D'habitude, ce sont les enfants et les adolescents qui fuguent ; mais on entend de plus en plus parler, chez nous, de pères ou de mères de famille, en possession de toutes leurs facultés mentales et psychiques, qui fuient le domicile conjugal pour des périodes plus ou moins longues et parfois pour ne plus y revenir ! Bien qu'il ne s'agisse pas d'un vrai phénomène social, ce genre de disparitions ne laisse pas de créer des problèmes aux retombées multiples, tant au niveau de la famille du « fugueur » (ou de la « fugueuse ») que plus largement sur le plan social. Les journaux et plus récemment la télévision et les sites électroniques rapportent de temps en temps des cas à la fois pathétiques et révoltants de femmes mariées qui se retrouvent subitement seules parce que leurs époux ont choisi de prendre la clé des champs et de partir on ne sait où, les laissant le plus souvent sans ressources et avec à leur charge un ou plusieurs enfants. En effet, les éclipses de ce genre sont plus le fait des maris que des épouses. Que dit la loi ? Dans le droit tunisien, on ne précise pas la durée au terme de laquelle la victime de l'abandon du domicile conjugal peut déposer plainte à la justice. Mais d'une manière générale, il faut avant d'en arriver là, prouver l'absence prolongée du mari, par exemple en publiant pendant une durée conséquente, un avis dans les journaux quotidiens et/ ou sur d'autres médias comme la radio et la télévision. Si l'annonce ne donne pas de suite ni ne rapporte d'informations sur le « fugueur », l'épouse peut déposer sa plainte et demander le divorce pour préjudice, si elle le veut. Ses droits à une réparation morale et financière sont acquis ainsi que le droit à la pension alimentaire des enfants à sa charge. Une fois le jugement prononcé contre le mari absent, celui-ci dispose de 30 jours pour faire appel ; sinon le verdict sera définitif et s'appliquera à son encontre à moins qu'il veuille réintégrer le domicile conjugal ; mais auparavant, il doit contracter un nouveau mariage avec son ex-épouse laquelle reste libre d'accepter ou de rejeter cette solution. Pourquoi « fuguent »-ils ? D'après A.Z., avocat tunisien, les divorces pour ce genre de préjudice ne représentent qu'un faible pourcentage par rapport à l'ensemble des autres types de séparations. Pour lui, divers facteurs expliquent l'abandon du domicile conjugal : dans certaines affaires, on peut l'imputer au manque de sens de la responsabilité. Il s'agit d'époux (ou d'épouses) immatures qui ne se sentent pas capables, une fois les enfants sont venus au monde, d'assumer convenablement leur rôle de parents. Ils choisissent alors cette sorte de fuite, faute de mieux. Ou alors de personnes habituées à un mode de vie peu contraignant, notamment sur le plan financier, et qui se trouvent face à plusieurs obligations et dépenses qu'ils ne peuvent honorer. Lorsque le « fugueur » vit une impasse financière dont il ne voit pas l'issue, il préfère également se dérober à ses devoirs familiaux. Il arrive aussi qu'il (ou qu'elle) ait une liaison avec une (ou un) autre partenaire et choisisse, pour échapper aux poursuites, s'établir avec elle (ou lui) en dehors de nos frontières. Dans d'autres cas, le fugueur se volatilise parce qu'il est impliqué dans une ou plusieurs affaires criminelles graves qui peuvent lui coûter plusieurs années derrière les barreaux. Une pathétique quête d'oxygène Mais que penser de ces pères et mères de familles qui, sans s'éclipser tout à fait, passent le plus clair de leur temps hors du toit familial et abandonnent leur progéniture à son sort, sinon qu'ils commettent eux aussi un délit semblable à l'abandon de famille. Qu'ils préfèrent les bars, les cafés ou le trottoir à leurs maisons, ils condamnent leurs enfants à l'indigence, à la délinquance et à la criminalité. On peut comprendre que leur « fugue » soit, comme la définit un médecin français, « une pathétique quête d'oxygène dans une atmosphère jugée irrespirable ». On est prêt, en effet, à la pardonner si elle est passagère. Mais quand cela devient une seconde nature, on ne peut la tolérer sous aucun prétexte. Autrement dit, l'abandon du domicile conjugal se traduit également par des comportements irresponsables émanant d'adultes à qui il est nécessaire d'apprendre ou de réapprendre le rôle de parents. Mais suffira-t-il d'un article de journal pour que cette leçon soit bien retenue ?