Dans le conflit libyen, comme d'ailleurs, dans tout autre conflit, la Tunisie a, de tous temps, privilégié la neutralité, afin de ne pas être prise dans la tenaille des tiraillements dans des problèmes où tout parti-pris apporte des problèmes et risque de nous faire des ennemis, ce qui n'est aucunement, dans notre intérêt. La sagesse aurait recommandé, pourtant, d'observer une neutralité à toute épreuve, comme l'Etat tunisien avait su le faire, dans le passé, que ce soit avec le leader Habib Bourguiba, ou à un degré moindre, avec Zine El Abidine Ben Ali. Ces derniers jours, avec un début maléfique du chef du mouvement Ennahdha –soit dit en passant qui n'a pas pu, encore s'accommoder avec le costume de président de l'Assemblée des représentant du peuple (ARP) qui semble être loin de sa taille habituelle- qui a pris, bien sûr, parie pour le gouvernement Sarraj, défendu par l'axe Qatar/Turquie. Mais, voilà que la situation s'embrase avec les forces américaines, censées « être en Tunisie, pour des questions de formation » qui menace d'intervenir en Libye, bien sûr avec cette Tunisie qui les accueillies, comme base des opérations… Et, bing ! Voilà que le pays est dans un tourbillon qui n'augure rien de bon, parce qu'une prise de position pour le gouvernement Sarraj contre Khalifa Haftar, soutenu par la Russie et l'autre axe, Arabie saoudite/Emirats arabes unis, ou vice-versa, n'apportera rien de bon. Pourtant, la sagesse recommandait de ne pas prendre position pour n'importe quelle partie, dans ce conflit fratricide, surtout que nous accueillons des Libyens des deux bords, et que la neutralité est la voix de la raison, afin de ne pas ternir les relations avec ce pays frère voisin avec qui nous avons des liens séculaires d'amitié et, même de parenté. C'est un autre méfait que nous a fomenté le mouvement islamiste qui ne voit que ses propres intérêts, surtout que le gouvernement Sarraj comprend de nombreux partisans de son orientation idéologique. Tirant la sonnette d'alarme, -bien qu'il ne soit pas le premier- le Courant Populaire n'a pas été du reste et a dénoncé lundi ce qu'il nomme "l'initiative américaine dangereuse " relative à la possibilité de déployer des forces sur le territoire tunisien. "Cette étape américaine constitue une violation criante de la souveraineté de la Tunisie et l'implique dans des conflits internationaux et régionaux bouillonnants", estime le Courant Populaire. Le parti dénonce l'impudence et l'arrogance avec lesquelles les Etats-Unis traitent les pays qu'ils estiment être leur espace vital pour mener ses guerres et ses interventions et perpétuer ainsi son hégémonie sur le monde. Pour sa part, le mouvement "Echaâb" a "mis en garde les parties politiques tunisiennes ayant affiché leur alignement avec l'un des antagonistes libyens ou approuvé une intervention militaire étrangère sur le territoire libyen et tout ce que cela impliquerait en terme de soutien logistique à partir des territoires tunisiens". "La question touche désormais à l'indépendance de la Tunisie et à sa souveraineté territoriale et la représente en tant que partie prenante dans l'agression contre nos frères libyens", indique le parti dans une déclaration rendue publique lundi. Le mouvement Echaâb y exprime son refus total de toute présence militaire étrangère en Tunisie sous n'importe quel prétexte. "Toute présence militaire étrangère est une forme d'agression au vrai sens du mot non seulement contre la Libye, mais aussi contre le peuple tunisien", estime le parti. Il a souligné, à cet effet, l'importance du rôle du président de la République Kaïs Saïed et l'urgence de prendre la bonne décision qui consiste à préserver la souveraineté nationale de l'Etat tunisien et le refus de toute forme de présence militaire étrangère sur l'ensemble du territoire tunisien. La situation n'est pas vraiment rose et elle n'augure rien de bon, parce qu'au lieu de calmer les esprits de nos frères libyens et de les appeler au dialogue, certaines parties malfaisantes veulent mêler la Tunisie que à cet embrasement, même au risque de transporter cette guerre fratricide à l'intérieur de nos frontières, ce qui fera l'affaire des âmes malintentionnées qui veulent s'accaparer le pouvoir. Entretemps, et durant ces dix dernières années, nous n'avons plus une politique étrangère digne de ce nom, et ce n'est pas fortuit, mais bien orchestré et bien programmé, pour conduire le pays vers le désastre, sur tous les plans. Pourtant, la Tunisie était respectée par tout le monde, dans le passé, pour sa neutralité légendaire qui ne lui avait fait que des amis. Et, maintenant que la situation s'est tellement envenimée, le président de la République Kaïs Saïed va-t-il sortir de son mutisme et de ses sous-entendus, pour s'attaquer directement à cette question qui fait partie de ses prérogatives ?