Le monde est frappé de manière globale par l'épidémie du Covid-19 qui a pris infiniment plus d'importance en quelques semaines que les crises du climat ou de la biodiversité. Celles-là même qui monopolisaient récemment l'attention mondiale avec des évènements catastrophiques comme les incendies forestiers en Australie, par exemple. Plusieurs études ont démontré que la biodiversité est le meilleur rempart contre les émergences virales. Cette crise sanitaire, nous montre que la dégradation environnementale et la « prédation » des humains sur la biodiversité, si elle perdure, mènera l'humanité vers un futur de plus en plus sombre et incertain. Préserver la diversité des écosystèmes, notamment la variété des espèces animales, permet de ralentir la propagation des virus ou des bactéries dangereuses pour la santé humaine, indique Wajdi Souilem, Professeur en médecine vétérinaire et membre de la Société tunisienne d'Histoire de la Médecine et de la Pharmacie. Les effets de la dégradation des écosystèmes La destruction de la biodiversité augmente le risque de transmission d'agents infectieux alors que la préservation des espèces animales dans leur milieu naturel permet de limiter les pandémies en s'opposant au passage du virus directement de l'animal à l'homme (effet tampon). Pr Souilem explique que "la déforestation et l'urbanisation à outrance obligent les animaux sauvages à quitter leur habitat naturel et augmentent le contact avec les animaux domestiques et les communautés locales. La multiplication des élevages intensifs sans diversité génétique (une seule espèce, race, souche…) et dans des conditions de confinement strict incompatibles avec le minimum de bien-être animal, porte atteinte à la diversité biologique et amplifie le risque d' «humanisation » des agents infectieux, y compris des virus. Les études récentes démontrent de façon nette que la diversification des systèmes agro-écologiques contribue à réduire la transmission des maladies infectieuses en exerçant un «effet de dilution», les pathogènes circulent à bas bruit et se répartissent sur plusieurs espèces animales. C'est ainsi et à titre d'exemple, que la destruction des habitats naturels de chauves-souris en Asie pour l'exploitation de l'huile de palme, a contraint les chauves-souris frugivores à migrer vers d'autres territoires et à se rapprocher des élevages de porcs industriels destinés à l'exportation en masse. La cohabitation avec les cochons a permis entre autres au virus Nipah (NiV, famille des paramyxovirus) qui a émergé en Malaisie en 1988, de faire un passage chez le porc avant de s'humaniser. En Tunisie, et sans essayer de dresser un tableau sombre de l'effondrement de notre biodiversité, il suffit de noter la disparition des races locales autochtones de bovins et qui ont été remplacées par des races génétiquement homogènes et mal adaptées aux conditions locales. C'est le cas aussi pour d'autres espèces (poulets, lapins…) en vue d'une production plus élevée. L'urbanisation massive autour des grandes villes et la construction anarchique obligent les animaux sauvages à quitter leurs milieux naturels et contribuent souvent à leur extinction. La pollution massive de nos paysages et l'utilisation intempestive de pesticides en agriculture portent gravement atteinte à l'équilibre de la faune et de la flore, ainsi d'ailleurs qu'à la santé des consommateurs. La biodiversité, enjeu de santé publique La dégradation des écosystèmes, a notamment pour conséquence d'augmenter la fréquence des contacts entre les hommes et les animaux sauvages. Les virus et maladies portés par ces animaux, qui se trouvaient confinés dans des territoires reculés, trouvent alors auprès des populations humaines de nouvelles victimes potentielles. " Cette crise , sans précédent liée au coronavirus, ajoute Wajdi Souilem, doit inciter notre gouvernement en partenariat avec la société civile, à établir une stratégie concrète afin de préserver la biodiversité animale et végétale et d'engager d'autres modèles de développement agricole plus durables en encourageant les pratiques modernes de l'agriculture écologique et l'éco-pastoralisme capables de subvenir aux besoins des communautés locales et plus largement, de la population tout en protégeant la santé humaine. Avec la pandémie du COVID-19, la biodiversité revêt un enjeu vital pour les sociétés humaines, voire l'humanité entière et nous devrions tous veiller à sa préservation, autrement l'Homo sapiens va créer les conditions propices à son autodestruction. La pandémie du COVID-19 en est peut-être un exemple et surtout une alerte que nous devrions prendre avec le plus grand sérieux. Un «contrat naturel», le terme étant emprunté au philosophe Michel Serres, est plus que nécessaire pour sauver notre planète. Il est temps de préserver la biodiversité et les équilibres naturels, partout sur la planète. Espérons qu'au-delà des drames humains actuels, le Covid-19 ait au moins l'effet positif de provoquer cette prise de conscience, conclut Dr Souilem.