Selon les dirigeants d'une ONG britannique, plusieurs Tunisiens sont «détenus illégalement à Guantanamo Bay», car «faussement accusés et la plupart de [leurs] dossiers sont vides». Les Etats-uniens, qui se soucient tant de la situation des droits de l'homme dans le reste du monde, seraient bien inspirés de les respecter dans leur propre pays. Et d'abord, en mettant fin à la situation de non-droit qui prévaut dans la prison de Guantanamo.
Le chef d'une délégation de l'organisation humanitaire Reprieve, qui vient d'achever une mission en Tunisie, Christopher Chang, a révélé à l'Associated Press que l'un des Tunisiens détenus dans la prison américaine de Guantanamo Bay, à Cuba, le nommé Abdallah ben Amor (Abdullah bin Omar, selon la transcription de l'agence), serait libéré dans quelques mois. Dans le même entretien, Chang s'est dit «convaincu de l'innocence de détenus tunisiens» incarcérés dans la prison américaine. Basée à Londres, cette organisation dirigée par Clive Stafford Smith parraine 36 prisonniers du centre de détention de l'armée américaine à Guantanamo, dont quatre Tunisiens sur les 12 figurant sur la liste du Pentagone. Il s'agit de Hichem Sliti, Abdul-Hadi, Abdallah ben Amor et Adel Hakimi. Quatre autres sont représentés par des avocats bénévoles américains et les quatre restants n'ont pas encore d'avocats, selon Chang. Pour l'enquêteur britannique, ces Tunisiens sont «détenus illégalement à Guantanamo Bay. Ils sont faussement accusés et la plupart des dossiers sont vides», a-t-il soutenu. «Sur les quelque 400 détenus libérés, pas un seul n'a eu l'occasion de passer devant un juge pour prouver son innocence. C'est frustrant.» Il a par ailleurs dénoncé «les conditions d'incarcération très dures» et «la grande pression» que subissent les prisonniers à Guantanamo, faisant état de trois morts enregistrés depuis l'ouverture du centre en 2002. Christopher Chang a révélé au passage que le détenu tunisien Abdallah Ben Amor, parrainé par Reprieve, serait libéré dans quelques mois. «Nous avons reçu un message dans ce sens de la base de Guantanamo, dans lequel ils (les responsables du centre de détention) disent qu'il a été désigné pour être libéré. Ils ne disent pas qu'il est innocent, mais qu'il ne représente peut être pas une menace sérieuse et qu'il n'est pas trop dangereux», a-t-il précisé. Selon lui, la liste des détenus publiée par le Pentagone à la suite de la requête présentée à la Cour suprême des Etats-Unis par l'Associated Press, bien que contenant «le minimum de données» et malgré «les erreurs» qui y figurent, a «beaucoup aidé» Reprieve dans sa mission. Au cours d'un séjour de plusieurs jours effectué la semaine écoulée en Tunisie, en compagnie de l'avocate américaine Cori Crider, les deux représentants de Reprieve ont rencontré les familles de Hichem Sliti et Adel Hakimi. Ils ont aussi pu rendre visite à la famille d'un troisième détenu, Adel Mabrouk, qui n'a pas d'avocat et obtenu les signatures devant permettre à l'organisation de les représenter légalement. «La plupart sont persuadés que leurs enfants détenus à Guantanamo n'ont rien fait. En Tunisie, c'étaient des jeunes normaux. Ils ne faisaient pas partie de groupes extrémistes et n'avaient pas de penchants prononcés pour la religion. Ils rêvaient de voyager», a relaté le représentant de Reprieve. «Nous aussi, nous sommes convaincus qu'ils sont innocents, mais on a encore du travail à faire pour le prouver», a-t-il martelé. Les deux enquêteurs ont pris avec eux des photos, quelques lettres ainsi que des messages vidéo - une «nouveauté» désormais autorisée par l'administration de Guantanamo - qu'ils comptent transmettre aux détenus. Ils projettent de revenir en Tunisie pour prendre contact avec d'autres familles de détenus et rencontrer aussi des officiels. Des missions similaires ont déjà été menées par cette organisation ou sont en cours dans d'autres pays qui comptent des ressortissants détenus à Guantanamo, dont la Mauritanie, le Maroc, le Kenya et la Jordanie. Des représentants de Reprieve projettent de se rendre en avril en Algérie et au Tchad.