S'il y a une spécialité en football qui défia la loi qu'impose l'âge aux performances physiques, c'est bien la formation de gardien de but. Ni l'élasticité des muscles qui se relâchent immanquablement à partir de la trentaine, ni les réflexes qui perdent de leur instantanéité ne sont préjudiciables à un gardien de but. Les exemples foisonnent à travers le temps et les pays. Depuis Darwi et Vignal et après eux Yachine. Depuis Bankes et Zbrir et jusqu'à Dino Zoff, les plus grands goals de tous les temps ont régné en maîtres dans les surfaces de réparation alors qu'ils frisaient la quarantaine. Pour ne citer qu'un seul exemple chez nous, il a fallu attendre Ali Boumnijel pour que la Tunisie remporte sa première Coupe d'Afrique tant la concurrence était pauvre parmi les jeunes gardiens en ce moment. Pour un accompagnement approprié Par ailleurs, cette spécialité a une particularité : elle obéit à des cycles bien étranges. Parfois toute une génération ne produit qu'au compte-gouttes un gardien de but. Comme durant les vingt dernières années, chez nous, à peine un El Ouaer digne d'un statut spécial. A tel point qu'il y a quelques années, les instances fédérales avaient interdit à tous les clubs tunisiens, l'embauche d'un goal. Nos clubs ont-ils compris le message et qu'il fallait former ici même ceux qui devront garder leurs buts? Des optimistes voudraient bien les croire au vu de l'émergence récente d'une bonne dizaine de gardiens aux potentialités assurées. Mais comment le croire quand ceux qui viennent d'émerger venaient à peine de naître quand cette interdiction eut lieu. Il reste à résoudre un problème. Pour que la courbe de valeur se maintienne, il faut à ces jeunes gardiens un accompagnement approprié: des formateurs à la page et un calendrier de progression scientifique, rigoureusement établi et exécuté. Il faut aussi une mentalité de professionnel, une humilité qui résiste bien aux chants de cygne qu'une certaine presse, en plus des gradins, ne manque pas de chanter. Une mentalité de professionnel On tremble quand on voit combien le jeune gardien de l'Espérance a été soumis à l'épreuve du vedettariat après trois rencontres seulement, comme s'il était déjà Yachine. La façon avec laquelle on s'y prit est idéale pour étouffer dans l'œuf un talent appelé d'abord à travailler et souffrir. Toujours est-il que le fait est aujourd'hui indéniable. La matière est actuellement de bonne qualité et assez disponible pour nous plaindre. Ils sont en effet, une bonne demi-douzaine, dont l'âge varie entre 20 et 22 ans. Déjà, l'entraîneur national a cru bon de puiser dans cette réserve, même si pour des raisons évidentes, il n'utilisera pas de sitôt l'oisillon, à peine sorti de son nid. Les Banks, Yachine, Zoff et autres qu'on a évoqués au début de ce papier, n'ont certainement pas éclos par magie, une fois les trente ans dépassés. Ils ont été remarqués, comme Ben Mustapha, à l'âge tendre. Ils ont travaillé dur et se sont sacrifiés pour qu'une dizaine d'années d'après, ils ont pu crever les écrans. Bref, ce n'est là ni le moment ni le lieu pour aborder ce côté épineux de nos investigations des oiseaux rares. Réjouissons-nous qu'une génération a enfin enfanté de quoi assurer l'avenir en cette sorte de matière tout à la fois difficile à prospecter et à mener jusqu'à l'âge de maturité pour avoir un jour un Attouga, un Kanoun, un Ayachi ou un Ouaer récemment plébiscité . Dans ce dossier qu'on vous propose, les collaborateurs du "Temps" ont choisi d'ausculter quelques cas de ces nouveaux venus dans les cages de nos clubs.