L'événement que nous allons vous rapporter a eu lieu devant une pharmacie à Lafayette, il est l'un des épisodes de ces fameux vingt-neuf et un jour du mois de ramadhan. Vous savez que pendant cette période de l'année le décor change, nous quittons le réel et nous entrons de plain pied dans un monde fantastique où tout échappe à la logique. Un jeune émigré qui accompagnait sa famille et qui venait de sortir de la pharmacie s'en est pris à un homme qui était en train de fumer tranquillement une cigarette dans sa voiture. Il était visiblement un grand dévot, puisqu'il lui a fait la morale en lui reprochant d'enfreindre la loi musulmane et de manquer de respect à lui et à tous les fidèles. Ses manières étaient bien sûr " douces " comme l'était son humeur, l'humeur de quelqu'un qui a un creux dans l'estomac et surtout très soif, et ce à quelques heures de la rupture du jeûne où on devient défaillant tellement on a dépensé de l'énergie. Et il ne faut pas oublier que la chaleur torride de cet été n'aide pas à terminer dans la joie la fin de la journée. On vous parle de toutes ces conditions pour essayer de trouver des circonstances atténuantes pour notre jeune dévot qui s'est montré trop sévère et trop agressif à l'égard de ce " pécheur ". Il était au point d'en venir aux mains n'eût été l'intervention d'une vieille femme qui portait un " sifsari " qui, avec ce look, avait l'aspect d'un ange qui venait de descendre du ciel pour venir au secours de cet " impie ". La riposte contre le fanatisme " Laisse-le tranquille mon fils ! Qu'est-ce que tu as contre lui ? Est-ce que c'est ton affaire s'il ne jeûne pas ? Qui t'as mandaté pour le sanctionner ? Il est libre de le faire ou pas, c'est une affaire strictement personnelle, il se peut qu'il n'en soit pas convaincu ou qu'il soit malade. " Effectivement, l'homme, victime de ce fanatisme aveugle qui assombrit notre environnement social et l'empoisonne, était malade. " J'ai pris mes médicaments à la pharmacie et je suis monté dans ma voiture qui n'a pas voulu démarrer, nous affirma-t-il. Alors j'ai appelé quelqu'un pour me dépanner. Pendant ce temps, j'ai pris mes comprimés, et puis j'ai allumé une cigarette discrètement. Soudain, j'ai remarqué qu'il y avait quelqu'un qui me guettait, je lui ai échangé le regard, et là, il s'est mis à m'insulter. Comme il était déchaîné, il s'est approché de ma voiture et a ouvert la portière. Devant cette situation, je me suis trouvé contraint de mettre les pieds à terre et de me défendre. Il m'a pris par le collet de la chemise et allait me lancer des coups, mais heureusement que les gens étaient intervenus et nous ont séparés. Après cela, il a bien sûr continué à proférer de gros mots à mon égard, lui qui faisait le jeûne et qui me reprochait de ne pas l'observer!!! Seule cette brave vieille femme a pu l'arrêter et le faire revenir à la raison, du moins provisoirement. " Un esprit rétrograde dans un cadre progressiste On se demande qui est, parmi celle-ci et le jeune émigré, le plus âgé et le plus cultivé. Qui d'entre eux vit en France, le pays de la tolérance et de la grande Révolution de 1789, et qui vit dans la société tunisienne traditionnelle où pendant ce mois presque tous les citoyens s'improvisent des saints ? Il est clair que cet immigré, qui évolue physiquement dans un cadre français, se trouve ailleurs par l'esprit, dans l'un de ces pays théocratiques où l'on châtie même ceux qui ne font pas la prière.