Alors qu'un renouveau salutaire gagne, progressivement, depuis quelques années, la partie européenne de la ville de Tunis, de création relativement récente, sa médina ou ville arabe qui constitue le cœur et les premiers débuts de cette cité sur terre, se trouve abandonnée à son triste sort, après l'arrêt controversé des plans de réaménagement d'ensemble, illustrés notamment par le projet de réaménagement des quartiers de Bab Souika et El Hafsia. A la faveur d'un simple tour, le visiteur le plus ordinaire est, aussitôt , attiré par l'état menaçant de vétusté avancée et d'usure qui se dégage du spectacle général de la Médina de Tunis, où, par pâtés, les habitations épuisant leur potentiel de résistance, tombent régulièrement en ruines. A la rue Mongi Slim, ex rue Bab Carthagène, qui marque la lisière nord de la ville arabe et sa principale artère de jonction avec la partie européenne, tout le tronçon final donnant sur le foyer de Bab Souika , est tombé en ruines. Plus à l'intérieur, de ce même côté, à la rue des glacières qui relie la rue Zarkoun et le nouveau foyer d'El Hafsia, et dans toute la zone limitrophe du quartier de la Grana , le délabrement est général et ici, aussi, plusieurs constructions ont fini pour s'écrouler. Le cœur de la Médina formé par les souks et leurs ramifications n'est pas mieux épargné. Les quartiers qui bordent les souks, plus au sud et à l'ouest, du côté des rues El Jazira et Bab Jédid, présentent les mêmes signes d'usure et d'épuisement.
Tout le tissu est exposé
En effet, la menace ne se limite pas à certaines zones, en particulier, mais plane sur toute la partie arabe, en allant de la rue Mongi Slim, au nord, jusqu'au boulevard du 9 avril 1938, limite géographique, à l'ouest, de la zone historique de la Kasbah , point culminant de la ville et probablement, son premier foyer, dans l'histoire, qui abrite, encore, le siège du gouvernement et ceux de nombreux département ministériels. Excepté cette zone, très tôt protégée par de continuels travaux de sauvegarde et de réhabilitation, tous les autres foyers et quartiers de la Médina de Tunis continuent, un peu partout, à se délabrer, de sorte que Tunis risque de devenir, à plus ou moins longue échéance, une métropole éventrée. L'ensemble du tissu de la Médina est exposé. A vrai dire, il s'agit d'un phénomène universel qui a marqué, durant la dernière période, le développement urbain de tous les anciens établissements humains, en allant des plus grandes villes aux plus petites localités, dans notre pays comme partout ailleurs.
Poussée démographique Sous la poussée démographique et les besoins grandissants de croissance, l'expansion urbaine a suivi partout le même chemin caractérisé par un déplacement perpétuel vers les périphéries vierges, au détriment des anciens centres occupés qui sont devenus, ainsi, un lourd héritage à gérer. C'est dans cette perspective qu' a été conçu et réalisé, il y a plus de deux décennies, le fameux projet de réaménagement des quartiers de Bab Souika et El Hafsia, au milieu d'une résistance générale, car bien que mis en œuvre dans le cadre d'un plan de sauvegarde d'ensemble, il s'est inspiré de l'idée d'une rénovation sauvage, autorisant les démolitions et les déplacements massifs de populations , et ne tenant pas compte de la valeur historique intrinsèque acquise par la Médina , à l'instar de tous les anciens centres urbains, dans le monde, en tant que patrimoine national et universel devant être obligatoirement conservé comme tel.
Encore, une rénovation sauvage
Rendue, ainsi, à elle-même, en l'absence d'autres projets de réaménagement d'ensemble conduits par les pouvoirs publics, la Médina de Tunis n'a pas, encore, su se prendre en charge. Cependant, des signes de relèvement commencent à paraître. Ici et là, s'y dressent des échafaudages et des chantiers de construction dont quelques uns témoignent, par leur importance, de la découverte de la valeur et du potentiel énorme que recèle cet ancien tissu urbain. Plusieurs constructions anciennes ont été restaurées par leurs propriétaires et réutilisées à divers usages. Certains parlent, déjà, de filon à exploiter et d'affaire utile. Une certaine spéculation foncière commence à se développer, à cet égard. Mais dans quelle mesure de telles opérations qui sont, pour beaucoup, à l'origine du renouveau urbain de la ville européenne, conviennent- elles, à la Médina qui a ses spécificités et ses exigences propres. Cette ancienne partie arabe, devenue patrimoine, réclame une action qui revêt, essentiellement, le sceau de la sauvegarde et de la conservation. D'après les informations que nous avons recueillies auprès de certains riverains qui occupent, depuis longtemps, ces lieux, de grands promoteurs de toutes les régions du pays viennent acheter les vielles maisons et les anciens immeubles vétustes mis en vente par leurs anciens propriétaires et les réhabilitent ou les renouvellent complètement, en les démolissant. Mais, ne s'agit-il pas là, encore, d'une autre forme de rénovation sauvage, et de surcroît plus nuisible, dans un sens, puisque contrairement aux tentatives ''organisées'' du passé, elle a le défaut de n'obéir à aucune vision d'ensemble.