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Le quinquagénaire et la jeune fille
Publié dans Le Temps le 04 - 11 - 2009

Au moment où la jeune femme mit les pieds chez elle, de retour d'une visite à sa sœur, elle a tout de suite su que quelque chose ne tournait pas rond. Quelque chose de louche se tramait chez elle et un mauvais pressentiment la tenaillait depuis l'instant où elle a tourné la clé pour ouvrir la porte d'entrée...
Pour revenir au début de cette "histoire - affaire", disons que la jeune femme en question est allée ce jour-là chez sa sœur habitant une cité limitrophe. Ce n'était, donc, guère loin du domicile conjugal du côté de la Manouba. Avant de partir, elle a d'ailleurs pris le soin de prévenir son conjoint qu'elle comptait passer la nuit chez sa frangine, message qu'elle a également passé à ses deux "fils" , tous deux dépassant de peu la trentaine et ne rentrant par ailleurs que tard, juste pour dormir. Elle a aussi prévenu sa file unique, cette dernière se préparant à passer le Bac cette année.
C'est justement cette dernière qui aurait été à l'origine du changement apporté à son programme initial. Un coup de fil de la jeune fille aurait été effectivement suffisant pour convaincre la mère de rentrer. Partie tôt le matin, elle fut de ce fait de retour aux environs de quatre heures de l'après-midi, pour aller aux devants de la surprise de sa vie. Une désagréable surprise faut-il le préciser.
C'est avec un petit pincement au cœur qu'elle s'est avancée à pas feutrés vers la chambre à coucher, dont la porte était pourtant grande ouverte.
Le spectacle qui s'offrait à ses yeux était pour elle du domaine de l'inimaginable, son époux son cher époux était en pleins ébats avec une jeune fille qu'elle connaissait bien. Une fille du voisinage réputée pour être de mœurs légères. Mais de là à l'imaginer dans son propre lit, dans les bras de son quinquagénaire de conjoint, c'est un pas qu'elle n'aurait jamais franchi, ne serait-ce qu'en pensée.
Sa pensée, justement, est allée fouiller un passé lointain. Pendant quelques minutes, paralysée et non moins hypnotisée, ses souvenirs l'ont ramenée à cette belle époque où ce même mari, qu'elle vient de découvrir en galante compagnie, s'était présenté pour solliciter sa main. Ses parents, qui étaient très réticents ont longtemps hésité avant de donner leur aval, convaincus apparemment par l'assurance de leur fille, dont les convictions ont pesé finalement lourd dans la balance.
Ses souvenirs n'ont pas manqué de s'échapper vers ces années qu'elle a vécues aux côtés d'un jeune homme, son aîné d'une douzaine d'années, entamant une modeste carrière dans le domaine commercial, l'appuyant de toutes ses forces pour se faire une situation et surtout, élever ses deux garçons issus d'un premier lit.
Le film de sa vie est passé en quelques minutes, alors qu'elle était toujours hébétée et interloquée sur le pas de la porte. Pendant ce temps, son mari et sa compagne trop absorbés par leur "activité débordante", ne se sont pas rendu compte de sa présence, continuant de la sorte leur harassante besogne.
Ce n'est qu'une fois revenue à terre, ou plutôt réveillée de sa léthargie, que la jeune femme eut finalement la réaction d'une femelle blessée dans son amour propre, atteinte en son honneur et en sa dignité.
Elle eut, en tout cas, la réaction logique en de telles circonstances, mettant évidemment ses cordes vocales à rude épreuve pour ameuter les voisins, peut être pour crier sa déception et son désespoir.
Du coup, la surprise allait changer de camp pour s'installer dans le lit où l'homme et la fille ne bougeaient plus, paralysés à leur tour par cette apparition subite. L'homme, plus que la fille, ne savait quoi faire, encore moins que dire. Cependant que sa compagne d'un moment demeurait bouche-bée, ne sachant quel parti prendre, ni comment se soustraire à cette situation, car elle n'avait d'autre pensée désormais que de quitter les lieux le plus vite possible. Une entreprise cependant trop risquée, avec cette furie continuant à appeler au déshonneur, tout en obstruant le seul et unique passage.
Quelques bonnes âmes n'ont d'ailleurs pas manqué de prendre l'initiative pour alerter les auxiliaires de la justice, venus rapidement "prendre possession" des deux colis.
Coup de théâtre, cependant, une fois amenés au poste de la localité, la bonne épouse s'est ravisée, ne tenant plus à porter plainte, "pour ne pas perturber sa fille", a-t-elle assuré...


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