Il n'est pas facile d'obliger les gens à garder la maison, car cela constitue en quelque sorte une atteinte à leur liberté de circulation et de mouvements. Certes, ce n'est pas par abus d'autorité que de pareilles mesures ont été prises, mais dans l'intérêt général, à cause de cette pandémie survenue sans crier gare, créant par là même une déstabilisation dans le monde entier. En Tunisie, et malgré les grands efforts sans cesse déployés par les équipes médicales et paramédicales qui sont à saluer, il y a encore des contradictions dans certaines décisions prises, et qui s'affrontent à des difficultés d'application certaine, et cette, à l'instar de ce qui s'est passé après l'annonce d'allouer une indemnité de 200 dinars pour les sans-emplois. Des attroupements monstres se sont formés devant les bureaux de postes, sans tenir compte des instructions sanitaire destinées à éviter la contamination, ce qui en a aggravé les risques avec l'entassement des personnes en question. Actes d'application et concrétisation des mesures gouvernementales Il est vrai que dans les régions, les gouverneurs, les délégués et les responsables des collectivités locales sont en train de faire des efforts, chacun selon les prérogatives qui lui sont dévolues, et selon les moyens qu'ils possèdent afin d'agir au mieux, afin de sensibiliser les citoyens et venir en aide aux plus démunis, qui ne s'y trouvent pas dans le confinement, n'ayant ni ressources ni même de logis. Un chamboulement monstre qui fausse la donne et risque d'aggraver une situation qui est déjà inquiétante, tant sur le plan social qu'économique et juridique. Juridiquement, le chef du gouvernement publie des actes d'applications concernant les mesures qu'il avait annoncées, afin de ne pas permettre que chacun des responsables agissent à sa façon, quand bien même il soit animé de toute la bonne volonté du monde. Ces actes d'applications permettraient également de cerner davantage tous les domaines d'action, et de mieux responsabiliser ceux qui sont chargés de les concrétiser. Car, outre les failles qu'il y a eu suite à l'annonce des indemnités de 200 dinars destinées aux sans emploi, il y a eu, selon l'Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), 4000 fonctionnaires qui ont été concernés par erreur. Un fonctionnaire ayant informé le président de l'Instance qu'il avait reçu cette aide par erreur, ce qui a permis, selon Chawki Tabib, de découvrir ce nombre de fonctionnaires qui ne vont pas restituer cette somme de sitôt, surtout en cette période critique. Evidemment cela donne des soucis de plus qui viennent comme un cheveu dans la soupe. Plus grave, la corruption des responsables Sans compter ceux parmi les responsables régionaux, qui profitent de la situation pour s'adonner à la corruption tout azimut, tel que le délégué de Kalâat Sénane qui a été arrêté mardi dernier pour suspicion de spéculation et monopole dans la distribution de la semoule. Comment compter sur de telles personnes pour venir en aide aux citoyens, dont notamment les plus démunis, qui vont s'adresser entre autres aux délégations pour demander de l'aide. C'est encore une fois l'INLUCC qui a découvert ces malversations de responsables dans cette région ainsi que d'autres auparavant, et ce, depuis le 30 mars dernier. Sur le plan social plusieurs animés de bonne volonté ont procédé à différents dons en numéraire sur le site 1818, ou en nature. Toutefois, ils ne sont pas encore bien organisés, à l'exemple de certaines municipalités qui ont pris l'initiative de distribuer, mais qui se sont heurtés à la cohue étant donné le nombre de ceux qui se présentent sur place et veulent être servis en même temps. Il aurait mieux fallu préconiser une distribution dans les foyers avec des véhicules qui se déplacent sur les lieux concernés. On a annoncé la distribution de masques qui nous viennent de Chine. Comment cette distribution va-t-elle se faire ? C'est ce qu'on appréhende, après l‘expérience vécue suite à l'annonce par le chef du gouvernement de la mesure d'octroi d'indemnités aux sans emplois. Inciter à l'aide par des mécanismes juridiques Par ailleurs et sur le plan économique, n'est-il pas opportun d'inciter des hommes d'affaires, voire les oblige à venir en aide, aux citoyens démunis aussi bien sur le plan financier que matériel. A-t-on pensé aux sans-logis qui ne trouvent pas où se confiner, alors qu'il y a des hôtels actuellement fermés qui peuvent leur servir de refuge. En vertu de son pouvoir exceptionnel le chef du gouvernement est habilité à prendre des ordonnances afin de réquisitionner ces hôtels dans ce sens. Des ordonnances de réquisitions peuvent aussi concerner certaines cliniques qui depuis le confinement sont fermées. Et puis où sont les chefs de certains partis d'opposition qui naguère au cours des campagnes électorales ont promis monts et merveilles ? Ils sont confinés peut-être. A-t-on pensé également aux familles en difficultés, avec des femmes battues et des enfants maltraités ? C'est aux ministères de l'Intérieur et de la justice de s'organiser pour charger les agents de l'ordre, en vue de faire des rondes notamment dans les quartiers défavorisés, afin d'assurer la sécurité des familles surtout durant le couvre-feu, tout en étant en rapport avec les représentants du parquet assurant la permanence dans les différents tribunaux. Certes il faut sévir contre ceux qui contreviennent aux mesures prophylactiques, mais en même temps il est nécessaire de penser aux problèmes collatéraux que génère le confinement. Dans ce même d'idées, une lettre a été dernièrement envoyée au chef du Gouvernement par des personnalités tunisiennes dont notamment les quatre prix Nobel et des chefs d'entreprises, lui adressant certaines propositions « en matière de gouvernance de la crise actuelle, et dans modalités pour s'en sortir ». Certes ce sont des propositions intéressantes et dont certaines ont été envisagées. « Dans une démarche citoyenne », disent-ils. L'initiative est certes louable. Mais on aurait souhaité, pour des chefs d'entreprises et des prix Nobel qu'ils joignent l'action à la parole. Bref, le temps n'est plus aux états d'âme, par des cris ou des larmes, de la force ou de la faiblesse soient-elle, mais à une action commune qui permettrait de faire face à cette crise. Quand bien même on manquerait de moyens, avec de la volonté on déplacerait des montagnes !