Le 14 août 2013, Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi, présidents des principales formations politiques tunisiennes, se sont rencontrés le 14 août, en toute discrétion, dans un palace du faubourg Saint Honoré, à Paris. Cette rencontre entre le chef du parti islamiste, qui était alors majoritaire au sein de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et pièce maîtresse du triumvirat au pouvoir, et le fondateur de Nidaa Tounes et leader du défunt Front de salut, a abouti à un accord sur une cohabitation jusque-là inédite entre les islamistes et les séculiers, qui a permis de conduire la Tunisie aux élections générales de 2014 et de former par la suite des gouvernements de coalition. Dans un post publié jeudi sur sa page officielle Facebook, en signe de commémoration de cette rencontre, le chef historique du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, a réaffirmé son «engagement total » à pérenniser le consensus avec le président de la République, Béji Caïd Essebsi. «Le consensus constitue un terreau fertile pour tout dialogue sérieux entres les diverses composantes de la société et un choix stratégique pour le mouvement Ennahdha. Ceci était bien clair dans l'élaboration de la Constitution à laquelle nous avons participé. Son adoption était un grand événement festif et historique », a-t-il souligné dans ce post-fleuve intitulé «Rencontre à Paris: les leçons, les défis et les horizons». Et d'ajouter : « En partant de ce même principe, nous appelons au dialogue pour le traitement de tous les sujets épineux et ce afin qu'on soit tous à l'abri de la division, la tension et la haine. Dans ce contexte, nous assurons que nous allons interagir avec l'initiative du président de la République Béji Caïd Essebsi au sujet de l'égalité successorale, lorsqu'il a décidé de transférer ce projet de loi au parlement. Ceci implique, le dialogue et le débat afin d'arriver à une formule juridique permettant de rendre ce texte compatible avec la réalité. Nous ne voulons pas que ce soit l'objet d'une polémique qui divise les Tunisiens et les Tunisiennes.» Evoquant l'attachement du mouvement Ennahdha au maintien de l'actuel gouvernement d'union nationale, M. Ghannouchi affirmé que l'appel à la stabilité politique ne s'oppose pas au choix du consensus, mais s'inscrit dans le cadre de la préservation de l'intérêt national. «Il n'était pas possible de changer le gouvernement au cours des élections municipales, avant la mise en place des conseils municipaux, au cours des négociations avec les bailleurs de fonds, en pleine haute saison touristique, avec la montée du niveau des menaces terroristes et avant le dépôt au Bureau de l'ARP de la loi de finances pour la prochaine année», a-t-il estimé, tout en insistant sur la nécessité de «laisser le gouvernement actuel se consacrer à sa tâche loin des tiraillements politiques». En fin manœuvrier, le leader d'Ennahdha laisse ainsi entendre, en filigrane, qu'il compte retourner à la case du consensus, ébranlé par l'épisode Chahed, tout en insinuant qu'il pourrait retirer son soutien au président du gouvernement juste après l'adoption de la loi des finances 2019. Il a d'autre part condamne les campagnes de dénigrement et les attaque orchestrées contre Béji Caïd Essebsi, et propose de mettre un terme à ce laisser-aller. Dans ce même cadre, Rached Ghannouchi, a fait savoir que «l'esprit de compétition et les ambitions politiques et l'ascension au pourvoir, par les urnes, est un droit constitutionnel inaltérable », indiquant cependant que la logique de majorité/ minorité ne peut pas être appliquée dans le contexte d'une démocratie naissante. Le chef du parti devenu majoritaire à l'Assemblée des représentants du Peuple (ARP) après l'éclatement de Nidaa Tounes tente ainsi de ranimer un consensus moribond avec Nidaâ Tounes et son chef. Ce consensus de plus en plus critiqué a subi plusieurs contrecoups, après la défaite de Nidaa Tounes élections partielles dans la circonscription d'Allemagne, la victoire d'Ennahdha aux municipales et le soutien apporté par le parti islamiste au président du gouvernement, Youssef Chahed, qui est en conflit ouvert avec le président de la République et son propre parti.