A l'occasion du quinzième anniversaire de la disparition de Béchir Manoubi, le plus célèbre parmi les photographes sportifs tunisiens, son fils Hosni Manoubi, qui a emboité le pas de son père, organise depuis le 24 novembre une exposition photographique en hommage à son défunt père dans l'ancienne galerie du photographe, « Photos Le Sportif », à la rue Mongi Slim. L'initiative est des plus louables, celle de dépoussiérer des photos en noir et blanc et en couleur qui font remonter à la surface des pages de l'histoire de la Tunisie d'avant et après l'indépendance, depuis 1953, à nos jours. Il ne s'agit pas seulement sportive, mais politique, culturelle et sociale. Il reste que cette exposition ait eu lieu après tant d'années depuis la mort de ce grand artiste de la photo. Il avait, en plus crée son propre personnage avec un accoutrement des plus insolites qu'on pouvait repérer durant les grands événements sportifs en Tunisie et à travers le monde. Il s'agissait de la veste traditionnelle japonaise qu'il avait ramenée de Tokyo lors des Jeux olympiques de 1964 où notre athlète Mohamed Gammoudi y avait remporté la médaille d'argent aux 10 000 mètres. Il s'agissait aussi du couvre-chef : le Sambrero mexicain ramené du pays des aztèques lors des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Et là encore, le même Mohamed Gammoudi y avait remporté deux médailles : l'une en or sur 5000 mètres et l'une en bronze sur 10 000 mètres. Notre grand photographe avait couvert douze éditions des Jeux Olympiques d'été et onze Coupes du monde de football. Mais le legs de Béchir Manoubi, voire le patrimoine iconographique non seulement au niveau des photos développées, mais s'agissant aussi des négatifs est représenté par des pellicules dont le nombre atteindrait les deux millions. Cela n'encourageait guère à entreprendre quoi que ce soit. Il faudrait entreprendre quelque chose dans ce sens pour que ces trésors appartenant à l'histoire de la Tunisie ne disparaîtraient pas. Avec les moyens de bord, Hosni Manoubi n'a pas croisé les bras. Il a réalisé cette exposition qui ne représente qu'un bref aperçu sur le long parcours de son regretté père. Emerveillés, les visiteurs et parmi eux beaucoup de jeunes gens, y ont trouvé ou retrouvé plusieurs traces de la Tunisie d'hier et d'aujourd'hui. Les cimaises de la galerie de fortune sont couvertes de bas en haut par des dizaines et des dizaines de photos. Parfois classées et parfois placées pêle-mêle, elles font voyager et retrouver des ambiances, éterniser des événements sportifs, politiques et autres sociaux. Ce sont les photos des stars tunisiennes du ballon rond, toutes générations confondues. En vedette, l'équipe nationale de football à travers plusieurs décennies et plusieurs équipes de football de la division nationale des années soixante et soixante dix. Béchir Manoubi était un témoin de son temps. On retrouve des photos de la Fête de la Jeunesse qui avait lieu dans l'actuel Stade Chedly Zouiten. D'autres photos représentent Béchir Manoubi avec des célébrités, à l'image du boxeur champion du monde Mohamed Ali Clay, de son rival George Foreman et de leur combat du siècle au CongoKinshasa, ex-Zaïre en 1974. Une autre photo avec l'ancien président Mobuto, n'est pas en reste. Et on remonte le temps pour le retrouver en boxeur amateur dans les années cinquante du siècle dernier. Le volet artistique nous fait découvrir des photos inédites de concerts publics et des coulisses de spectacles de chanteurs tunisiens dans les années cinquante et soixante, à l'instar de Saliha, Ali Riahi, Safia Chamia, Ridha Kalaï, Ezzzeddine Idir, Salahlah...Quant au volet social, d'autres photos également inédites sont exposées. Il s'agit de celles du célèbre Ali Chouerreb, pour ceux qui reconnaîtraient son visage. « Si » Béchir, ou « Am » Béchir, comme l'appelaient ses pairs, ses amis et les autres Tunisiens, qui étaient ses amis, est parti le 24 novembre 2005, à 75 ans. Il était né en 1930. Paix à son âme ! LBK