Les dirigeants ont manqué le sixième congrès du Fatah qui se tient pour la première fois sur la terre palestinienne. Le mouvement, miné par les problèmes internes et affaiblie par les querelles avec le mouvement rival Hamas, est-il en train de rater une occasion historique pour retrouver son lustre d'antan ? Pour en savoir plus sur le déroulement des débats et sur les causes du blocage, nous avons contacté M. Jamel Mhissen, gouverneur de Nabouls.
Le Temps: Quels seraient les changements politiques qui seront décidés lors de ce congrès? Jamel Mhissen: Nous rencontrons actuellement trois défis majeurs. Le premier est qu'il y a eu du désordre, du laisser-aller et de l'irresponsabilité au sein des responsables du mouvement, cela nous a causé des pertes au niveau des élections législatives ainsi que des élections municipales. Il faudrait de la discipline et par la même occasion, des élections concrètes au niveau du Comité central. Les nouveaux responsables qui seront élus devraient remédier au désordre qui régnait. Le deuxième défi concerne le Hamas, qui est "un groupe de charlatans". Ce mouvement est un danger un danger pour la cause palestinienne et pour la sécurité nationale arabe. Les nouveaux élus doivent traiter avec le Hamas avec beaucoup plus de rigueur et de dureté. Le troisième est Israël, car en vérité il n'existe point aujourd'hui un partenaire pour la paix. De ce fait, il faut durcir les positions avec l'Etat hébreu tant qu'il n'y a aucun respect de sa part pour les conventions et le processus de paix. Nous exigeons le retrait jusqu'aux frontières des territoires occupés en 67 avec Al Qods-Est comme capitale de notre Etat et le droit au retour des exilés (...). Les discussions représentent un moyen de libération, les nouveaux responsables seront tenus de n'en négliger aucun, entre autres, la résistance armée s'il le faut. Reste qu'il s'agit d'un choix national et non personnel ou propre à un mouvement précis.
•Qu'en est-il du problème des partisans du Fatah coincés à Gaza au sujet des élections? Et est-ce que Dahlane reste toujours l'homme influent sur les membres du Fatah à Gaza? Dahlane ne dirige pas Gaza, c'est une fausse idée qu'ont les Arabes et les Etrangers. Il y a cinq membres du comité central originaires de Gaza dont Dahlane fait partie. Le congrès n'a pas encore fait des élections. Concernant les membres de Gaza, il y en a déjà 205 présents à Beitlahm. Nous sommes en train d'étudier une solution pour les absents. A priori chacun aura le droit de se présenter candidat qu'il soit à Gaza, en prison ou à l'étranger. Des votes s'effectueront par tous les moyens de télécommunication ou technologiques possibles.
•Pourquoi un rapport financier du budget du mouvement durant les 20 dernières années, n'a pas été présenté au congrès? -Il était convenu de présenter deux rapports, l'un moral et l'autre financier. Or les présenter et surtout le rapport moral aurait fait l'effet d'une bombe au congrès. Nous ne voulons pas envenimer la situation mais y remédier. Ainsi, le nouveau comité central, aura à étudier ces dossiers via des personnes spécialisées et un conseil financier. Le Comité central sera composé à 90% de jeunes et sera chargé de ces missions.
•Quelle serait la position de Marouène Barghouthi dans le mouvement et qu'en est-il de sa candidature? -C'est l'un des dirigeants distingués du mouvement, il y a une envie partagée de sa part et de la part du Fatah qu'il se présente au Comité central. Je suis convaincu qu'il sera élu et nous attendons qu'il quitte la prison. C'est un soldat qui a été kidnappé d'une manière terroriste.
•Ne craignez-vous pas l'importance de sa popularité, il y a risque de monopolisation de pouvoir et de partisans même sans le vouloir? -Il y aura un groupe au sein du Comité, un groupe de jeunes éduqués par le leader Yasser Arafat. Personne ne pourra et n'aura le droit de monopoliser et d'accaparer les rôles et le pouvoir. Ce congrès tente de changer les choses, en favorisant l'esprit du groupe et en bannissant la mentalité du culte de la personnalité. D'ailleurs si nous les Arabes, on est toujours du tiers monde, c'est à cause de cette mentalité.
•Quels seront les changements que connaîtra la diplomatie palestinienne? -Je voudrais insister sur l'indépendance de la décision palestinienne. La cause reste la nôtre et nous ne voulons pas perdre la Palestine comme cela s'est passé en 67. Néanmoins, nous demandons aux Arabes de ne pas rester neutres. Ils doivent intervenir pour unir le rang des Palestiniens quitte à juger certaines personnes ou certains mouvements et prendre des dispositions. Il faudrait qu'ils forment un comité d'arbitrage pour mettre fin au conflit inter-palestinien. Puis nous attendons qu'ils unissent leur position face à Israël. Il s'agit surtout de ne pas normaliser les relations avec Israël dans les conditions actuelles, car Israël fait fi de toutes les conventions.