Le Temps-Agences - Après le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, la veille à Al Qods, le représentant spécial de Barack Obama au Proche-Orient, George Mitchell, a rencontré, hier à Ramallah, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. L'ex-sénateur démocrate américain, artisan des accords de paix dits du Vendredi saint en Irlande du Nord, en 1998, effectue là sa première mission au Proche-Orient de l'année, mais la douzième depuis qu'il a été nommé par le président américain il y a un an, et sans doute la plus difficile. A l'unisson d'un chef de la Maison blanche, qui a reconnu dans une interview au magazine Time qu'il avait trop présumé de son volontarisme sur ce dossier, George Mitchell a admis jeudi "les complexités et difficultés" de la quête de la paix entre Israéliens et Palestiniens. Les deux parties, qui font assaut d'intransigeance en campant sur leurs positions traditionnelles, sont engagées dans une guerre verbale acrimonieuse en s'accusant mutuellement de bloquer un processus de paix, dont la reprise avait été présentée par Barack Obama il y a un an comme une de ses priorités diplomatiques. Mahmoud Abbas refuse de reprendre les négociations, au point mort depuis plus d'un an, tant qu'Israël ne gèlera pas totalement ses activités de colonisation à Al Qods-Est et en Cisjordanie occupée, qu'administre son Autorité autonome issue des accords de paix d'Oslo de 1993. Cette position avait été soutenue par le chef de la Maison blanche dans un premier temps, avant que, à l'occasion du sommet tripartite qu'il a organisé avec Netanyahu et Abbas, en marge de l'Assemblée générale de l'Onu, en septembre, il ne tienne compte de l'intransigeance israélienne en demandant simplement à Israël de faire preuve de "retenue". Le Premier ministre israélien a consenti un "moratoire" de dix mois sur la construction de nouvelles colonies dans les territoires occupés, mais il ne concerne ni Al Qods-Est, ni les habitations en cours de réalisation, un geste jugé donc largement insuffisant par Abbas. La secrétaire d'Etat Hillary Clinton a présenté cette concession comme majeure de la part d'Israël. Mais, dans son interview à Time, c'est Mitchell qu'épingle Obama pour son "aveuglement" face à un geste "dont il n'a pas vu qu'il ne marquait pas un progrès suffisant pour les Palestiniens". "C'est vraiment très dur (...) et si nous avions anticipé plus tôt certains de ces problèmes politiques de la part des deux camps, nous n'aurions pas suscité des attentes si fortes", a confié le président américain au magazine, reconnaissant qu'il avait sous-estimé un conflit "inextricable" lors de sa prise de fonctions, il y a un an. Plusieurs médias arabes ne donnent pas cher de l'avenir de George Mitchell comme émissaire de paix américain au Proche-Orient, dont ce pourrait être la dernière mission dans la région, au vu des maigres résultats qu'il a obtenus. Certains analystes arabes prédisent même que l'ancien sénateur du Maine, âgé de 76 ans, pourrait démissionner dès son retour de sa frustrante mission en cours, estimant avoir donné le meilleur de lui-même durant la première année de mandat d'Obama. Rien ne confirme encore ces spéculations, mais beaucoup misent sur un retour de l'ancien médiateur américain au Proche-Orient Dennis Ross, un diplomate chevronné de 61 ans qui connaît le dossier sur le bout des doigts. Pour l'analyste palestinien George Giacaman, de l'université palestinienne de Bir Zeït, l'interview d'Obama à Time "marque un tournant". "S'il reconnaît maintenant que le processus rencontre des difficultés et qu'il a péché par optimisme, cela augure mal de l'avenir." Même si le président américain s'est dit résolu, dans cette interview, à poursuivre ses efforts de paix au Proche-Orient, le bilan qu'il en dresse, selon Giacaman, s'interprète au mieux comme "une manifestation d'exaspération" et au pire comme le prélude à "l'abandon de tout processus politique crédible". Shimon Shiffer, chroniqueur au journal israélien Yedioth Ahronoth, assure, lui, que Netanyahu s'attendait à l'échec d'Obama, faute de connaissance des positions fondamentales des Arabes, mais surtout parce qu'il a cru, à tort, pouvoir faire pression sur Israël au sujet de la colonisation en échange d'un engagement à défendre Israël contre la menace iranienne.