Créée en 2008, la formation "Jazz Oil" compte parmi les meilleurs orchestres de jazz en Tunisie. Avec une musique plurielle et un projet musical singulier, ce groupe se distingue de plus en plus à l'international. Une véritable révélation! Il est difficile de ne pas tomber sous le charme de l'album "Lamma", une oeuvre pleinement accomplie et portée par un quintet des plus savoureux. L'album joue sur les mots car en arabe, le terme "Lamma" signifie "rencontre", "retrouvailles". Il évoque en ce sens non seulement le jazz qui naît lorsque les musiciens se retrouvent mais aussi une rencontre plus large, multiculturelle, ouverte aux vents de la création. Entre jazz débridé et musiques orientales, funk ou latino Cet album qui a ouvert la carrière du groupe est en effet un alliage des plus particuliers. On y retrouve les sonorités orientales dont la constance est l'un des fondamentaux du groupe. On y retrouve aussi un jazz débridé qui n'hésite pas à s'embarquer dans des envolées époustouflantes sur fond de virtuosité technique. On trouve enfin dans la musique de "Jazz Oil" des clins d'oeil aux musiques funk et latino, clairement mises dans le sens du projet de cette formation. "Jazz Oil" est né d'une convergence des plus rares. En effet, la rencontre du bassiste Slim Abida avec le cithariste Nidhal Jaoua a été déterminante, donnant à ce duo l'improbable tonalité d'une basse épousant les méandres sonores de notre "qanoun". Rien ne prédestinait ces deux musiciens à pareille rencontre. Le premier venait du monde du heavy metal alors que le second, pétri d'ésotérisme, jouait de la cithare orientale en ayant à l'esprit aussi bien la magie des grands maîtres turcs ou persans que les recherches contemporaines d'un Ravi Shankar. Et pourtant, les deux artistes allaient initier un projet malgré les différences qui séparaient leurs cultures musicales respectives. Comment marier harmonieusement Black Sabbath avec le "qanun"? Un pari impossible que la complicité des deux musiciens allait transcender. Car au départ, c'est bel et bien un duo qui a donné le jour à "Jazz Oil". Le bassiste qui utilise sa basse comme un instrument solo, un peu dans le style de Leo Lyons ou bien dans celui des grands contrebassistes, allait appuyer le "qanoun" et ses accents aériens. En soi, le duo aurait pu en rester là et produire un jazz unique. Seulement, ce ne sera pas le cas car l'ensemble allait s'ouvrir à d'autres musiciens, venus d'horizons multiples. Avec un saxo, une batterie et des claviers, "Jazz Oil" prenait des allures de quintette versé dans les plus fines expressions du jazz. Tous ensembles, ils font rugir la musique et chacun lancé dans un solo sait varier sur le thème choisi. C'est cette virtuosité individuelle portée par un projet collectif qui constitue le ciment de "Jazz Oil" dont les autres membres se nomment Marc Dupont (batterie), Anthony Honnet (claviers) et Amir Mahla (saxo). Une musique jubilatoire, festive et bigarrée En concert, le groupe donne beaucoup de lui même mais c'est la limpidité du son produit en studio et le cachet unique de leur musique qui distingue cet ensemble. Dans l'album "Lamma", les ambiances changent mais la couleur musicale demeure comme un marqueur identifiant le groupe. Oui, "Jazz Oil" a une identité forte à l'image de tous ses membres et aussi de Nidhal Jaoua qui sait mêler des approches théoriques dans sa production musicale et celle du groupe. Indéniablement, cette formation devrait vite s'imposer à l'international. En Tunisie, elle produit le jazz le plus achevé que nous ayons pu écouter depuis Anouar Brahem. Aux atmosphères feutrées et intimistes de ce dernier, "Jazz Oil" préfère une musique jubilatoire, festive et aussi bigarrée que les profils de ses membres. A l'écoute, "Lamma" est un excellent album de jazz qui laisse une impression forte et durable ainsi qu l'envie de mieux connaître ce groupe rare et son projet musical. A découvrir pour tous ceux qui apprécient les fusions musicales et le jazz qui évolue en toute liberté et virtuosité.