Dans le but de réaliser la paix sociale, le Premier ministre comptait beaucoup sur les partenaires sociaux et notamment sur Habib Achour dont le rôle en tant que syndicaliste était de faire participer la classe modeste à la vie économique. Celui-ci tenait en premier lieu à améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs, et il n'y avait d'après lui qu'un seul moyen pour le réaliser : l'ajustement entre les salaires et les prix. Et tout le problème était là. En effet, des réalisations économiques avaient permis d'encourager l'entreprise privée et de créer par la même de nouveaux emplois. Le secteur touristique se développait sans cesse et avec la création de nouveaux hôtels, c'était des emplois supplémentaires qui s'offraient à une multitude de jeunes et moins jeunes. Cependant, avec l'intervention d'un libéralisme économique, il était difficile d'exercer une main mise par l'Etat sur les prix, ce qui incitait à l'augmentation des salaires afin d'assurer tant soit peu un pouvoir d'achat raisonnable pour les travailleurs. Ce fut l'objet du pacte social signé le 19 janvier 1977 entre le gouvernement et les partenaires sociaux, où Habib Achour, au nom de l'UGTT, prenait le parti des travailleurs sans tergiverser ni mâcher ses mots, à chaque fois qu'il était utile de se montrer intransigeant et rejeter toute forme de concession à leur détriment. Hédi Nouira connaissait bien l'homme et ses convictions, ayant été auparavant son avocat en 1955, lorsque Achour fut jugé par les autorités coloniales pour avoir dirigé une manifestation ouvrière à Sfax. C'était pour cette raison qu'il comptait bien sur lui afin de réinstaurer la confiance perdue suite à une politique collectiviste qui avait généré une catastrophe économique touchant des plus nantis au plus démunis et engendrant le mécontentement général de toutes les classes sociales. Le pacte social était une sorte d'alliance entre le chef du gouvernement et le plus fort parmi les partenaires sociaux : le secrétaire général du syndicat. Habib Achour fera passer des résolutions favorables aux travailleurs dont notamment une augmentation de 33% et un réajustement à chaque fois que les prix augmentent de 5%. Cependant, et bien que plusieurs conventions collectives relatives à différentes branches fussent élaborées, le pacte social approuvé par les organisations nationales suscita une réaction négative de la part d'un certain nombre de syndicalistes. Lors du 14e congrès de l'UGTT en mars 1977, où Achour a été réélu secrétaire général à l'unanimité, une pétition signée par 600 syndicalistes qui dénonçait le pacte social, a été publiée dans le journal « Le Monde ». Le pacte social a été interprété comme un engagement par les signataires de ne pas faire des revendications pendant le temps imparti, soit cinq ans, en application du plan quinquennal. Les auteurs de cette pétition écrivaient entre autres : « L'UGTT doit être un élément de combat permanent... elle ne saurait accepter d'être pratiquement bâillonnée pendant cinq ans, sans même que ses instances en aient délibéré ? » Habib Achour était donc désigné du doigt par des syndicalistes opposants comme l'homme choisi par l'Etat pour temporiser les revendications des travailleurs et entraver la bonne marche de la lutte ouvrière qui, à leurs yeux, ne devait pas connaître de répit. Ce qui créa des remous et des tensions entre les partenaires sociaux et inciter Habib Achour à agir de manière à démentir ses adversaires et démontrer par là-même, qu'il n'était pas du tout un homme qu'on pouvait facilement manipuler. (A suivre).