La grève générale tourne à la confrontation à Beyrouth Le Temps-Agences - Profitant d'une grève générale à l'appel de la principale centrale syndicale à l'appui de revendications salariales, le Hezbollah a lancé hier une campagne de désobéissance contre le gouvernement libanais qui l'avait accusé la veille de porter atteinte à la souveraineté du pays. Des militants du Hezbollah ont bloqué les principaux axes de Beyrouth avec des pneus enflammés, des épaves de véhicules et autres moyens de fortune, paralysant l'activité de la capitale et coupant les routes menant à son port et à son aéroport. De source proche de la sécurité, on indique que des partisans du gouvernement ont échangé des tirs de kalachnikov et des jets de grenades avec des militants du Hezbollah dans les quartiers de Noueïri, Ras el Nabaë et Wata al Moussaïtbeh. On ignore s'il y a des victimes Des opposants armés ont également pris le contrôle de deux locaux du Courant du futur de Saad Hariri, chef de file de la majorité parlementaire et principale personnalité politique sunnite du pays. Des jeunes gens des deux camps ont échangé des jets de pierres à Mazraa, l'un des quartiers de Beyrouth où la tension est très vive entre les communautés sunnite, qui domine le gouvernement, et chiite, qui constitue le gros des troupes d'opposition. L'armée, considérée comme neutre dans le bras de fer politique qui dure depuis 18 mois entre le gouvernement pro-occidental de Fouad Siniora et l'opposition soutenue par la Syrie et l'Iran, s'était déployé en force pour s'interposer entre groupe rivaux. Mais elle n'a pas tenté de démanteler les barricades. L'opposition a fait savoir qu'elle avait l'intention d'étendre cette révolte dans les prochains jours et de continuer à bloquer les routes, dont celle de l'aéroport, tant que le gouvernement ne serait pas revenu sur les mesures prises la veille à l'encontre du Hezbollah. Reprochant au mouvement chiite de gérer son propre réseau de télécommunications parallèlement à celui de l'Etat et d'avoir installé des caméras d'espionnage à l'aéroport de Beyrouth, dont le responsable de la sécurité a démis, le gouvernement avait accusé le Hezbollah de porter atteinte à la souveraineté du Liban. Le numero deux du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, a rétorqué que le système de télécommunication du mouvement faisait partie de son arsenal de résistance contre Israël et que personne, pas même le gouvernement, ne pouvait l'empêcher de se défendre et de défendre le pays. Il a aussi assuré que les caméras incriminées servaient à surveiller des entrepôts de branche BTP du Hezbollah et non à espionner les allées et venues de personnalités gouvernementales sur l'aéroport de Beyrouth, situé dans les banlieues chiites du sud de la capitale. Le ministre des Télécommunications, Marouane Hamadeh, a accusé hier le Hezbollah de "tenter de recourir à des moyens militaires pour bloquer l'aéroport". "Le Liban a déjà fait savoir qu'il ne deviendrait pas un satellite de l'Iran", a déclaré Hamadeh à Reuters.
Le Liban plus que jamais sans Président Le Hezbollah avait été la seule faction libanaise autorisée à conserver ses armes après la guerre civile de 1975-90, au nom de la résistance à l'occupation israélienne dans le sud du pays. israël s'est retiré en 2000 du Sud-Liban et, depuis, le sort de l'armement du groupe chiite, que ses adversaires accusent d'instaurer "un Etat dans l'Etat", est au cœur du débat politique au Liban. La résolution du Conseil de sécurité de l'Onu qui a mis fin à la guerre de l'été 2006 entre Israël et le Hezbollah au Sud-Liban fait interdiction au Hezbollah de réarmer et de reconstituer son arsenal au Sud. Le Hezbollah et ses alliés de l'opposition considèrent comme illégitime le gouvernement de Siniora depuis que les ministres chiites en ont claqué la porte en novembre 2006, provoquant une crise politique qui dure encore. En raison du refus de la coalition d'accorder une minorité de blocage à l'opposition au sein du gouvernement, celle-ci empêche l'élection d'un nouveau président de la République. Le pays est sans président depuis l'expiration du mandat d'Emile Lahoud, en novembre. La réunion de la Chambre des députés pour élire son successeur consensuel, le chef de l'armée Michel Souleïmane, a été reportée à dix-huit reprises. La prochaine échéance est fixée au 13 mai. Mais le durcissement du bras de fer entre le gouvernement et l'opposition, les violences d'hier et le risque qu'elles dégénèrent dans les jours à venir rendent probable un nouveau report de l'élection présidentielle.