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Le match Moussi/ Ghannouchi, ce long fleuve pas tranquille !
Publié dans Le Temps le 10 - 05 - 2020

Il faudra peut-être consulter les astres, peut-être bien aussi, les diseuses de bonne/mauvaise aventure, pour trouver un quelconque lien qui a fait que Rached Ghannouchi et Abir Moussi se soient retrouvés sur le même chemin, et que ce chemin se soit transformé en une arène de combat. Qui sera sauvé par le gong? Pas évident que cela survienne, parce qu'en l'absence d'arbitre et de juges de table, personne n'osera actionner le gong et la fin des hostilités. Au-delà de la politique et des irréductibles conflits idéologiques entre les deux personnages, il y aurait même quelque chose de métaphysique. Les destins croisés représentent une puissance qui réglerait d'avance les évènements. Le karma est autrement compliqué : il est régi aux différents éléments connectés les uns aux autres. Sous ces deux angles, dans la réalité des faits, Rached Ghannouchi et Abir Moussi sont, pour ainsi dire, interconnectés.
De fait, le «démocratie tunisienne naissante» a des eaux troubles devant elle. Conflits d'intérêts, mosaïque parlementaire au puzzle éparpillé et difficilement reconstructible et, le tout, obéissant aux sous-jacentes et dévorantes motivations tenant à la mainmise sur les institutions de l'Etat.
L'Etat déboussolé
De quelque côté qu'on oriente son regard, on voit déperdition, déficit de communication entre les piliers de l'Etat.
A Carthage, ce Président atypique est dans la logique biblique de celui qui tend la joue droite, quoiqu'il ressente les coups de boutoirs venant du perchoir de l'ARP, dans cette frénésie de de la suprématie, dans ce sourd conflit de légitimités que lui oppose Ghannouchi. Il a certes réagi, comme analysé récemment par notre journal, en excluant le Président de l'ARP d'une réunion sur la question libyenne, réunion avec toutes les composantes d'un Conseil de sûreté nationale qui ne disait pas son nom. Mais, l'attitude en ce qui concerne Ghannouchi est claire : le Président d'Ennahdha aurait, depuis longtemps, choisi son camp dans cette guerre civile qui nous éclatera bientôt en pleine figure.
A la Kasbah, Elyès Fakhfakh, dont on croyait qu'il était né avec des fées autour de son landau, se retrouve à gérer la pire crise qu'ait jamais eu à affronter le pays. Sa nomination, fruit d'une lubie présidentielle, tourne en effet à la malédiction. Jusque-là, la gestion du Covid-19 est particulièrement performante. La gestion socioéconomique l'est, cependant, beaucoup moins. Parce que sa ceinture gouvernementale risque de casser, du fait des discordances entre certains de ses ministres et, là aussi, des gradations idéologiques récurrentes. Dès le début, on voyait mal des membres du gouvernement issus d'Attayar et du Mouvement du Peuple gouverner en bonne intelligence avec les sept ministres d'Ennahdha, dont la superstar du moment, Abdellatif El Mekki, et un ministre des Transports, Anouar Maarouf, qui a choisi d'être un électron libre. Même Mohamed Abbou, l'homme destiné à purifier l'Etat, s'est curieusement tu. Sauf qu'un gouvernement n'a pas à se confiner dans « le code d'honneur » spécifique aux organisations mafieuses. Il ne doit donc pas être soumis à la loi de l'Omerta. Le peuple attend, en effet, des réponses claires aux volets du clientélisme et de la corruption.
C'est plutôt sous le dôme de l'ARP que se jouent les véritables intérêts politiciens. Dès son investiture à la tête de l'Assemblée, Rached Ghannouchi a fait ce pied de nez à l'endroit de Kaïs Saïed : «Je suis investi par les partis qui, eux, ont été investis par les urnes : je suis donc le Président de tous les Tunisiens». Un bon raisonnement par ricochet, mais raisonnement tout aussi fallacieux. Peut-être, n'a-t-il pas prévu les mauvais quarts d'heure que lui réservait Abir Moussi, surgie sur les décombres du RCD, mais qui se proclame fille «naturellement légitime» de Bourguiba. Bon fonds de commerce, alors que legs bourguibien s'est effrité à la fin de la législature précédente, avec l'anéantissement de Nida Tounès, la dispersion des force centristes qui n'ont presque rien obtenu lors des dernières élections, avec, surtout, l'affaiblissement et l'isolement de Béji Caïd Essebsi. Et, de surcroît, un BCE trahi par son «frère» Ghannouchi qui lui doit, pourtant, sa réhabilitation dans les concerts internationaux, se portant garant du caractère civil d'Ennahdha. Il aura oublié que, plus on chasse le naturel et plus ce naturel revient au galop.
Vengeance d'outre-tombe de BCE
Béji Caïd Essebsi s'est néanmoins vengé aux derniers moments de sa vie : il n'a pas paraphé la loi excluant les partis « antisystème » et cela a fait que Abir Moussi a pu exercer cette razzia électorale. Et, une fois au Parlement, elle n'a pas changé son discours d'un iota, se dressant sur le chemin de Ghannouchi, le placardant systématiquement et conspuant son « appartenance à l'internationale des Frères musulmans ».
Elle est même allée plus loin : elle a exigé, le 6 mars, l'audition en plénière du Président du Parlement à propos, nous citons, «d'un coup de fil de Ghannouchi non publié par le Bureau de l'ARP avec le Libyen Khaled Mechri qui appartient à la même confrérie islamiste». Elle exigeait aussi un questionnement sur l'autre coup de fil avec Erdogan, un Président de République et qui, en vertu du parallélisme des formes, ne doit pas communiquer avec le Président d'une Assemblée, mais avec le Président de la République tunisienne. Sa demande a été rejetée.
Le bras de fer durera encore, néanmoins encore très longtemps et il s'intensifiera même. Parce que l'enjeu consiste en ceci : ré-islamiser la société tunisienne (comme si elle n'était pas musulmane dans sa majorité), contre les appels à la libérer du joug islamiste. C'est-à-dire aussi ré-proclamer la laïcité de la République, en fonction de ce coup de génie de Bourguiba dans l'article 2 de la constitution de 1959 et qui a été réédité, contre vents et marées, dans la constitution de la deuxième République. Mais, à bien y réfléchir, on ne saurait affirmer avec exactitude si les enjeux sont uniquement ou réellement d'ordre sociétal… politiques, plutôt, oui….
Au final, voilà, donc, que deux personnages, que tout sépare, se retrouvent dans une curieuse et, pour la moins, paradoxale intimité dans l'adversité. On ne sait pas où se situe l'instrumentalisation. Or, du coup, l'imagerie populaire, en mal de mythes, réincarne Abir Moussi dans la peau d'Al Kahina se battant contre l'envahissement des Omeyyades (voire dans la peau de Jeanne d'Arc). Ghannouchi, lui, toujours dans l'imagerie populaire, est réincarné dans la peau de l'envahisseur ottoman. Quelque part, néanmoins, il s'agit d'un combat dépassé et d'arrière-garde. La jeune démocratie tunisienne ne saurait se réduire à une purgation des passions. Quant au caractère sacré de la constitution et la laïcité de l'Etat, ça c'est le rôle du Président de la République. Les incantations idéologiques mues par les outrances ne mènent qu'au dépérissement de cet Etat que Bourguiba a pourtant solidement édifié. Mais pas que l'Etat: c'est la Nation qui est menacée dans ses fondements. Et, finalement, ce match Moussi/ Ghannouchi marginalise le débat. Les glorifications, dans un camp comme dans l'autre, masquent l'essentiel. C'est juste une goutte dans un long fleuve pas tranquille.


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