques. Beaucoup renoncent à recourir aux services médicaux tout simplement parce que le coût direct (consultations, médicaments, analyses de laboratoire) ou indirect (transports, alimentation spéciale) est trop élevé pour eux. Autre problème qui mine le secteur de la santé depuis quelques années, la discontinuité politique. En effet, depuis la révolution de 2011, neuf ministres se sont succédé à ce poste, dont certains n'ont officié que pendant quelques mois voire quelques jours. Assurément, cette discontinuité n'a pas été pour aider les responsables à bien connaître et maîtriser leurs dossiers et à favoriser la mise en place de réformes pérennes et efficaces. Par ailleurs, les tiraillements politiques, la grogne syndicaliste et les multiples grèves à différentes échelles dans ce secteur n'ont pas simplifié la donne, compliquant davantage la situation. Le résultat ne s'est donc pas fait attendre. Un secteur à bout de souffle et au bord de l'agonie menacé d'une réelle catastrophe s'il est abandonné à son sort. Uns stratégie globale, pérenne et plurielle C'est justement pour insuffler une bonne dose d'oxygène au secteur de la santé et le sauver que le dialogue sociétal a été initié en 2012. Articulé autour de 3 phases et de huit volets, il vise à engager une stratégie pour définir les contours d'une politique de santé efficace et avantageuse pour tous, valable jusqu'en 2030. La première phase a consisté à engager une réflexion de fond pluripartite et un débat public, selon une démarche participative et inclusive, autour de cette question cruciale: Comment le système de la santé pourrait-il promouvoir et développer les conditions pour un accès égalitaire au droit à la santé ? Pour ce faire, le comité exécutif a organisé des rencontres avec plusieurs intervenants, à savoir les décideurs, les professionnels du secteur médical, les syndicats, la société civile et les citoyens. Il a également pu compter sur l'appui technique et financier de L'OMS, qui a appuyé techniquement et financièrement cette initiative, a été largement mise à contribution tout au long de ce processus comme en témoigne Yves Souteyrand, représentant de l'Organisation en Tunisie. Il déclare à ce propos: "L'OMS accompagne, depuis le début, le dialogue sociétal qui s'appuie sur l'implication de l'ensemble des parties prenantes et de la population pour mener à une prise de position en matière de politique. L'expérience tunisienne, qui est l'une des pionnières au monde, est connue, reconnue et appréciée à l'international, car elle s'accompagne d'un processus de consultation et d'implication pluriel et qui tient concrètement compte de l'avis, des attentes et des besoins de la population. C'est important car les citoyens ont leur propre perception des services de santé et, donc, leur confiance dans le système va dépendre de la prise en compte de leurs préoccupations". Huit axes, un seul objectif Le Dialogue en est aujourd'hui à sa deuxième phase qui consiste à œuvrer à l'élaboration d'une stratégie nationale pour le moyen et le long terme, avec, notamment, une vision de l'état de santé de la population et du système de santé. Un système qui détermine, aussi, les responsabilités de chaque intervenant du secteur et qui définit clairement les priorités mais aussi les objectifs ainsi que les échéances pour des résultats effectifs et fructueux. En attendant son élaboration et sa mise en place ultérieurement, les huit axes sur lesquels reposera cette stratégie sont d'ores et déjà clairs et définis, à savoir les services de soin de proximité, l'impact des déterminants de la santé, le financement du système sanitaire, la santé numérique, les médicaments, la recherche scientifique, la bonne gouvernance en matière de santé et enfin la politique nationale de santé.