L'obésité chez les enfants est un phénomène dont nous entendons parler depuis plusieurs années aux Etats-Unis et en Europe, sans pour autant nous sentir concernés. Or plusieurs nutritionnistes nous ont révélé que le surpoids gagne aussi du terrain sous nos latitudes. Une situation nouvelle et plutôt inquiétante, puisqu'elle se termine souvent par le diabète juvénile et tous les problèmes qui surgissent avec cette maladie handicapante... Il faut savoir que le monde compte actuellement 1,7 milliard d'individus en surpoids dont 300 millions atteints d'obésité. Chez nous, on avance le chiffre d'un million de diabétiques : un Tunisien sur dix ! Une épidémie qui s'étend chaque jour un peu plus et qui menace la santé des jeunes et des moins jeunes. Deux questions se posent dès lors : comment en est-on arrivé là et surtout comment éviter ce phénomène, qui s'annonce comme l'un des pires drames sanitaires du 21ème siècle ? Sédentarité Les causes de cette situation nouvelle nous sont résumées par un célèbre nutritionniste : « la raison première, c'est la tendance des enfants d'aujourd'hui à être beaucoup moins actifs que ne le fussent leurs parents. Les consoles de jeux vidéo, la télévision et l'ordinateur viennent s'ajouter aux longues heures que l'enfant passe assis à l'école, puis à faire ses devoirs. Ajoutez à cette sédentarité la malbouffe, avec ses fast-foods et ses barrettes de chocolat et vous aurez une idée bien précise sur la gravité de la situation. » Un pédiatre affirme que « l'obésité n'est pas transmissible, donc a priori évitable. D'ailleurs l'Organisation Mondiale de la Santé a tiré la sonnette d'alarme en déclarant l'obésité première épidémie mondiale non transmissible du 21ème siècle. Il ne s'agit pas ici de considérations esthétiques ou alimentaires, mais de problèmes de santé, puisque l'obésité est avant tout un excès de graisse nocive, une maladie chronique grave qui met la santé de l'enfant en danger dès les premières années de son existence... » Il est loin le temps où le régime méditerranéen protégeait nos aïeux des méfaits du surpoids. En effet, l'obésité moderne est liée à deux facteurs : la baisse de l'activité physique, conjuguée au syndrome de ce que l'on appelle la malbouffe. La production d'aliments industriels avec un apport énergétique excessif conditionne de plus en plus les changements des modes de vie. Ajoutez à cela l'absence de toute forme de sport, même la marche à pieds, la réduction des espaces verts qui permettaient une activité physique simple et bénéfique, le développement de loisirs sédentaires, le grignotage et vous aurez une idée précise sur le tableau sombre qui se dessine à l'horizon. Notre pédiatre assure que « certains enfants souffriront de problèmes de croissance, d'une fragilisation osseuse et des difficultés respiratoires. » Un sociologue a noté qu'auparavant, « les enfants jouaient beaucoup en plein air à des jeux où ils se dépensaient beaucoup, comme le football dans les quartiers et dans les rues où peu de voitures passaient... Aujourd'hui, tous les terrains ont été bâtis et il n'y a plus d'espaces dans les anciens quartiers pour s'adonner à de telles activités spontanées. » Torture psychique Mais le pire ennemi ce sont les fast-foods, accusés par nos interlocuteurs d'être à l'origine de l'obésité juvénile. Ces fast-foods favorisent une prise de poids excessive et surtout rapide. L'industrie agro-alimentaire est également responsable, car les produits qu'elle prépare sont trop riches en sel, en sucres et en diverses matières grasses. D'où la nécessité, selon le nutritionniste, de « revenir aux produits naturels : fruits, légumes, poisson... Car les mauvaises habitudes alimentaires dérèglent notre organisme, surtout s'ils sont ingurgités à la va-vite, ou dans des proportions excessives. » L'obésité expose ainsi notre organisme à des pathologies graves : risques cardio-vasculaires, hypertension, cancers, sans oublier la dégradation générale de l'état de santé et une réduction de l'espérance de vie de dix ans en moyenne. Ajoutez à cela les moqueries des camarades d'école et le rejet qui commence parfois dès les petites classes.. Un jeune garçon qui souffre d'obésité depuis son enfance nous a confié : « mes camarades de classe me traitent de « Botti »* et refusaient de me laisser participer aux matches de foot, car je ralentissais le jeu. » Des témoignages comme celui-ci, nous en avons recueilli des dizaines, tous plus émouvants les uns que les autres et qui montrent une véritable souffrance psychique... Selon le nutritionniste, « ce genre de situation va créer un manque de confiance en soi chez l'enfant ou l'adolescent, et l'apparition de comportements alimentaires compulsifs ou boulimiques. » Ce qui l'inquiète également, c'est le fait que l'on est obèse de plus en plus tôt, parfois dès l'âge de deux ou trois ans. Une situation inquiétante lorsqu'on sait que ces enfants et adolescents resteront obèses à l'âge adulte dans 50 % des cas. D'où la nécessité de « prévenir très tôt ce phénomène et de le prendre en charge dès le plus jeune âge », assure notre pédiatre. Il préconise l'implication de tous les acteurs : « la famille d'abord, mais aussi les professionnels de la santé ainsi que l'éducation, sans oublier les industries agroalimentaires. » La plupart des intervenants recommandent de lancer un programme national piloté conjointement par tous ceux qui sont concernés par le sujet, afin de freiner ce mouvement ascendant. Ils conseillent également de restaurer la tradition du repas familial, tout en privilégiant l'activité physique et en limitant les loisirs sédentaires au minimum. Si vous regardez les chaînes de télévision françaises, vous aurez certainement remarqué que de nombreux spots publicitaires intègrent des messages sanitaires qui soulignent la nécessité d'éviter le grignotage et de s'adonner à une activité physique soutenue. Pourquoi ne pas suivre cet excellent exemple et de souligner les risques d'obésité dans nos spots TV à nous ? Car « tout le monde est prédisposé à la prise de poids, c'est pourquoi la prévention doit commencer dès la nutrition de la maman, pendant la grossesse, pour éviter la fabrication massive de cellules adipeuses par le bébé », assure le pédiatre. Il faut aussi apprendre aux enfants à remplacer les sodas par de l'eau ou des jus de fruits naturels, augmenter la consommation de fruits et légumes frais, éviter le grignotage sous toutes ses formes, limiter les chips et les barres chocolatées... Pensez aussi aux portions servies, qui doivent être adaptées à l'âge, c'est par là que le danger arrive parfois... Yasser Maârouf * Lire en français : « le gros »