Les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 sont parmi les plus redoutées et dont on ne parle pas assez. Pourtant, surtout depuis le mois de mars, l'économie mondiale et la nôtre évidement, sont à l'arrêt ! Plus que la maladie, les spécialistes craignent le chômage généralisé et l'effondrement de certaines grandes économies dans le monde. L'économie tunisienne allait mal longtemps avant le Coronavirus. Depuis la révolution de 2011, aucun gouvernement n'a pu remettre le pays sur la voie des réformes nécessaires pour faire redémarrer l'économie. Après plus de deux décennies d'une relative stabilité économique obtenue grâce à la manière forte du régime de Ben Ali, et malgré la corruption de la famille « régnante » et ses acolytes dans tous les rouages économiques, publics et privés, tous les spécialistes s'accordaient à dire que le modèle économique de Ben Ali est fini et qu'il faut absolument en inventer un nouveau. Alors aujourd'hui et avec l'arrêt forcé de la machine économique du pays, le moment est peut-être venu de revoir nos théories économiques de fond en comble. La mondialisation en panne généralisée Les spécialistes sont unanimes pour prédire la fin du modèle dominant du flux tendu à l'échelle du monde qui a fait les beaux jours de la mondialisation. A la sortie du « corona-coma » comme l'a appelé un économiste, les Etats vont revoir leur dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Or, une grande partie de notre économie est exportatrice et s'inscrit dans cette logique de globalisation. Un autre moteur de notre économie est et restera en panne longtemps, le tourisme. Nous ne savons pas, même pour le marché local, quand est ce que nous pouvons retravailler normalement. Il va falloir faire preuve d'ingéniosité et repenser nos manières de faire, devant la possibilité, pas si éloignée, d'un arrêt de la production jusqu'à l'automne prochain. Nous étions avec un chômage de presque 15% (en réalité beaucoup plus) et nous nous apprêtons à un taux de croissance négatif comme partout ailleurs ! Notre premier partenaire, l'Union Européenne, prévoit une récession généralisée allant dans certains pays à des taux de croissance négatifs d'au moins 5 à 10% ! Tous ces facteurs et d'autres encore, appellent à une grande vigilance. Les métiers fragiles en semi-informel La crise actuelle a mis à nu une grande fragilité que les statistiques officielles ne faisaient pas apparaitre. Une grande partie de l'activité économique de notre pays se base sur une frange très large de petits métiers qui sont presque dans l'informel bien qu'ils ne s'en cachent pas. Les travailleurs journaliers du BTP, de l'agriculture, des services divers, qui assuraient une grande partie du fonctionnement normal de ces secteurs, n'existent tout simplement pas officiellement. Ils sont payés chichement, ils n'ont aucune couverture sociale, leurs employeurs ne payent aucun impôt, mais sans eux la machine s'arrête ! Quand l'Etat dénombre lui-même presque un million de foyer dans la catégorie nécessiteuse (statistiques de la CNSS pour les familles pauvres) dans un pays de 12 millions, c'est alarmant. Dans cette catégorie-là, le glissement vers l'informel n'est pas du tout difficile, puisqu'il s'agit de survivre. C'est ainsi d'ailleurs qu'une grande partie de ces métiers fragilisées et fragiles a glissé vers l'informel lors de la chute du régime de Ben Ali. C'était soit l'informel soit la faim ! Toutes les réponses que l'Etat doit fournir à la crise actuelle doivent prendre en compte ces secteurs fragiles et repenser et faciliter sérieusement les voies à une réelle prise en charge de ces travailleurs journaliers qui font vivre des milliers de familles. Retour de l'Etat protecteur Les analystes le plus libéraux de l'Occident prévoient que la crise économique actuelle mettra fin à la vague de désengagement des Etats qui était la mode de la globalisation triomphante. Au moins dans les secteurs de la santé et de la prévention sociale, tous les Etats devront investir pour ne pas tomber dans un schéma identique à celui de l'Italie ou de New-York ! Il en va de même chez nous. Outre les conséquences de la pauvreté de notre système sanitaire, les fractures régionales sont béantes et nous avons vu clairement que plus de la moitié du pays est soigné sur la côte. Il n'existait pas un lit de réanimation dans plus de 16 gouvernorats. Or, pour investir, l'Etat doit se résoudre à reformer sérieusement son système fiscal. Les failles du système actuel sont nombreuses et connues. Il est inégalitaire et corrompu. Il nous a légué une mentalité ou la fraude fiscale est le sport favori de tous. Pas seulement des gens riches mais également de tout un chacun. Les seuls qui payent leurs impôts sont les fonctionnaires et quelques employés du privé, par retenue à la source. Les autres, tous les autres, esquivent ! les médecins, les avocats, les cafetiers, les architectes, les restaurateurs, etc. esquivent et ne payent pas ou peu ! Une réforme de ce système est envisagée et réclamée par nos bailleurs de fond depuis des années. Il va falloir s'y résoudre ! L'incertitude en facteur aggravant En dehors des conséquences prévisibles de l'arrêt de l'activité économique généralisé, le problème aujourd'hui, devant les décideurs politiques, c'est l'incertitude totale quat à l'issue du combat contre le Coronavirus. Ilyes Fakhfakh est certes épaulé dans l'analyse de ces perspectives par des scientifiques de renoms mais partout dans le monde on ne sait pas encore comment les choses vont évoluer. Ainsi on tâtonne et on élabore des scénarios. Généralement ces scénarios sont au nombre de trois selon la gravité de la contagion dans chaque pays. De la plus faible contagion qui implique un retour progressif à la normale à partir du mois de juin à la plus haute qui ne prévoit de sortie qu'en2021, tous les scénarios sont liés à la plus grande des inconnues qui concerne la réaction de la population à un confinement prolongé ! Une vari hantise pour les responsables politiques et nous avons vu la réaction d'une partie de la population quand il s'agit de l'alimentation et de l'argent et sur une période courte. Alors, tenir dans un confinement de plus de deux mois ? Comment ? avec quelles ressources ? La pandémie est en passe de bouleverser un monde qui a été bâti sur des équilibres difficiles. L'humanité inventera sûrement les solutions qui garantissent la pérennité de l'espèce humaine mais quand et comment ? C'est une autre question.